L'accord fiscal entre Berne et Berlin déjà remis en cause

A peine signé, le texte qui prévoit des conditions avantageuses pour le retour des évadés fiscaux allemands en Suisse est dénoncé par l'opposition à Berlin. Et il pourrait échouer devant le Bundesrat.
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Si le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, croyait en avoir fini mercredi avec la querelle fiscale germano-suisse, il semble s?être lourdement trompé. Pourtant, il a bien signé avec son homologue helvétique, Eveline Widmer-Schlumpf, un accord bilatéral qui met fin à plus de deux ans de disputes autour du secret bancaire suisse.

Cet accord prévoit qu?à partir de 2013, les Allemands qui ont placés illégalement de l?argent dans la Confédération pourront bénéficier d?avantages s?ils décident de rapatrier leurs fonds outre-Rhin. Au lieu du taux normal de 42 à 45% prévus pour les revenus de plus de 100.000 euros, ils seront imposés à hauteur de 19 à 34% et ne seront pas inquiétés sur le plan judiciaire, ce qui est essentiel, car la loi allemande est très sévère envers les évadés fiscaux. A l?avenir, les revenus du capital déposés par les Allemands en Suisse seront taxés à hauteur de 26,375%. Enfin, Berlin renonce à acheter des données illégalement obtenues dans les banques suisses et proposées aux autorités fiscales allemandes moyennant finance, comme cela avait été le cas au printemps 2010.

Selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le gouvernement fédéral allemand espère ainsi récupérer pas moins de 10 milliards d?euros de recettes fiscales supplémentaires. Mais la gauche ne l?entend pas de cette oreille. La fédération syndicale DGB se dit révoltée et ne compte, elle, que sur un encaissement de "2 milliards d?euros au lieu des 50 milliards d?euros que l?on peut espérer". Mais c?est surtout les sociaux-démocrates et les Verts qui mènent le front de la révolte contre cet accord qu?ils voient comme une forme d?amnistie fiscale. Le secrétaire général du groupe social-démocrate au Bundestag, Thomas Oppermann, a même invité Wolfgang Schäuble à retourner "en Suisse et à négocier à nouveau". Son parti n?entend pas voter la ratification de l?accord. Or, SPD et Verts, après la vague de défaite électorale de la majorité fédérale dans les élections régionales de cette année et de 2010, disposent désormais de la possibilité de bloquer des textes au Bundesrat, chambre haute du parlement qui représente les Länder et qui doit approuver à la majorité absolue cet accord germano-suisse. Et il n?existe pas d?alternative pour le gouvernement allemand. Du coup, la signature de mercredi est peut-être un coup pour rien pour Wolfgang Schäuble. Il affirme cependant être encore convaincu qu?il parviendra à "convaincre les Länder" que cet accord avec Berne est "un pas de géant dans la lutte contre la fraude fiscale".

Il a peu de chance, cependant, d?y parvenir. Le SPD est trop heureux de pouvoir enfourcher à nouveau ce qui fut un de ses chevaux de bataille sous la "grande coalition". En 2009, le ministre des Finances d?alors, le social-démocrate Peer Steinbrück, avaient eu des mots très durs contre la Suisse. Comparant la situation des Helvètes à ceux des Indiens encerclés par "le septième de cavalerie", il avait provoqué une vague d?indignation dans la Confédération. Mercredi, il a à nouveau filé la métaphore, déclarant à l?hebdomadaire Die Zeit que les Allemands devaient "seller au moins leurs montures" pour faire face aux Suisses au lieu de se montrer magnanime comme l?est Wolfgang Schäuble. Le calumet de la paix n?est donc pas encore enterré entre Berne et Berlin.

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