Les trois défis de la CGPME

La CGPME a un nouveau président. Il est désormais confronté, avec toute son organisation, à trois défis importants: celui de la représentativité, des reformes structurelles internes et de l'affirmation d'un projet. par Bernard Cohen-Hadad, président du think tank Etienne Marcel, président de la commission financement de la CGPME

Après 12 années de mandat de Jean-François Roubaud, la CGPME change de président. Le choix du successeur n'est pas vraiment une surprise. François Asselin, chef d'entreprise en activité, est le seul et unique candidat. Il est aussi membre du comité exécutif de la CGPME et vice-président de la puissante fédération du bâtiment. Contrairement à d'autres organisations, partis ou syndicats, ce changement n'est pas l'occasion de primaires. Il se fait sur tapis vert et sans douleur.

On peut donc se demander si cette absence de débat public est gage d'ouverture et de changement. Car la CGPME reste confrontée, dans la crise financière, à trois défis importants:  celui de la représentativité, des reformes structurelles internes et de l'affirmation de son projet.

2015, l'année de la représentativité

Pour toutes les organisations syndicales ou patronales, l'année 2015 sera celui de la représentativité avec à la clef ce qu'elles valent réellement les unes par rapport aux autres. En nombre de mandats pour peser sur nos institutions et en moyens financiers pour participer au débat démocratique. Et pour la CGPME l'enjeu n'est pas anodin puisqu'elle n'est pas la seule à revendiquer le lien privilégié qui l'unit aux TPE et aux PME. Dans les territoires, beaucoup d'entrepreneurs sont très attachés à la CGPME car cette organisation est composée exclusivement de patrons, hommes ou femmes, et non pas de dirigeants.

 Un Yalta syndical et patronal dépassé

Et pour eux, à juste titre, la CGPME est depuis trop longtemps la laissée pour compte d'un Yalta syndical et patronal qui est désormais dépassé. La réforme de la représentativité est un virage à bien négocier. D'autant que la réforme des Chambres de Commerce et d'Industrie a laissé quelques amertumes. Compter avec le nombre d'adhérents c'est avoir des « troupes » sur le terrain, disposer de moyens financiers issus prioritairement des cotisations et non pas d'une autre manne. La loi est très claire sur le financement des organisations syndicales, comme celui des partis politiques. Représenter les petits patrons c'est forcément percevoir de petites adhésions et donc disposer d'un très petit budget.

Fini, le saupoudrage des financements

C'est là que les branches interviennent avec leurs cotisations groupées. Avec la réforme, fini le saupoudrage, les branches devront choisir leur organisation d'attache (CGPME, MEDEF...). Pour vivre, la CGPME doit donc s'ouvrir à de nouveaux adhérents. Leur plaire sans vendre son âme. Mais cette conquête ne peut se réaliser sans l'évolution nécessaire de sa gouvernance. La CGPME est une vieille dame, et soyons juste, malgré certains blocages,  Jean-François Roubaud a été un bon artisan. Il a essayé de l'amener, dans une démarche progressive sur le chemin de la modernité. Beaucoup de choses ont été faites, ces dernières années grâce à sa volonté personnelle, pour encourager le débat d'idées, l'émergence de talents et l'expression des territoires.

 Mieux impliquer les entrepreneurs

Et, à plusieurs reprises, les grains de sable ne sont pas venus des entrepreneurs, ni des branches, mais d'une minorité d'apparatchiks qui s'estimaient dépossédés d'une vérité qu'ils n'ont pas. Le changement à la tête de la CGPME est donc l'occasion d'amplifier le mouvement d'implication des entrepreneurs et de mettre chacun en face de ses choix et de ses responsabilités. Des changements auraient pu être faits ces derniers mois mais on ne change pas une organisation, le mode d'une élection, ni la durée d'un mandat quelques semaines avant un scrutin  sauf pour s'y maintenir ou pour faire passer les petits copains.

