En Grèce, la privatisation annoncée de l'aéroport d'Athènes provoque une fronde

C'est l'une des privatisations les plus importantes mais aussi les plus polémiques en Grèce. Le site de l'ancien aéroport international de Hellinikon, près d'Athènes, pourrait rapporter des milliards à l'État. Quatre groupes sont en lice, mais certains habitants refusent la cession aux groupes privés.
Les 620 hectares du site de Hellinikon figurent en tête de liste des possibles privatisations sélectionnées par l'État grec pour renflouer ses caisses.

Le long de la mer, des barbelés rouillés encadrent une immense surface bétonnée. Les mauvaises herbes ont recouvert le sol usé. Les fondations des nombreux bâtiments à l'abandon vacillent. En cet après-midi de chaleur écrasante, la présence humaine est rare : deux gamins jouent mollement au basket sur de vieilles infrastructures sportives. Un calme olympien règne dans la cité-fantôme baptisée « Hellinikon », située au sud de la bruyante Athènes.

Près d'Athènes, un site à vocation touristique

Voici quinze ans pourtant, ce site était l'un des plus dynamiques de Grèce. Sur 620 hectares, soit trois fois la taille de Monaco, se côtoyaient alors le grand aéroport international du pays, une vaste marina avec un front de mer de 3,5 kilomètres de long et une base aérienne militaire américaine. Puis tout, ou presque, s'est paralysé en 2001. L'aéroport, qui avait besoin de s'agrandir, a été transféré à l'est de la capitale. Hellinikon a sombré peu à peu dans le sommeil et l'oubli. À peine troublé en 2004, pendant quelques mois, lorsque Athènes a accueilli les Jeux olympiques.

Ce trésor dormant a donc été soudainement redécouvert en juin 2011. Propriété de l'État grec, Hellinikon a été vite mis en bonne place dans la liste des biens publics de valeur que le gouvernement d'Athènes souhaite privatiser pour renflouer des caisses remplies de dettes. Faut-il rappeler que, sous la pression de l'Union européenne, la Grèce s'est en effet engagée à réaliser plus d'une centaine de privatisations d'ici à 2016, afin de faire rentrer quelque 19 milliards d'euros de recettes. Or, selon le gouvernement, la friche de Hellinikon vaudrait de l'or. À en croire les calculs enfiévrés des fonctionnaires grecs, le développement de ces 620 hectares pourrait contribuer à accroître le PIB de la Grèce de 0,3%. Pas moins...

Un appel d'offres a donc été lancé en 2012 par l'agence des privatisations grecques (Tapeid), chargée de superviser l'ensemble des privatisations du pays. Sur le site Internet de cette structure, on peut voir des photos aériennes de l'ensemble de Hellinikon en tête du catalogue des biens grecs à vendre, tel un produit phare. « On pourrait y construire des marinas, des hôtels, soit un développement fantastique comme on peut en voir à Doha, à Dubai ou à Singapour ! » s'emballe Stelios Stavridis, patron du Tapeid.

Depuis janvier, l'instance des privatisations a sélectionné quatre groupes : le qatari Real Estate, le britannique London & Regional Properties, le grec Lamda Developpement et l'israélien Elbit Cochin. « L'un d'entre eux reprendra Hellinikon pour environ cinquante ans, mais leurs activités seront très surveillées, clarifie Stelios Stavridis. L'une des conditions est que l'architecte qui présentera les plans soit quelqu'un de connu. » Ces fameux plans de développement devront être remis le 31 octobre prochain au plus tard. Puis le Tapeid désignera le repreneur. « Ce sera évidemment un lieu touristique, quoi d'autre ? assure le patron du Tapeid. Cela devrait générer au minimum 10 000 emplois. » En revanche, aucune indication sur le coût du terrain : « Trop difficile de faire une estimation, cela dépendra des projets proposés. »
Certes. D'autant qu'en Grèce, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Et d'ailleurs, s'il n'y a pas vraiment de fleuve dans la péninsule hellénique, en revanche ce ne sont pas les montagnes et les obstacles qui manquent. Et les contradicteurs.

