Au Caire, les Français craignent pour leur sécurité

Tandis que Washington prend ses distances avec Hosni Moubarak, les sociétés françaises Lafarge, le Crédit Agricole et France Télécom rapatrient des salariés et leur famille. Alors que leur entreprise est à l'arrêt, d'autres expatriés préfèrent attendre. Sur place, certains diplomates craignent une reprise en main par l'armée. Témoignages.
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La tension reste très vive en Egypte. Barack Obama semble commencer à lâcher Hosni Moubarak en appelant "à une transition en bon ordre vers un gouvernement qui soit sensible aux aspirations du peuple égyptien". Tout dépend maintenant de l'attitude des militaires.

Le groupe Lafarge a annoncé dimanche soir avoir "organisé le retour d'une trentaine d'expatriés basés au Caire  et de leurs familles, représentant une centaine de personnes. Cette décision a été prise par prudence, par attention aux familles et pour tenir compte du caractère international de certains activités basées au Caire." Le géant français du ciment précise toutefois que "cette décision est temporaire. Elle concerne moins de la moitié des expatriés de Lafarge au Caire et une proportion très faible du management de Lafarge en Egypte. Cette décision n'a pas d'impact sur les opérations de Lafarge dans le pays".

Ce lundi, France Télécom a fait savoir qu'il rapatriait lui aussi depuis dimanche matin ses expatriés et leurs familles (une vingtaine de personnes).

Ces décisions témoignent tout de même d'une certaine inquiétude des firmes tricolores basées en Egypte à l'heure où les manifestations contre le régime d'Hosni Moubarak continuent, dans la foulée de celles en Tunisie qui ont entraîné la chute du régime dictatorial de Ben Ali. Reportage.

Au Caire, dans la luxueuse zone résidentielle de Maadi, la cour du lycée français fait office de quartier général. Plus d'une centaine de Français sont là, les traits tirés après une nuit d'angoisse. Depuis mardi dernier, la capitale égyptienne est le théâtre de manifestations, et d'affrontement brutaux. Samedi soir, la situation a dégénéré. Malgré un couvre-feu décrété par les autorités, la nuit a été particulièrement violente.

Dans le centre ville, sur le front des manifestations, plusieurs personnes ont été tuées et des centaines blessées. En périphérie, les quartiers huppés, où se concentrent les étrangers, ont été assaillis par les pillards. Plusieurs magasins ont été vidés et leurs vitrines éventrées.

Rentrer en France

«J'ai entendu des bruits toute la nuit, mais je n'ai rien vu. Heureusement, les « bawabs » (les concierges) et les hommes du quartier ont assuré la sécurité. Ils ont barricadé la rue et ont patrouillé, armés de bâtons et de barres métalliques », raconte Sophie Gazel, habitante de Maadi. « Internet est toujours coupé, le téléphone fonctionne mal. Chacun reste chez soi, sans savoir ce qu'il se passe. C'est très angoissant », poursuit cette maman de trois enfants.

Elle hésite à entrer en France, d'autant que ses activités ont cessé. Sophie Gazel travaille pour Orasqualia, une société égypto-espagnole, spécialisée dans la construction d'usines de traitement des eaux. « De toute façon, la construction est arrêtée et les ouvriers ne viennent plus », regrette-t-elle, alors qu'au loin des tirs d'armes à feu fusent dans le ciel.

Séjours annulés

Responsable local de Vantage Travel, un tour-opérateur américain, Bruno Wiley, s'arrache les cheveux. « J'ai 80 touristes à faire sortir d'Egypte. Je ne peux même pas aller les voir à l'aéroport, la route n'est pas sécurisée. Les séjours prévus dans les prochaines semaines ont tous été annulés », précise-t-il. « Evidemment, ces événements remettent en question la présence de ma société en Egypte. Tout est allé si vite. Je ne pouvais imaginer cela. Je ne sais pas quoi faire ».

Contrairement à d'autres pays, la France n'envisage pour l'instant aucune évacuation massive. La chancellerie qualifie la situation en Egypte « d'insurrectionnelle et volatile ». Mais le groupe de matériaux de construction Lafarge a décidé dimanche d'évacuer d'Egypte l'ensemble de ses expatriés ainsi que leurs familles tandis que le Crédit Agricole organisait le retour des familles de ses employés.

Comme beaucoup de Français, Bruno Wiley a quatre billets d'avions pour partir avec sa famille dans les jours qui viennent, si jamais les violences gagnent en intensité. Plusieurs compagnies aériennes occidentales, dont Air France, ont adapté leurs heures de vol au couvre feu et envoient des appareils gros porteur pour rapatrier les étrangers.

"L'insécurité est provoquée"

Des experts craignent que la situation s'envenime encore plus. Politologue au CNRS, détaché dans la capitale égyptienne, Marc Lavergne, juge que «le régime joue la carte du pourrissement de la situation. C'est lui qui lâche la bride à certains membres de la police pour semer la panique chez les citoyens. L'insécurité est provoquée pour donner l'impression à la communauté internationale qu'un pouvoir fort est nécessaire en Egypte », dénonce le chercheur.

Personne ne sait vraiment ce qui va se passer. « Si Moubarak s'est choisi un vice-président et un Premier ministre issus de l'armée, c'est qu'il a été contraint de le faire par l'armée. Ces deux personnes étant issues du sérail militaire, on semble se diriger vers un régime militaire en termes de sécurité », prévient un diplomate en poste au Caire, résumant le sentiment dans les chancelleries européennes.

Commentaires 2
à écrit le 08/02/2011 à 11:12
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Tous les pays musulmans vont finir par devenir des zones risques à l'instar de l'Algérie, l'Iran, le Mali, le Yémen, le Soudan...

à écrit le 31/01/2011 à 17:17
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Fort heureusement, la ministre de la jeunesse et des sports a brisé le tabou de la langue de bois derrière laquelle s'enferme encore notre gouvernement, vraiment à la peine en ce qui concerne sa politique étrangère méditerranéenne et dépassé par des ...

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