Et si l'opération "front anti-Hollande" se retournait contre Merkel ?

La chancelière fait feu de tout bois pour déstabiliser François Hollande. Mais elle pourrait être la première victime de sa propre tactique.
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Angela Merkel a-t-elle pris la tête d'un front conservateur anti-Hollande ? Les informations publiées par "Der Spiegel" selon lesquelles la chancelière s'était mise d'accord avec ses homologues italien, espagnol et britannique pour ne pas recevoir le candidat socialiste français. Qu'il y a-t-il de vrai dans ces allégations ? Londres, Madrid et Rome les ont vigoureusement démenties. On voit mal l'intérêt du reste de ces deux dernières capitales. Mariano Rajoy vient d'entamer un bras de fer avec Bruxelles sur son déficit, preuve qu'il n'est pas un ayatollah de la consolidation budgétaire et qu'il ne verrait pas d'un mauvais ?il un assouplissement du pacte de stabilité. A Rome, on voit mal le prudent Mario Monti, qui a besoin du soutien du centre-gauche italien, prendre le risque d'une confrontation avec lui pour satisfaire les désirs de la chancelière. A Londres enfin, même si on peut comprendre que David Cameron n'a guère de sympathie pour le PS français, l'arrivée au pouvoir à Paris d'un opposant au pacte de stabilité ne saurait réellement inquiéter un gouvernement britannique qui n'a guère montré jusqu'ici de solidarité avec Angela Merkel, bien au contraire.

Conserver le terrain gagné

La seule certitude, c'est sans doute la volonté de la chancelière de conserver « son » interlocuteur à l'Elysée, Nicolas Sarkozy. On la comprend : elle est parvenue, non sans mal, à le convaincre d'un alignement sans précédent de la position française sur celle de Berlin. Elle a patiemment ruiné toutes les propositions que le président français avaient avancées : intervention de la BCE, euro-obligations, taxe européenne sur les transactions financières. Nicolas Sarkozy se trouvait alors réduit à engager un combat perdu d'avance, compte tenu de la position financière de la France, ou à se soumettre aux volontés allemandes légèrement édulcorées. Evidemment, ce travail de près de deux ans, Angela Merkel n'entend pas le reprendre depuis le début avec François Hollande.

Grincements de dents du FDP

C'est là la véritable clé du comportement de la chancelière. Mais cette tentative de déstabilisation du candidat socialiste est un jeu dangereux et risqué. D'abord parce qu'en Allemagne, il ne fait guère l'unanimité au sein même de sa propre coalition. Guido Westerwelle, le ministre libéral des Affaires étrangères, s'inquiéterait ainsi des conséquences de cette stratégie sur le futur de la relation franco-allemande. « L'impression d'un boycott de François Hollande pourrait nuire à cette relation », affirme-t-on, selon la Süddeutsche Zeitung de ce lundi dans l'entourage de ce ministre. On sait que les relations entre le camp conservateur et le camp libéral ont toujours été difficiles. Le FDP a été tenté un temps par l'euroscepticisme, mais cette tendance l'a projeté au plus profond des sondages. Aujourd'hui, il peut pendre à contre-pied la stratégie européenne d'Angela Merkel pour corriger le tir. La chancelière peut donc ici prendre le risque d'une nouvelle dissension interne.

Besoin de l'opposition

Plus grave encore, Angela Merkel aura besoin des voix du SPD et des Verts pour faire adopter au Bundesrat le pacte de stabilité. D'autant plus que certains estiment, outre-Rhin, que, puisque le texte entame potentiellement une partie de la souveraineté allemande, une majorité des deux tiers pourrait être nécessaire. Or, la stratégie de la chancelière agace une opposition qui réclame justement, comme prix de leur vote, un volet de croissance. Précisément ce que réclame François Hollande.  Au final, la chancelière, qui a été très critiquée outre-Rhin pour sa volonté de soutien direct à Nicolas Sarkozy pourrait être la victime d'une campagne française où elle a décidé de s'immiscer. Un choix qui relève sans doute d'une certaine forme d'hybris. Convaincue aujourd'hui de donner le ton à l'Europe entière, elle a jugé qu'il lui revenait d'agir sur la campagne française. Mais elle en a sans doute mal jugé les risques.
 

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