Jeux d'argent et de hasard en ligne : un projet de loi équilibré

Par Mathieu Gaudemet, avocat à la Cour (Joffe & Associés).

C'est finalement un texte de consensus qui vient d'être présenté par le ministre du Budget, conforme à la volonté annoncée à l'automne 2008 d'assurer une "ouverture maîtrisée" des jeux et paris en ligne. En l'état, opérateurs et acteurs institutionnels de la filière devraient y trouver leur compte.

Certes, les taux des taxes qui seront prélevées sur les mises (et non sur les résultats des opérateurs) et le périmètre des jeux de casinos ne sont pas encore totalement définis. On doit cependant espérer que la discussion parlementaire comme le filtre du Conseil d'Etat permettront d'affiner ces éléments dont l'importance est bien évidemment majeure.

Tel qu'il se présente à ce jour, le projet de loi couvre pour l'instant les paris hippiques et sportifs ainsi que les jeux de cercle, définis comme ceux constituant des jeux de répartition reposant sur l'expertise. Sans préjudice des évolutions des prochains mois, les principales composantes de ce projet envisagent d'organiser le secteur autour des grands ensembles suivants.

Les acteurs institutionnels tout d'abord - hors les opérateurs et les joueurs eux-mêmes - verront leurs attributions partagées entre un Comité consultatif des jeux, le ministère chargé de l'Agriculture pour les paris hippiques et celui en charge des Sports pour les paris sportifs, et une nouvelle Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJ), qui présente toutes les caractéristiques d'une autorité administrative indépendante. Celle-ci aurait pour mission d'instruire les dossiers d'agrément des opérateurs, de contrôler le respect par ceux-ci de leurs obligations, de participer à la lutte contre les sites de jeux illégaux et la fraude, de vérifier la conformité des règlements de jeux, d'homologuer les logiciels de jeux ou encore, pour ceux qui y seront soumis, de contrôler le respect par opérateurs de leur obligation d'acquitter leurs redevances.

L'activité d'opérateur en ligne découlera d'un mécanisme d'autorisation administrative délivrée au nom de l'Etat pour cinq ans renouvelables, prenant la forme d'un agrément de l'ARJ. Celui-ci correspondra au respect d'un cahier des charges - à la manière des premières licences des opérateurs de télécommunications avant que le régime ne devienne déclaratif - dont le projet de loi détaille l'essentiel des compartiments.

Il s'agirait de présenter une structure juridique et financière et des garanties minimales en termes de solvabilité, d'assurer l'homologation des plateformes et des logiciels de jeux, de contrôler l'inscription des nouveaux joueurs, de lutter contre l'addiction aux jeux, la fraude et le blanchiment, de protéger les données à caractère personnel des joueurs, d'encadrer la publicité et les offres commerciales et de satisfaire à des obligations de domiciliations bancaires tractables. Ne pourront par ailleurs être titulaires d'un agrément utilisable sur le territoire national que les opérateurs établis dans un état membre de l'UE ou de l'EEE.

 La délivrance et le renouvellement de l'agrément s'accompagneront du règlement d'un droit fixe, au bénéfice du Trésor Public, qui interviendra au moment du dépôt d'une demande initiale d'agrément (entre 2.000 et 15.000 euros), au 1er janvier de chaque année (entre 10.000 et 40.000 euros) ainsi qu'à l'occasion d'une demande de renouvellement (entre 1.000 et 10.000 euros). Comme c'est l'usage, le projet de loi renvoie au décret le soin d'affiner ces chiffres.

S'ajoute encore à cette organisation juridique une obligation de certification des opérateurs à laquelle ceux-ci devront se soumettre dans l'année suivant l'obtention de leur agrément ; la certification devant être réalisée par une société d'audit choisie par l'opérateur sur une liste établie par décret sur proposition de l'ARJ.

S'inspirant largement des pouvoirs dont bénéficient maintenant la plupart des autorités administratives indépendantes, le projet de loi prévoit en outre que l'ARJ disposera, dans sa mission générale de régulation, d'un panel de sanctions lui permettant de saisir la toute nouvelle Autorité de la concurrence, de procéder à des investigations sur pièces et sur place, ou encore de prononcer des sanctions administratives ou financières à l'encontre des opérateurs récalcitrants. A ce stade, on notera que la grille de sanctions s'échelonne d'un simple avertissement à un retrait complet de l'agrément, en passant par la faculté de réduire la durée de celui-ci d'une année, voir de le suspendre pour trois mois au plus.

Quant à la sanction pécuniaire, son montant est proportionnel à la gravité du manquement, avec un plafond pour l'instant fixé à 5% du chiffre d'affaires HT de l'année précédente ; sachant qu'à défaut d'activité antérieure permettant de déterminer ce plafond, le montant ne pourra excéder 150.000 euros (le double en cas de récidive). S'ajoutent par ailleurs des sanctions complémentaires dont l'impact peut ne pas être neutre, puisqu'elles consistent en la fermeture temporaire ou définitive des établissements concernés, l'interdiction professionnelle d'exercer, voire encore la diffusion de la décision prononcée.

Compte tenu de la nature particulière et de la dangerosité présumée des jeux et des paris via l'Internet, un régime d'interdiction spécifique est souligné qui concerne d'une part les mineurs, même émancipés, d'autre part les joueurs inscrits sur la liste des interdits de jeux, enfin l'utilisation, sans autorisation de leurs propriétaires, des droits d'exploitation que détiennent les fédérations sportives sur les compétitions qu'elles organisent. En outre, des exclusivités ne pourront être contractées entre fédérations et opérateurs, comme ce peut être le cas aujourd'hui en matière de droit audiovisuel.

Sur le papier donc, le projet de loi semble relativement équilibré, manifestement pré-validé par le commissaire au marchés intérieurs à Bruxelles et respectueux des engagements initiaux de la France. Incidemment, on notera que devraient échapper à cette nouvelle réglementation les deux collectivités territoriales ultra-marines que sont Saint-Barthélémy et Saint-Martin, pourtant déjà très ouvertes aux jeux de toute nature.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Très bien, ENCORE un moyen pour le pauvre citoyen de s'endetter facilement !! C'est la banque de France qui va avoir du boulot avec ça !!

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