Juan Manuel Santos, le président colombien caméléon

Juan Manuel Santos sera officiellement investi président de Colombie ce jeudi, à 22 heures, heure française. Il enchaîne un second mandat à la tête d'un pays dont l'économie est en bonne santé.
Investi pour la deuxième fois, Juan Manuel Santos préside une Colombie qui a confiance en son économie.

Il reste aux manettes d'une Colombie apparemment épargnée par les turbulences économiques que connaissent ses voisins d'Amérique du Sud. Juan Manuel Santos a été réélu le 16 juin 2014, avec 50,9% des voix face à son rival, Óscar Iván Zuluagua.

Né à Bogotá le 10 août 1951, il porte un nom qui n'est guère méconnu des colombiens. Son grand-père, Eduardo Santos Montejo, fut le fondateur du quotidien El Tiempo, journal le plus lu en Colombie, et président de la république de 1938 à 1942. Son père, Enrique Santos Castillo, fut rédacteur en chef puis directeur de la rédaction du journal.

Dans la tradition familiale, Juan Manuel Santos officie dans El Tiempo en tant que sous-directeur du journal dans les années 1980. Entre-temps, il passe ses études aux États-Unis, diplômé en économie à l'Université du Kansas, en administration publique à Harvard et puis à la London school of economics. Durant ses études londoniennes, il devient à 24 ans, représentant de la Colombie dans l'Organisation internationale du café.

Au début des années 1990, il entre en politique au sein du Parti libéral, tout comme l'était son grand-père, devenant ministre du Commerce extérieur durant la présidence de César Gaviria.

De la répression à la négociation

Après avoir formé un triumvirat à la tête du Parti libéral entre 1995 et 1997, et affirmé une orientation blairiste avec un livre intitulé la tercera vía (la troisième voie en français), ou ses chroniques dans le journal familial, il revient sur le devant de la scène de 2000 à 2002, en tant que ministre des Finances et du crédit public du président conservateur Andrés Pastrana. En 2004, il opère un tournant conservateur: il quitte le Parti libéral pour rejoindre le président Alvaro Uribe dans le Parti social d'unité nationale, souvent appelé Parti de la U.

En récompense de ce soutien, Uribe le nomme ministre de la Défense en 2006, appliquant la lutte contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) avec succès: la plupart des cadres de la guérilla marxiste sont tués, et des otages libérés, dont Ingrid Bétancourt.

Néanmoins, son bilan est terni par le scandale des "faux positifs", où des soldats de l'armée colombienne ont tué des civils en se faisant passer pour des membres des FARC; puis par l'attaque de l'armée colombienne sur un camp des FARC en Équateur, où était réfugié le numéro deux de l'organisation, Raúl Reyes. Les relations avec Quito et Caracas furent stoppées par ces deux pays. Comme Uribe ne peut plus se présenter pour un troisième mandat, Santos devient le candidat du Parti de la U en 2010.

Aussitôt investi dans la fonction suprême, il opère une politique de négociation avec les FARC, mais aussi avec l'armée de libération nationale (Ejército de liberación nacional-ELN). Ce qui a le don de rendre colérique Uribe, déchaînant ainsi Zuluaga comme rival de Santos. D'autant plus que les négociations avec les FARC s'opèrent avec la médiation de Cuba. Le leitmotiv du président durant sa campagne de réélection est "la paix", promettant aux colombiens un accord avec les FARC d'ici la fin de l'année 2014, ce dont ces derniers doutent.

Le libéral pragmatique et une économie porteuse

Le président est un partisan de l'économie de marché, de l'initiative privée. Néanmoins, il ne s'interdit pas à ce que l'État puisse booster l'économie, si jamais le secteur privé ralentit ses investissements.

Bien lui en prend puisqu'au premier trimestre 2014, le Produit intérieur brut (PIB) colombien a cru de 6,4%, soit 2,3 points de plus qu'au dernier trimestre 2013 selon Département national des statistiques (DANE). De fait, la Colombie est le pays qui a la plus forte croissance au monde, après la Chine. Le gouvernement, par la voix du ministre des Finances et du Crédit Public, Mauricio Cardenas, table sur une croissance annuelle de 4,7% pour 2014.

L'institut de statistiques colombien indique que les secteurs d'activité ont tous connu une croissance positive. Mais un secteur sort du lot: la construction. Grâce à une poussée de l'investissement public via les travaux de génie civil, avec 17,1% de croissance au premier trimestre 2014 par rapport au premier trimestre 2013.

Les autres secteurs porteurs sont les services sociaux (6,3%) et l'agriculture (6,1%), boostée par la production de café (14,9%). Le secteur financier n'est pas en reste, avec 6% de croissance, étant ainsi le 4e secteur le plus performant de l'économie colombienne.

Le FMI optimiste pour la Colombie

En ce commencement de deuxième mandat, Juan Manuel Santos peut être tranquille au sujet de la diplomatie car les relations avec l'Équateur et le Venezuela se sont détendues. D'ailleurs, Santos et son homologue vénézuélien Nicolás Maduro se sont rencontrés la semaine dernière pour discuter des échanges commerciaux, du processus de paix avec les FARC et de signer des accords de défense contre la contrebande.

Les perspectives de l'économie sont bonnes pour la présidence colombienne, notamment d'après l'étude du Fonds monétaire international, qui table sur une croissance soutenue, doublée d'une inflation modérée. Selon le FMI, le taux de chômage devrait descendre à 9% pour l'année 2015.

La nouvelle de la bonne santé plus les perspectives, renforcent la volonté de Bogota à vouloir devenir un nouveau membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), demande effectuée en 2013. Comme le président colombien l'a déclaré au moment de cette demande d'admission:

"Être accepté en tant que membre de l'OCDE est quelque chose qui rend fier chaque colombien. C'est une grande nouvelle parce que n'importe quel pays ne peut pas faire partie de cette organisation. Seuls les meilleurs sont les bienvenus, et par bonheur, la Colombie est maintenant un membre !"

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