Obama relance la bataille idéologique entre néoclassiques et néokeynésiens

Barack Obama a entamé mercredi une série de discours visant, selon lui, à remettre l'économie au centre du débat. Lors de ce premier discours, le président américain a fortement insisté sur les divergences idéologiques de fonds qui existent entre républicains et démocrates, et a ardemment défendu son point de vue inspiré d'une logique néo-keynésienne. Un moyen de tenter de convaincre l'opinion publique à la veille d'une bataille sur le relèvement du plafond de la dette au Congrès et à l'avant veille d'une campagne électorale pour le renouvellement intégral de la Chambre des représentants, la chambre basse du Congrès, actuellement dominée par les républicains.
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Remettre l'économie au c?ur des débats aux Etats-Unis. C'était l'objectif affiché par le président américain Barack Obama avant son discours de mercredi au Knox College à Galesburg, dans l'Illinois. Certes, c'est ce qu'il a fait, mais sans annonce nouvelle ni changement de direction. En fait, l'exercice a surtout consisté à réaffirmer une conviction qu'il avait déjà présentée lors de son premier discours sur l'économie nationale en 2005 au même endroit, alors qu'il n'était que sénateur de l'Illinois : ce ne sont pas les riches qui font l'économie, mais une classe moyenne forte.

Déficit de demande et compensation par le crédit à l'origine de la crise selon Obama

Pour défendre ses positions, le président américain s'est fendu d'un bilan historique argumenté sur les changements de l'économie américaine depuis l'après guerre. "Durant la période qui a suivi la seconde guerre mondiale, la classe moyenne croissante était le moteur de notre prospérité", a-t-il assuré pour introduire son argumentaire. "Mais le moteur s'est mis à caler", a-t-il poursuivi, en expliquant ce ralentissement par l'apparition de technologies nouvelles qui ont fait disparaître certains emplois, les baisses d'impôts pour les riches et des salaires de plus en plus bas pour les travailleurs pauvres.

"Le lien entre productivité et salaires s'est brisé - le revenu du 1% le plus riche a presque quadruplé entre 1979 et 2007, alors que celui de la famille américaine typique a à peine progressé," s'est indigné le président américain. Pour Barack Obama, cet avis est partagé par de nombreux économistes, "ces trente dernières années, une bulle immobilière, les cartes de crédit et un secteur financier en expansion ont nourri artificiellement l'économie."

En clair, selon le président américain, on a compensé une mauvaise répartition des richesses et des revenus trop faibles par une hausse du crédit. L'explosion de la bulle immobilière et la crise bancaire qui s'en est suivi n'auraient finalement fait que révéler un déséquilibre préexistant créé par un affaiblissement de la classe moyenne, et donc de la demande. Bref, pour le président Barack Obama, l'affaiblissement de la classe moyenne n'est pas seulement une atteinte à la justice sociale mais surtout la raison pour laquelle les Etats-Unis ont subi après 2008 leur plus grande crise économique depuis les années 1930.

Barack Obama veut polariser le débat avec les républicains

Si cette analyse ressemble en tout point à l'introduction d'un discours électoral, elle traduit aussi une véritable rupture idéologique entre le camp du président américain et ses adversaires politiques. Car il s'agit là, selon des observateurs américains, d'une offensive du locataire de la Maison Blanche contre les principes de "l'économie de l'offre" qui régissent la pensée des conservateurs du parti républicain depuis des décennies. Cette école, popularisée par les "reaganomics" du président Ronald Reagan durant les années 1980, consiste à dire que le meilleur moyen d'obtenir une croissance économique forte à moyen et à long terme est d'aider les entreprises à produire davantage de biens et de services en diminuant au maximum la pression fiscale qui pèse sur elles et en levant toutes les barrières réglementaires. En somme, baisser les impôts et déréguler.

Barack Obama, pour sa part, défend une politique d'inspiration néokeynésienne. Pour lui, le dynamisme économique à moyen et à long terme passe par une relance de la demande grâce notamment à une meilleure couverture sociale et des meilleurs salaires mais aussi par des dépenses dans l'éducation qui doivent permettre à la main d'?uvre américaine de s'adapter aux nouveaux besoins des entreprises en matière de recrutement suite aux innovations technologiques. Entreprises qui doivent quant à elles bénéficier de baisses d'impôts alors que les plus riches verront leur fiscalité s'alourdir. Une analyse et un programme qui reprennent point par point les idées développées dans son dernier ouvrage (Le prix de l'inégalité) par le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz qui, malgré quelques critiques sévères sur son plan de sauvetage des banques jugé trop en leur faveur, l'a conseillé sur les questions macroéconomiques par le passé.

