En Italie, la crise profite aux salles de jeux

Malgré la crise - grâce à la crise- , le secteur des jeux d'argent fait recette en Italie. En 2011, le chiffre d'affaires des jeux de hasard était de 79,9 milliards d'euros.
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En dépit de la récession et des mesures d'austérité qui vident les poches de millions d'Italiens, les affaires fleurissent à "Bingo Re", la plus grande salle de jeux en Europe, située non loin du centre de Rome. Des dizaines de joueurs se pressent devant les centaines de machines à sous, en sirotant un café, ou tentent leur chance au bingo. "Cela a été une année record pour nous", déclare Massimo Ruta, directeur pour l'Italie du géant espagnol des machines à sous, Codere, propriétaire de la salle "Bingo Re". Codere gère 3.454 machines à sous dans 14 salles disséminées dans toute l'Italie et son chiffre d'affaires dans la péninsule a fait en 2011 un bond vertigineux de 63,2% à 224 millions d'euros, malgré l'entrée du pays en récession.

Une manne de 79,9 milliards d'euros

"La crise a entraîné des situations difficiles pour un grand nombre de nos clients, mais jouer fait partie de la nature humaine. Il est difficile de s'en passer", estime Massimo Ruta. Le chiffre d'affaires du secteur des jeux de hasard a atteint une somme astronomique en Italie en 2011, à 79,9 milliards d'euros, contre 14,3 milliards en 2000, ce qui fait de l'Italie l'un des principaux marchés dans ce secteur, après les Etats-Unis. Sur les 79,9 milliards de chiffre d'affaires, 61,5 milliards sont partis en prix distribués aux joueurs, mais près de 9 milliards sont allés à l'Etat sous forme d'impôts et taxes, un chiffre destiné à croître en 2012 après l'augmentation des taxes sur les machines à sous. "C'est un secteur très attrayant" pour l'Etat qui cherche à y piocher et "le ministère des Finances y a déjà mis les mains", ajoute Massimo Ruta.

"Maladie sociale"

Dans le même temps, d'autres responsables du gouvernement ont demandé davantage de réglementation face à la préoccupation grandissante de l'opinion publique sur la dépendance au jeu. Le ministre de la Santé Renato Balduzzi a ainsi qualifié le jeu de "maladie sociale", tandis que son collègue en charge de la Coopération, Andrea Riccardi, a prôné l'interdiction de la publicité à la télévision pour les jeux de hasard. "Les gens jouent davantage en temps de crise", estime Matteo Iori, directeur de centre social et thérapeutique "pape Jean XXIII", en Emilie-Romagne, qui traite chaque année des centaines de personnes dépendantes du jeu. "La perspective d'un gain financier, le désir de changer de vie poussent les gens à jouer", ajoute Massimo Torri.

Une dépendance réelle

"L'Etat encourage le jeu mais ne parvient pas à protéger les plus vulnérables", a estimé Massimo Iori. Selon son centre, quelque 30 millions d'Italiens ont joué au moins une fois, environ 1,7 million sont considérés à risque et 800.000 sont des joueurs "pathologiques". Les industriels du jeu contestent ces chiffres et assurent que la stricte réglementation en place permet d'éviter les excès. Ils estiment que le secteur a fait d'immenses progrès depuis l'époque des tripots clandestins gérés par la mafia.

"L'Etat nous a aidés à organiser, à la lumière du jour, quelque chose qui n'était pas réglementé auparavant et qui était, dans certains cas même, illégal", a déclaré Massimo Ruta. "Les machines à sous aident le joueur à s'amuser plutôt qu'à s'abrutir et jouer d'une manière peu sûre dans un lieu douteux", a-t-il ajouté.

Plus de 100.000 emplois créés

Les représentants du secteur soulignent également le nombre d'emplois créés par cette industrie: plus de 100.000 dans toute l'Italie. La filiale italienne de Codere emploie en ce début d'année 1.100 personnes, enregistrant déjà une hausse de 10% par rapport à 2011. Le géant espagnol a mis en place un numéro de téléphone gratuit pour les personnes dépendantes du jeu et organisé des tables rondes intitulées "jeu responsable".

En dépit de ce genre d'initiatives, le jeu continue à avoir mauvaise réputation. "Si vous dépensez 100 euros pour dîner dans un restaurant, personne ne dira rien. Si vous venez ici pour vous amuser, c'est considéré comme honteux", déplore Massimo Ruta.

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