Le mécontentement des municipalités voisines

Les premières à mener la fronde contre ce projet de privatisation ont été les municipalités voisines du site, Elleniko-Argyroupolis, Alimos et Glyfada. Bientôt rejointes par l'Union des municipalités d'Attiki. « Le Tapeid est ultralibéral, il veut supprimer l'un des rares espaces vides de la capitale alors que nous en manquons, il faut le protéger », plaide la jeune Fereniki Vatavali, employée à la mairie d'Elleniko-Argyroupolis, qui verrait bien en lieu et place du site un espace « entièrement public avec des infrastructures sportives gratuites, des associations, des espaces verts... » Bref, le Club Med, mais version open bar.

Toutefois, côté finances, la jeune grecque concède que les municipalités n'ont pas le budget pour un tel projet. « Mais l'État doit faire les travaux de rénovation, réhabiliter les réseaux d'électricité, d'eau avant de céder le terrain. » Un coût « énorme », fulmine-t-elle : « Et c'est la société qui va payer pour tout ça, et ça ne profitera au final qu'au secteur privé ! »

Sur le vaste site abandonné, une centaine de contestataires n'ont pas hésité à franchir les barbelés vieillots pour y installer leurs quartiers ces dernières années. Soutenus par les municipalités alentours, ces irréductibles fourmillent d'idées et rendent bien des services aux habitants des communes voisines, avec des clubs sportifs, des associations et même un dispensaire autogéré avec soins gratuits. Mary Sideris y est infirmière. Et face au projet de « privatisation », elle est bien amère. « Bien sûr que je suis contre ! Nous avons 9 000 patients qui viennent ici chaque semaine, si nous partons demain, ils n'auront plus rien. Nous n'avons nulle part où aller. »

Tranquilles pendant des années, tous ces résistants ont toutefois reçu une lettre d'éviction il y a un an de la part du gouvernement. Aucun n'a quitté les lieux pour autant. Une occupation qui n'inquiète pas outre mesure Stelios Stavridis. « C'est le bazar sur place aujourd'hui, mais ils partiront, avance-t-il avant de lancer : Ceux qui ne veulent pas de la privatisation choisissent d'avoir Kaboul ! »

« Début mars, affirme de son côté la jeune employée de mairie, nous avons déposé un recours devant la Cour suprême. Nous aurons une réponse début juin... Ce n'est que le début. » Tout le monde sait que la mairie d'Elleniko-Argyroupolis peut se montrer déterminée. Dans cette petite commune de banlieue, personne n'oublie qu'en 2007 son maire (indépendant), Christos Kortzidis, avait engagé une grève de la faim. Il luttait déjà contre la privatisation qui visait alors la plage de Hellinikon. Trois semaines plus tard et avec quelques kilos en moins, l'élu avait obtenu l'abandon du projet.

Commentaires 5
à écrit le 28/05/2013 à 16:17
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il faut laisser la Grèce faire faillite, tout simplement !

le 28/05/2013 à 18:13
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Absolument d? accord. C? est la seule occasion d? échapper et sauver par « les poulpes insatiables» d? une Europe gouvernée par les banques et les spéculateurs. Combien a gagné p.ex. l ?Allemagne « en aidant» la Grèce? Maintenant le jeu économique...

à écrit le 28/05/2013 à 11:24
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Le titre est abusif : Ce n?est pas la privatisation d?un aéroport mais la mise à disposition provisoire par bail emphytéotique de 620 hectares disponibles, sans emploi (anciens aéroports) aux portes d?Athènes. On se battrait pour moins. Cett...

à écrit le 27/05/2013 à 19:11
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La pauvre Grèce est vraiment devenue un laboratoire des méthodes de pillage organisée par la nouvelle voyoucratie mondiale... Finalement la méthode est assez simple : il suffit de loger sur le trône pendant quelques années des abrutis finis grace a d...

à écrit le 27/05/2013 à 19:08
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À mon avis les privatisations sont ordonnées par l?UE (c.-à-d. l?Allemagne) mais à la fin les Chinois (très appréciés par la population grecque) seront profités. Les plans de la Chine sont innombrables (aussi pour de raisons géopolitiques) pour part...

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