Le pari anti-nucléaire d'Angela Merkel

Le 15 mars 2011, la chancelière allemande décidait d'arrêter sept réacteurs. En juin, elle annonçait une sortie du nucléaire de l'Allemagne pour 2022. Un pari audacieux, réussi sur le plan politique, mais encore à concrétiser.

Mardi 15 mars 2011. Alors que les réacteurs de Fukushima-1 inquiètent le monde entier, un véritable coup de tonnerre éclatent à des milliers de kilomètres de là. A Berlin, la chancelière Angela Merkel annonce que les sept plus anciens réacteurs nucléaires allemands seront immédiatement arrêtés. Et elle annonce que d'ici un mois, une décision sera prise sur l'avenir du nucléaire allemand.

Coup politique
L'ancienne physicienne est-allemande tente alors un coup politique de haut vol. Elle qui, en octobre 2010, avait fait adopter une loi permettant le prolongement de la durée de vie des centrales atomiques et qui n'avait jamais caché sa vision positive sur ce type d'énergie, tente un virage à 90 degrés. Début juin, le gouvernement décide alors une sortie accélérée du nucléaire, plus rapide encore que celle prévue en 2000 par le gouvernement SPD-Verts de Gerhard Schröder. Tous les réacteurs allemands devront avoir cessé de produire de l'électricité en 2022. Angela Merkel a repoussé les suppliques des groupes énergétiques qui réclamaient un « corridor » de quelques années. Elle impose une date butoir. Sa fermeté, inhabituelle, a surpris jusqu'à son entourage.

Nécessaire sortie du nucléaire
L'animal politique qu'est la chancelière a cependant immédiatement compris que la catastrophe japonaise ne lui laissait plus le choix. La majorité des Allemands étaient déjà auparavant réticents ou franchement opposés au nucléaire. Mais elle avait patiemment réussi à faire accepter l'idée que cette énergie était une « technologie passerelle » permettant de tenir en attendant que les énergies renouvelables deviennent suffisamment rentables et productifs. L'argument avait permis de faire passer, non sans mal, dans l'opinion, le prolongement de dix ans de la durée de vie des réacteurs les plus récents.

Mais l'affaire japonaise ne permet plus de tenir ce discours. Déjà affaiblie par la crise de la zone euro, elle risque de voir sa popularité s'effondrer si elle minimise les dangers du nucléaire. Les Verts et le SPD n'attendent pas pour accuser son gouvernement d'inconscience. Le parti écologique est alors donné à plus de 25 % dans les sondages. La situation risque de devenir intenable pour la chancelière qui préfère donc tenter le demi-tour idéologique que l'effondrement politique.

Pari gagné ?
Un an plus tard, le pari d'Angela Merkel semble être gagné. Nul ne lui a réellement reproché sa volte-face qui apparaît comme la décision la plus populaire de son deuxième mandat qui, du reste, en compte bien peu. Les Verts ont perdu dix points dans les sondages en un an, preuve qu'ils ne sont plus un rempart nécessaire contre le nucléaire aux yeux de la population. Même les industriels, alors si inquiets et qui dressaient les tableaux les plus inquiétants des conséquences de cette décision, se disent à présent favorables à ce « tournant énergétique ».

L'Allemagne a appris à vivre avec huit réacteurs nucléaires de moins (un réacteur supplémentaire a été fermé en juin 2011). Mais la situation, il est vrai, n'a en réalité, guère changé. Le pays a continué à exporter plus d'électricité qu'elle en a importé. Pendant la vague de froid, il n'y a pas eu de « black-out. Bien au contraire, l'Allemagne, grâce il est vrai à ses centrales à charbon, est venue au secours d'un réseau français menacé. Les prix ont, pour le consommateur, commencé à grimper. Mais la hausse, 4 centimes en moyenne par Kwh, est encore soutenable. En réalité, l'Allemagne n'est pas encore entrée dans le vif du sujet. Trois défis restent encore à relever.

Les renouvelables doivent encore progresser

D'abord, le développement des énergies renouvelables censées venir rapidement pallier la ressource nucléaire. Si en 2011, elles ont représenté 20,1 % de la production d'électricité, soit trois points de plus qu'en 2010, il faudra aller plus vite et plus loin pour atteindre les 35 % prévus en 2020. L'Etat fédéral a, depuis le 1er janvier, élargi les aides par l'intermédiaire de la banque publique KfW, mais il faudra cet été résoudre la cas délicat des subventions à l'industrie photovoltaïque que Berlin voudrait réduire sensiblement sans nuire au développement des installations.

Le réseau à reconstruire

Mais le vrai enjeu est celui du réseau. Le potentiel de l'énergie éolienne se situe en effet en pleine mer, dans la Mer du Nord et dans la Mer Baltique. Or, les besoins énergétiques du pays se situent dans le sud du pays, dans des régions qui étaient émaillées de sources énergétiques. Il y a donc un besoin urgent de redessiner le réseau électrique. En renforçant l'axe nord-sud qui devra transporter d'ici dix ans pas moins de 60 fois la puissance d'aujourd'hui. L'institut ZEW avait, fin 2011, fait de cet enjeu le principal enjeu du tournant énergétique.

Berlin va là encore cet été devoir établir un plan de vol rapide et financé. L'affaire n'est pas mince. Déjà en 2009, on avait prévu 24 projets allant dans ce sens pour développer 1.800 km de réseau. On a construit aujourd'hui 200 km et 12 projets ont été reportés. Faute de bras, de financement ou à cause de la résistance des riverains qui refusent autant de voir devant leur porte des lignes à haute tension - fussent-elles emplies d'électricité « vertes » - qu'une centrale nucléaire. Cet été, Berlin va cependant devoir se doter d'une loi qui donne à l'Allemagne les moyens de relever ce défi. Un débat qui s'annonce délicat.

La question du prix

Cette question amène alors au troisième défi allemand : celui du coût. Un tel chantier coûtera nécessairement fort cher. Aucune véritable évaluation globale n'est disponible. Et nul ne sait encore qui paiera la facture au final. Les Allemands, par leur facture comme par leurs impôts, devront cependant nécessairement mettre la main à poche. Leur rejet du nucléaire semble cependant si fort qu'il devrait survivre à ce sacrifice.

Commentaire 1
à écrit le 10/03/2012 à 20:17
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Une fois de plus l'Allemagne est préventive et prudente. Comme elle l'a fait dans de nombreuses autre secteurs de l'économie, elle va devenir leader du développement et de la production de système performants d' énergies permanentes. Elle aura aussi ...

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