Ces combines n'ont pas de sens. Elles n'ont pas eu lieu. Mais à terme, la Confédération ne peut pas faire l'impasse de la question de la réforme de ses statuts, des différents mandats, de leur cumul et de leur renouvèlement. Alors que les primaires sont à la mode, le choix d'une équipe a prévalu sur les batailles d'égo. Un tour de France a été l'occasion de débats dans les départements. Quand il est voulu, le choix de la continuité, garant de stabilité tempérée, peut porter en germe le changement. Mais pour prendre un nouveau départ, l'installer et le réussir, l'équipe, qui va se mettre en place, doit jouer le jeu du travail, du courage de ses engagements et de la loyauté au projet porté par son président. Projet validé par tous lors du tour de France mais qui reste à étayer.

Revoir l'organisation interne à la faveur de la réforme des régions

Pour la CGPME, l'enjeu structurel est de taille. La réforme des régions, dans notre pays, doit être l'occasion pour la Confédération de revoir son organisation interne afin d'être plus proche, plus puissante, de mutualiser les moyens et les compétences et d'encourager les retours d'expériences. Car il n'y aura pas de reprise sans une redynamisation de notre tissu économique dans les territoires. Et les territoires sont le terrain d'action privilégié des PME.

La manifestation du 1er décembre 2014 pour « décadenasser les TPE et PME » a été une formidable réussite, un encouragement à exprimer les mécontentements sans poujadisme. Notre terrain de pensée l'entreprise patrimoniale s'apprécie dans un environnement local mais dans un univers qui n'est plus seulement la France mais l'Europe et le reste du monde. On a, trop souvent, reproché à la CGPME d'être à l'origine de vieilles recettes ou à la remorque d'idées portées par les gouvernements de droite ou de gauche.

Les PME ne peuvent plus être les spectateurs d'un débat économique responsable qui les touche

Et cela non par héliotropisme mais tout simplement par manque de moyens pour murir les idées et parfois par manque d'accord unitaire sur les solutions. C'est en parti vrai avant la crise financière, faux depuis. Les patrons de PME ne manquent pas d'idées pour leurs entreprises et pour leur pays. Le mépris qui les touche n'est plus acceptable. Mieux que d'autres, ils savent assumer les risques, même celui de déplaire, et en payer le prix. Et nous avons été nombreux à porter des idées, et à les partager, même si elles n'étaient pas "tendance" à l'extérieur ou dans nos rangs. Toutes les idées républicaines peuvent être débattues quand elles respectent l'opinion d'autrui. Même dans le monde patronal, c'est du débat participatif que se nourrissent les projets et se tirent les plans pour bâtir de solides fondations.

Les PME ne peuvent  donc plus être les spectateurs ou les laisser pour compte d'une vie institutionnelle, d'un projet citoyen et d'un débat économique responsable qui les touche. D'autant que, dans la mondialisation des échanges, nous devons accepter de payer le prix de notre liberté d'entreprendre tout faisant face à de nouveaux droits et à de nouvelles concurrences.

Dans un monde violent qui a perdu ses repères, dans un pays blessé par les communautarismes, la devise de la CGPME « notre priorité c'est l'homme »  doit retrouver tout son sens. Il ne faut donc pas cloisonner mais multiplier les occasions de rencontres et d'échanges. Accepter de ne pas être d'accord mais travailler ensemble sur une ligne tracée après qu'elle ait été préalablement et réellement débattue. Améliorer la circulation de l'information et non pas la brider. Laisser tomber le complexe du dirigeant de PME face à une nomenklatura qui n'est plus à la page.

François Asselin est un vrai entrepreneur et un non parisien. Il devient président de la CGPME. C'est déjà un signe. Et s'il mène à bien le projet qu'il nous a fait partager il y a des chances pour que l'on avance tous ensemble.

Bernard COHEN-HADAD

Président du think tank Etienne Marcel

Président de la commission financement de la CGPME

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Commentaires 3
à écrit le 22/01/2015 à 8:25
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Le 4° défi est le plus important . Comment s ajuster dans la mondialisation !!

à écrit le 21/01/2015 à 20:32
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Donc c'est pas encore un héritier qui va la ramener sur des mérites qu'il n'a jamais eu ?

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