La Roumanie plus compétitive que la Chine ?

L'évolution de l'économie en Chine remet en cause son statut d'atelier du monde. Des délocalisations ont commencé dont profite la Roumanie. Des grands groupes sont à nouveau intéressés pour s'implanter sur le Vieux continent, où le prix de la main-d'œuvre, qui a stagné voire baissé durant la crise, est aujourd'hui pratiquement égal à celui du colosse chinois.
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Les routes en terre, les paysans qui circulent sur des charrettes tirées par des chevaux, les toilettes au fond du jardin : Jucu a du mal à entrer dans le 21e siècle. Cette petite commune de l'ouest de la Roumanie est pourtant devenue sans le vouloir une plaque tournante des capitaux étrangers. Le producteur de téléphones mobiles Nokia vient d'y fermer son usine inaugurée en 2008. Le géant finlandais a décidé d'aller produire moins cher en Asie, laissant près de 2.000 personnes sans emploi. Mais cette stratégie n'est aujourd'hui plus celle de toutes les compagnies européennes. Et le désespoir des habitants de Jucu a été de courte durée. Les Italiens de De'Longhi se sont en effet engagés dans un mouvement inverse. Déjà présent en Chine avec deux usines, le producteur d'appareils électroménagers a décidé de racheter l'usine roumaine de Nokia pour "réquilibrer sa structure de production de l'Extrême-Orient vers l'Europe".

Les Indiens également intéressés

Cette stratégie brise un mythe capitaliste contre lequel plus personne n'osait s'élever. La Chine n'est en effet plus aussi attractive pour les entreprises occidentales. "Ces dernières années, du fait de la crise, les salaires ont stagné en Roumanie ou parfois diminué. En Chine, par contre, ils ont augmenté. Aujourd'hui, il n'est plus aussi avantageux pour des groupes européens d'aller produire aussi loin lorsque la Roumanie est bien plus proche et fait partie de l'Union européenne", note l'analyste financier Mihai Mindrutiu. De'Longhi n'est d'ailleurs pas le seul à choisir de s'installer ici. Le groupe allemand Bosch va investir 77 millions d'euros dans une usine de pièces automobiles qui embauchera 2.000 personnes d'ici à 2015. Des groupes européens, mais pas seulement. Le constructeur automobile indien, Tata Motors, pourrait annoncer prochainement sa venue dans la région et un quatrième investisseur important est également en discussion avec les autorités locales. "Le coût de la main-d'oeuvre en Roumanie est aujourd'hui quasiment aussi bon marché qu'en Chine", précise Gabriel Ghelmegeanu, le président de la chambre de commerce roumano-chinoise.

Une priorité, développer les infrastructures

Dans la ville voisine de Cluj, forcément, on se frotte les mains. On a désormais confiance dans l'avenir et on affronte la crise sans appréhension. Mais les autorités locales savent que pour rester attractive, la région doit faire du développement des infrastructures une priorité. Une nouvelle piste est actuellement en construction à l'aéroport de Cluj où l'on parie sur la multiplication des liaisons aériennes. "Nous comptons également développer le trafic de marchandises", précise David Ciceo, le directeur de l'aéroport. Mais cet afflux d'investisseurs ne doit pas faire tourner la tête, estime l'économiste Liviu Voinea. "Tout les investissements sont bons, c'est vrai, mais il faut aussi être stratégique et également penser à attirer des entreprises dans des secteurs à forte valeur ajoutée, avertit-il. Parce que l'exemple Nokia peut très bien se répéter dans quelques années." A Jucu, on ne parle pas de stratégie. Mais on regarde l'avenir avec sérénité car ici, les investisseurs passent et se ressemblent.
 

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