Corruption : le ras-le-bol des Indiens

Anna Hazare vient d'être libéré ce vendredi. Ce symbole de la lutte contre la corruption en Inde inspire des milliers de personnes qui font pression sur le gouvernement afin de combattre ce fléau.
Une foule a salué vendredi la sortie de prison du militant indien anti-corruption Anna Hazare (en blanc, au centre) après trois journées de détention. Copyright Reuters

"La seconde lutte pour la liberté a commencé" a déclaré ce vendredi à sa sortie de prison Anna Hazare, militant médiatique autoproclamé gandhien. Soutenu par des dizaines de milliers de personnes, ce gourou est devenu le symbole de la colère populaire face à la corruption endémique en Inde.

Mis en détention provisoire mardi pour avoir débuté une grève de la faim qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes, Anna Hazare commence un jeûne de quinze jours appelant au durcissement d'un projet de loi exemptant le Premier ministre et des magistrats de haut rang d'être inquiétés par la justice en cas de soupçons de corruption.

La corruption en Inde: "une honte"

La colère des Indiens contre la corruption croissante a atteint des niveaux sans précédent. Pour la première fois, entre 60.000 et 70.000 personnes sont descendues dans les rues de New Delhi mercredi soir pour exprimer "leur honte" de vivre dans un pays si corrompu, suite à l'appel d'Anna Hazare.

Les manifestants, issus pour la plupart de la classe moyenne, ont "ras-le-bol" de cette "saison à scandales" à l'instar du vol présumé de milliards de dollars par les responsables des Jeux du Commonwealth en 2010 à New Delhi, des 40 milliards de dollars américains (environ 27,7 milliards d'euros) de revenus envolés dans la vente douteuse des licences de télécommunication 2G, ou encore des 40 milliards de dollars disparus des caisses de subventions de nourriture et de carburant pour les pauvres de l'Uttar Pradesh.

Face à cette situation, certains se contentent de hausser les épaules : après tout, la corruption n'empêche pas l'économie du deuxième pays le plus peuplé au monde de croître en moyenne de 7,5% par an depuis 2000. Mais l'Inde, classé 87ème sur l'échelle de transparence de l'ONG Transparency International, pourrait beaucoup mieux se porter sans celle-ci : The Economist estime que la corruption augmente les coûts non seulement pour les Indiens, mais aussi pour les étrangers dont les capitaux sont nécessaires à l'Inde. Selon un sondage de la société d'import-export KPMG, 68% des personnes interrogées pensent que la croissance de l'Inde dépasserait facilement les 9% si la corruption était réduite.

"Anna Hazare demande que l'argent sale soit rapatrié. Avez-vous une idée de ce qui se passerait si 1.456 trillions de roupies (plus de 2 milliards d'euros) revenaient dans le pays ?", demande un SMS qui circule beaucoup sur Internet, cité par le quotidien indien Hindustan Times. "L'Inde deviendrait la première puissance financière du monde. Chaque village recevrait 1 milliard de roupies (15 millions d'euros). Plus personne ne paierait de factures d'électricité ni d'impôts pendant vingt ans. L'essence coûterait 25 roupies (38 centimes d'euros). Nous pourrions construire 1500 universités "à la Oxford" et 2000 hôpitaux gratuits."

Si ces propos sont probablement exagérés, la corruption est considérée néanmoins comme l'un des obstacles majeurs du développement économique de l'Inde. "Il y a un besoin urgent d'un cadre qui permettrait d'endiguer la corruption à haut niveau" estime la KPMG dans un rapport publié en 2011.

Une société civile de plus en plus forte

Certes, on ne peut pas faire disparaître la corruption à tour "de baguette magique", comme l'a dit le Premier Ministre Manmohan Singh lors de la fête nationale indienne ce lundi. Mais l'Inde "ne devra pas attendre longtemps pour un changement en matière de corruption" estime Surjit S. Bhallat, président du cabinet de conseil Oxus Investments dans le rapport de la KPMG. La raison ? "La classe moyenne croissante qui a émergé avec la révolution de l'information et des technologies dans le monde" et qui a contribué au renforcement de la société civile, augmentant la pression sur le gouvernement pour lutter contre le fléau de la corruption.

Les événements récents semblent confirmer ces propos. "Nous n'avons pas vu ce genre de choses depuis soixante ans en Inde" témoigne à Bloomberg SK Sharma, un dirigeant d'entreprise qui attendait Anna Hazare à l'entrée de la prison. "Si cela continue dans cette voie dans les quatre prochains jours, vous verrez une nouvelle Inde transformée."

Commentaires 2
à écrit le 20/08/2011 à 8:28
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Quelle blague! Les lois indiennes sont très souvent inapplicables; sans corruption,le pays s'arrêterait. Les classes moyennes qui soutiennent A. Hazaré sont les premières à utiliser la corruption pour faire avancer leurs intérêts. Il faut payer pour ...

à écrit le 19/08/2011 à 20:38
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