En ligne de mire, le relèvement du plafond de la dette et les élections au Congrès

Plus que de présenter de nouvelles mesures, Barack Obama veut convaincre l'opinion, à défaut de pouvoir convaincre l'opposition, que sa logique est la bonne. Car depuis plusieurs mois, il ne cesse de se heurter aux républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, la chambre basse du Congrès. "Je veux présenter mes idées pour donner une meilleure chance de réussir à la classe moyenne au XXIème siècle, et je veux que les républicains présentent les leurs", a insisté le président démocrate qui refuse une nouvelle "crise montée de toute pièce", faisant allusion au prochain relèvement du plafond de la dette des Etats-Unis qui devra être négocié au Congrès au plus tard avant l'automne.

En 2011, un affrontement sur cette prérogative du Congrès avait mis les Etats-Unis au bord du défaut de paiement, et comme il y a deux ans, le président républicain de la Chambre, John Boehner, a lié cette semaine un tel relèvement à de nouvelles coupes dans les dépenses. Il blâme par ailleurs les républicains pour les réductions dans les dépenses qu'ils ont imposé début 2013 et qui selon lui ont ralenti la reprise en cours aux Etats-Unis. "Si seulement Washington (...) laisse tomber cette politique partisane sans merci à laquelle nous avons assisté ces dernières années, je vous promets que notre économie sera plus solide", s'est agacé Barack Obama.

De l'aveu même de certains officiels à la Maison Blanche cités par le New York Times, il tente ainsi de rallier à sa cause une opinion publique exaspérée par cette situation de blocage au Congrès, à propos duquel 83% des Américains ont un avis négatif. Et il reste des voix à prendre car, si cela reste un bon score après près de cinq ans au pouvoir et une crise sans précédent, Barack Obama bénéficie de la confiance de moins d'un américain sur deux avec 45% d'opinions favorables.  

Des voix qu'il n'est pas inutile d'attirer dans son camp en vue de la campagne à venir pour le renouvellement intégral du Congrès en novembre 2014. Mais il reste encore à savoir comment il compte justifier auprès des marchés et de l'opinion des dépenses supplémentaires alors que des doutes existent sur la durabilité de la reprise et la soutenabilité de la dette américaine à terme, et que la Fed devrait mettre fin à sa politique monétaire accomodante dans les mois à venir.

Commentaires 13
à écrit le 27/07/2013 à 15:12
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Pourquoi les riches sont plus riches et les pauvres plus pauvres ? La réponse vient de Warren Buffet : "Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n'avons jamais été aussi prospères. C'est une guerre de classes, et c'est ma classe qui est e...

à écrit le 27/07/2013 à 9:37
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votre article est interressant , enfin le président US comprend'il que les pauvres s'ils étaient un peu moins pauvres et donc avec de meilleurs revenus feraient tourner la machine ? , car les riches et très riches eux , les aides sont des aubaines et...

à écrit le 27/07/2013 à 7:52
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merite le prix nobel du troll politic

à écrit le 26/07/2013 à 22:48
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L'article devrait s'appeler "Obama ou la planche à billet". Pourquoi tant de pays indexent encore leur monnaie sur un billet vert qui ne vaut plus un clou?

à écrit le 26/07/2013 à 15:39
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Obama n'a aucune crédibilité sur le sujet économique. Toute sa petite carrière, il a 'travaille' avec de l'argent public. Il ne sait pas ce que 'équilibrer les comptes' veut dire. En tant que socialiste (démagogique, utopiste et irresponsable social ...

le 26/07/2013 à 18:45
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Quel est le seul dirigeant dans le monde occidental qui a une quelconque crédibilité en matiere économique !Citez moi un seul nom et les etudes qu'il a fait !A Merkel par exemple ?Depuis quand etre diplomé en physique fait de vous un genie économique...

le 27/07/2013 à 6:09
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J' avoue qu' on ose jamais expliquer aux gens que nos problèmes sont bien plus complexes qu' un noeud de cravate, mais il faut convaincre la ménagère rentrant le soir..

à écrit le 26/07/2013 à 14:22
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Obama s'enlise dans un néokeynésianisme que même Keynes aurait condamné, les USA sur la même voie que détroit ...

à écrit le 26/07/2013 à 14:13
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mmmmmmoais, ca laisse baba.... le soutien de l'economie par la demande a long terme, c'est milton friedman; pour ce qui est de la demande a court terme, les keynesiens veulent de la depense publique, pour des sombres histoires de propension marginale...

à écrit le 26/07/2013 à 13:24
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Va-t-il évoquer le role de l'énergie dans le développement de l'économie?

à écrit le 26/07/2013 à 12:36
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Ces Républicains sont décidemment une vraie plaie pour les US mais aussi pour le monde entier !

le 26/07/2013 à 15:47
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Qui agit agressivement? Qui veut diviser pour mieux régner? Qui polarise? Qui est démagogue? Qui est narcissique? Qui est irresponsable fiscalement? Surement pas les Républicains... Scandale après scandale, ce prez élu par les médias (comme Mollande....

le 27/07/2013 à 10:53
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@FoiEtLiberte : j'adore votre commentaire ironique. Il est ironique n'est-ce pas ? Car vous définissez la facon de faire des républicains depuis la fin de la seconde guerre mondiale. A qui doit-on la chasse au sorcière (jamais les USA n'ont été aussi...

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