Attention ! Ne jamais aborder avec un artisan ou un commerçant la question ultrasensible du Régime social des indépendants (RSI) - la "Sécu" des travailleurs indépendants - car le sujet rend fou...
Erreurs de calcul des cotisations, retard de paiement, harcèlement administratif, impossibilité de joindre un correspondant...
Depuis sa création en 2006, le RSI est accusé de tous les maux. Surtout depuis 2008, quand il est devenu l'Interlocuteur social unique (ISU) pour la protection sociale des artisans, industriels et commerçants - même si ce sont les Urssaf qui assurent le recouvrement de l'ensemble des cotisations sociales.
C'est d'ailleurs à la suite du rapprochement entre le RSI et les Urssaf que s'est produit un gigantesque bug informatique - les deux systèmes étaient incompatibles ! - qui s'est soldé par l'écrasement de millions de données.
Résultat, pendant des années, les quelque 6,1 millions de chefs d'entreprise indépendants et leurs ayants droit affiliés se sont arrachés les cheveux devant la somme d'erreurs. "Ça commence tout de même à aller mieux", tempère Alain Bethfort, président de l'Union nationale de l'artisanat... et vice-président du RSI. De fait, selon le RSI, en 2014 les contentieux ont chuté de 11% par rapport à 2013.
Les esprits s'échauffent contre le fonctionnement du RSI
Mais si les conséquences désastreuses du bug s'atténuent lentement, il n'en reste pas moins que le RSI continue de souffrir de problèmes structurels parfois ubuesques qui rendent hystériques les affiliés. Et les esprits s'échauffent.
Le Président de l'UPA (artisans employeurs), Jean-Pierre Crouzet, vient ainsi d'interpeller le gouvernement :
"Je demande au gouvernement de prendre ses responsabilités en remettant vraiment le RSI en ordre de marche et, surtout, en réduisant les charges sociales des travailleurs indépendants."
Et une manifestation contre le RSI est organisée à Paris le 9 mars par l'association "Sauvons nos entreprises".
Au Parlement également, l'opposition - Bruno Le Maire, député UMP de l'Eure, en tête - s'est saisie du sujet et demande l'ouverture d'une mission d'information sur le RSI. Preuve également que la question commence à sérieusement inquiéter le gouvernement, le secrétaire d'État au Budget, Christian Eckert, et la secrétaire d'État chargée du Commerce, Carole Delga, se sont rendus ce 4 mars à Nantes pour rencontrer agents et usagers du RSI.
A cet égard, dans un entretien au Figaro, Carole Delga a mis en garde contre les travailleurs indépendants tentés de se désaffilier du RSI, pourtant obligatoire:
"C'est parfaitement illégal et passible de sanctions pénales (...). Le phénomène reste très limité: 769 assurés au 31 décembre 2014 ont engagé une démarche de désaffiliation (...). Le RSI est un régime obligatoire de sécurité sociale. Le gouvernement se réserve la possibilité de mener des actions en justice contre ceux qui propagent l'idée contraire."
Une allusion à ceux qui prônent une "désaffiliation sauvage" au profit de systèmes privés de de protection sociale installés dans d'autres pays européens. Mais d'autres indépendants se débrouillent aussi pour (re)devenir salarié de leur propre entreprise pour ne plus avoir à traiter avec le RSI... Quitte à cotiser davantage.
François Asselin président de la CGPME met d'ailleurs les points sur les « i ».
"Nous sommes totalement contre cette idée de désaffiliation comme nous sommes contre l'idée de fusionner le RSI avec le régime général de la Sécu, comme le prône Bruno Le Maire notamment. Mais, comme nous sommes attachés au système du RSI, nous sommes peinés qu'il fonctionne si mal."
Et le président de l'organisation patronale de rappeler que, malgré toutes ses imperfections, le RSI est moins "cher" que le régime général. Rapporté au revenu ou au salaire brut, le taux des cotisations sociales pour un revenu inférieur au plafond de la Sécu (3.170 euros par mois) s'élève à près de 32% pour l'artisan/commerçant, contre 42% pour un salarié (hors cotisations chômage et y compris les cotisations patronales, sans tenir compte des allègements).
La CGPME avance des propositions pour améliorer le fonctionnement du RSI, notamment l'auto-déclaration
Pour autant, la CGPME aussi en a « ras-le-bol » des dysfonctionnements du RSI. "Nous n'arrêtons pas d'intervenir pour nos adhérents", commente François Asselin. "C'est totalement ubuesque", insiste Sophie Duprez, administratrice CGPME du RSI:
"Le RSI est censé être un interlocuteur unique mais, en vérité, il y a les Urssaf qui interviennent pour le recouvrement, des organismes correspondants qui s'occupent de la maladie, le RSI qui calcule les retraites... Résultat: ce ne sont pas les mêmes interlocuteurs, et ils ne communiquent même pas entre eux. Alors, comment voulez-vous que les chefs d'entreprise arrivent à joindre quelqu'un. Et savez- vous que, lorsqu'un cotisant change d'adresse, il y a besoin d'intervenir dans 15 logiciels internes au RSI?"
Aussi, pour résoudre les difficultés et simplifier la vie des "petits" chefs d'entreprise, la CGPME avance des propositions. D'abord, elle milite pour l'instauration de l'auto-déclaration et de l'auto-paiement des cotisations par les chefs d'entreprise. Actuellement, les acomptes à verser sont calculés sur l'année N-2 ou N-1 et les montants à solder sur l'année N+1. "Vous imaginez quand le chiffre d'affaires a considérablement évolué...", explique Sophie Duprez.
Il faut tout de même préciser que, depuis le 1er janvier, le système a évolué. Les cotisations sont désormais calculées sur la base des revenus déclarés l'année précédente (et non plus N-2).
Mais la CGPME propose d'aller plus loin en permettant aux cotisants d'évaluer eux-mêmes le montant des cotisations à régler dans l'année, d'envoyer un premier acompte en même temps qu'ils font leur déclaration de revenus annuels et de solder le montant en fin d'année.
Pour limiter les contentieux, la CGPME réclame aussi la création d'un "rescrit RSI" qui permettrait de considérer qu'au-delà d'un certain délai, l'absence de réponse à un courrier d'un cotisant envoyé avec accusé de réception équivaudra à une réponse positive, y compris en ce qui concerne les éventuels contentieux en cours.
"Cela permettra de contourner les problèmes rencontrés avec les plateformes téléphoniques - très souvent des sous-traitants qui racontent n'importe quoi", ironise Sophie Duprez.
Par ailleurs, la CGPME souhaite une réforme de la gouvernance du RSI afin que les instances nationales soient davantage représentatives des résultats des élections des administrateurs locaux du RSI.
Il faut dire que, dans le cadre d'une guerre picrocholine, actuellement, la CGPME, qui est arrivée en tête des élections locales chez les commerçants, n'est pas présente au bureau national en raison d'une "alliance" entre les représentants des artisans de l'UPA et des professions libérales (Unapl). Or, la CGPME estime que les représentants de l'Unapl n'ont pas voix à tous les chapitres, les professions libérales n'étant affiliées au RSI que pour les seules prestations « maladie ».
Enfin, la CGPME demande aussi que soit installé dans chaque région un « médiateur RSI » indépendant pour régler les conflits, au même titre qu'existent déjà un médiateur du crédit, un médiateur des marchés publics et un médiateur des relations interentreprises.
Cela tombe bien car Carole Delga s'est également engagée à créer un tel médiateur...