Pourquoi l'union sacrée des banques centrales était nécessaire pour faire baisser le yen

Alors que le yen s'envolait sous l'effet des anticipations de rapatriements de fonds de l'étranger au Japon, les banques centrales sont intervenues ces dernières heures pour calmer le jeu. La monnaie nippone a reculé de 3% par rapport au dollar et à l'euro. Mais pourquoi la devise japonaise risquait-elle de grimper encore un peu plus sans cette intervention ?
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La banque centrale du Japon, mais aussi son homologue européenne, ainsi que la Banque de France et la Bundesbank, se sont liguées cette nuit pour faire barrage contre l'envolée du yen, qui ne cessait de s'apprécier ces derniers jours à la fois face au dollar et à l'euro. Une action concertée comme les autorités monétaires en font rarement. La Banque du Japon a lancé la première salve, en achetant pour un montant de quelque 25 milliards de dollars en billets verts, contre sa propre monnaie.

Les autres banques centrales du Groupe des 7 pays les plus riches de la planète ont suivi. James Pearson, responsable des activités de change chez Nomura, estime à environ cinq milliards d'euros l'intervention de la BCE. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Le yen perdait environ 3% dans la foulée des actions concertées, s'affichant à 81,90 yens pour un dollars, alors qu'il ne fallait que 81,70 yen pour faire le même dollar peu de temps auparavant. Face à l'euro, la monnaie nippone perdait le même terrain, pour s'échanger sur les niveaux de 114,86 yen pour un euro.

Forces de rappel

Reste à savoir si l'offensive sera suffisante. Car les forces poussant le yen toujours plus haut sont nombreuses. A commencer par les anticipations de rapatriement de fonds de la part des entreprises nippones. Il y a celles, d'abord, qui doivent, pour de simples raisons fiscales, clore leurs comptes à la fin du mois de mars. Elles rapatrient pour cela les bénéfices qu'elles ont pu engranger à l'étranger. Cela dit, ce phénomène a lieu tous les ans à la même époque.

Mais ce mouvement est amplifié par un autre : celui des entreprises nippones installées à l'étranger et qui vont, afin de remettre à niveau leur appareil de production endommagé par le séisme ou le tsunami, rapatrier elles aussi des fonds. Le mouvement n'est pas encore arrivé mais les opérateurs sur les marchés l'anticipent logiquement et se positionnent en fonction sur le marché des changes. Autrement dit ils achètent, ce qui fait monter le yen.

Le rôle des compagnies d'assurance

Enfin, les observateurs anticipent également un troisième mouvement de rapatriement de fonds vers le Japon, toujours de nature à pousser le yen vers le haut. C'est celui des compagnies d'assurance. Celles-ci, qui doivent, en temps normal, investir les primes d'assurance versées par les assurés pour obtenir les meilleurs rendements, ont décidé de s'intéresser aux marchés étrangers ces dernières années. Pourquoi ? Parce que les rendements qu'elles pouvaient obtenir étaient autrement plus séduisants à l'étranger : 10% sur des obligations brésiliennes, par exemple, contre 0,1% sur les obligations japonaises. La crise larvée que traverse l'économie nippone depuis près de 20 ans ne peut en effet qu'impliquer des taux d'intérêt très bas, censés stimuler la consommation....

Entre 2004 et 2010, ce sont quelque 1.250 milliards de dollars que les investisseurs nippons ont placé à l'étranger. Les quatre plus grandes compagnies d'assurance vie seraient, selon les chiffres qui circulent, investies à hauteur de 196 milliards de dollars seulement en produits libellés en devises étrangères. Et d'aucuns estiment qu'elles ne rapatrieront ni tout d'un coup, ni tous leurs actifs détenus à l'étranger.

Enjeu industriel

Mais les opérateurs ne s'intéressent pas toujours aux faits. Après tout, les marchés ont vocation à anticiper. Du coup, que les prévisions de rapatriement de fonds, pour quelle que raison que ce soit, ne se matérialisent finalement pas, n'est pas le problème actuel. Le problème, pour le yen, est que les opérateurs anticipent, se positionnent, et que le yen monte, entraînant le même mouvement de nouveau. Et tordre le cou à une telle tendance, comme les banques centrales ont tenté de le faire cette nuit, n'est jamais chose facile.
 

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