Les Iraniens votent pour une amélioration de leur situation économique

Plus de 50 millions d'électeurs étaient appelés à choisir le nouveau président de la république d'Iran vendredi, qui va tourner définitivement la page de l'ère Ahmadinejad. Au delà des rapports avec l'Occident, les Iraniens veulent une amélioration de leur situation économique, qui s'est fortement dégradée sous l'effet des sanctions internationales, imposées pour mettre fin au développement du programme nucléaire militaire.
Des électeurs dans une file attendent de voter dans un quartier de la ville de Qom, au sud de Téhéran. Reuters

L'Iran qui a voté ce vendredi 14 juin pour élire le nouveau président de la république parmi huit candidats est un pays économiquement exsangue . « L'inflation va de 40 % à 200 % selon les produits, le taux de chômage est d'au moins 40 % et peut atteindre 60% chez les jeunes, le système bancaire est coupé du monde, les exportations pétrolières sont au plus bas et le pays ne connaît aucun investissement », résume Ardavan Amir-Aslani, avocat et essayiste (1), spécialiste de l'Iran et du Moyen-Orient. L'origine de cette situation catastrophique est à chercher du côté des sanctions internationales imposées à la République islamique en raison du développement de son programme nucléaire militaire, qui ont finalement produit leur effet.

C'est le pétrole, qui a été la principale cible de ces sanctions, imposées à la fois par l'Onu, les Etats-Unis et l'Union européenne. La production, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui évoluait autour de 3,7 millions de barils par jour (mbj) en 2010 est tombée à 2,7 mbj depuis le début de l'année. Quant aux exportations, avec les restrictions imposées, l'Iran ne peut compter désormais que sur la Chine et l'Inde comme principaux clients, en subissant une décote, 2 dollars de moins que le prix du marché pour chaque baril vendu à l'Inde.

Les recettes tirées des exportations de pétrole en chute libre

En conséquence, les recettes tirées de l'or noir, qui alimentent en large part (50 à 60%) le budget de l'Etat, sont passées de 95 milliards de dollars en 2011 à 69 milliards de dollars en 2012, selon l'Economist Intelligence Unit.

Avec l'effondrement des ventes de pétroles, les réserves de devises se sont raréfiées. La valeur du rial a fondu face au dollar, provoquant en 2012 un mouvement de panique parmi les vendeurs au marché noir. Cette situation alimente une inflation, qui, comme le rappelle Thierry Coville, chercheur à l'Iris et professeur à l'école de commerce Novancia, est « encore renforcée par une contrebande importante. » « Avant la révolution, il fallait 7 tomans (70 rials) pour un dollar, il en fallait 1.600 l'an passé. Désormais, un dollar s'échange contre 3.800 tomans », décrit Ardavan Amir-Aslani. Officiellement, explique Thierry Coville, al hausse des prix est de 37 %, mais elle peut atteindre 46 % pour les produits alimentaires, 59 % pour les vêtements, 69 % pour l'équipement de la maison. Evidemment, le pouvoir d'achat se dégrade aussi rapidement.

Le gouvernement veut favoriser le développement du secteur privé

Cette crise a cependant conduit à une modification du système économique iranien. « Depuis les années 1980, le secteur privé n'était pas la priorité en dépit des grands discours. Les entreprises privatisées étaient vendues à des organismes parapublics. Désormais, le gouvernement a changé de stratégie : il aide beaucoup le secteur privé et vise à une diversification de l'économie », explique Thierry Coville. Les exportations non pétrolières sont en hausse depuis 4 ans et ont atteint 40 milliards de dollars en 2012. Les secteurs gaziers, pétrochimiques, agricoles vendent de plus en plus à l'étranger, principalement à des marchés régionaux comme l'Irak ou les pays du Golfe.

« Les sanctions ont conduit le gouvernement Ahmadinejad à prendre conscience de la nécessité de réduire sa dépendance à la rente pétrolière », ajoute Thierry Coville. Le président sortant a réduit les subventions publiques, notamment sur l'énergie et l'essence, ce que très peu de pays émergents ont eu le courage de faire. Cette politique, qui a été saluée par le FMI, a fait monter les prix de l'essence, mais a réduit la consommation au point que le pays n'importe plus d'essence, ce qui protège ses devises. Il y a encore trois ans, il importait 40% de son essence, en raison de ses capacités de raffinage limitées.

"600.000 jeunes arrivent chaque année sur le marché de l'emploi"

Evidemment, le chemin pour développer un vrai secteur privé capable de créer des emplois est encore loin. Le niveau du chômage reste dramatique et est risque de s'aggraver sous la pression démographique. « 600.000 jeunes arrivent sur le marché de l'emploi chaque année », constate Thierry Coville qui met en avant le fait que l'élévation du niveau d'éducation des femmes conduit à un phénomène nouveau : le chômage de masse des jeunes très diplômés. Dans ce contexte, la population souffre, mais comme l'indique Thierry Coville, elle est « habituée » à trouver des parades : la contrebande, la solidarité familiale ou l'usage de l'or. « La situation est difficile, mais cela peut durer encore longtemps », explique le chercheur.

Quant au plan politique, le peuple iranien va tourner la page de l'ère Ahmadinejad. Les 50,5 millions d'électeurs auront le choix entre Hassan Rohani, un religieux de 64 ans, qui représente les modérés et les réformateurs, et parmi les conservateurs l'ex-chef de la diplomatie Ali Akvar Velayati, , le maire de Téhéran Mohammad Bagher Ghalibaf et le chef des négociateurs nucléaires Saïd Jalili. Les autres candidats n'ont aucune chance de l'emporter.
 

Dernier ouvrage paru : « Juifs et Perses Iran et Israël », (éditions Nouveau Monde, 235 pages, 22 euros)

Commentaires 4
à écrit le 15/06/2013 à 17:46
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"Les Iraniens votent pour une amélioration de leur situation économique" ... finalement, il n'ya que les Français qui ont voté pour le contraire !!! ... l'exception française, ça n'a décidemment pas que du bon !!

à écrit le 15/06/2013 à 17:25
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L Iran ou encore la réussite de l islam au pouvoir ... Au moins on a une petite idée du devenir du Maroc et de l Algérie ...

à écrit le 15/06/2013 à 13:28
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Ben nous aussi on a voté ! Y'a qu'à voir ce que ça donne !

à écrit le 15/06/2013 à 9:07
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L'Iran,comme beaucoup de pays,est influencé par la démographie caractérisée par le creux entre les générations,comme nous l'avons connu.Cela a donné les 30 glorieuses,mai1968,etc...

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