La victoire à la Pyrrhus de l'Europe

La victoire des partis "pro-européens" aux Pays-Bas et le feu vert de Karlsruhe au Mécanisme européen de stabilité (MES) sont célébrés par les partisans de l'Europe fédérale. Mais cette "victoire" semble paradoxale.
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Ainsi, mercredi 12 septembre, « l'Europe a gagné ». Après la victoire libérale-travailliste aux Pays-Bas et le feu vert au MES et au pacte budgétaire de la cour de Karlsruhe, applaudi mercredi par la majorité des députés européens, « l'Europe » semble avoir la voie libre. Et chacun, dans les médias "modérés" et les milieux officiels de saluer cette victoire. Mais quelle « Europe » a-t-elle gagné ?

Les vrais vainqueurs du 12 septembre

En réalité, ces deux événements, comme en juin la victoire de la Nouvelle Démocratie en Grèce, le succès du référendum irlandais sur le pacte budgétaire ou la décision de rachat des obligations souveraines de la BCE, comblent de joie surtout les dirigeants gouvernementaux et les investisseurs. Les premiers se voient confirmer dans l'architecture complexe qu'ils ont mise en place pour l'Europe, les seconds se réjouissent de voir leurs investissements en obligations souveraines garanties.

Victoire de l'Europe fédérale ?

Quant au reste, il y a de quoi rester circonspect. Y a-t-il eu là une victoire de l'Europe dite « fédérale » qui est en réalité une Europe « centralisée » où un Etat central peut organiser la redistribution des richesses entre les régions prospères et ceux qui le sont moins ? On en est loin, très loin, malgré les sourires pâmés de bonheur des « fédéralistes » et de la commission. Les libéraux néerlandais, comme leurs homologues conservateurs allemands, n'accepteront jamais une telle structure dont les euro-obligations seraient la première pierre. Du reste, ces euro-obligations, plus personne n'en parle depuis que le premier ministre français Jean-Marc Ayrault, les a enterrées officiellement en juin pour le plus grand plaisir de Berlin.

Le MES, ersatz de solidarité

Le MES est-il un substitut ou un « premier pas » vers cette architecture ? Nullement. La « solidarité » de ce mécanisme, tant vantée par un Daniel Cohn-Bendit par exemple, est si fortement conditionnelle qu'elle risque de plutôt creuser les inégalités de croissance entre les pays que de les combler. Au reste, il n'est qu'à observer les effets du petit frère du MES, le FESF dont les recettes ont été appliquées sans franc succès à la Grèce et au Portugal. Quant au cas irlandais, il est sans doute moins radieux qu'on ne le croit. En tout cas, ni le MES, ni le FESF ne sont en mesure de créer une réelle cohérence au sein de l'Europe. On oublie souvent que le pendant du MES est le pacte budgétaire et que l'adhésion à ce dernier sera, à partir de mars 2013, une condition sine qua non à l'éligibilité au MES.

Solidarité conditionnelle

Autrement dit, la solidarité sera soumise à la discipline budgétaire, donc à une politique récessive dans le cadre national. Il n'y a là aucune logique continentale qui prévoirait, par exemple, une politique économique commune avec une relance dans les pays en excédent, permettant de réduire les déficits des autres pays. Du reste, la décision de la cour de Karlsruhe renforce ce caractère national en donnant un veto de facto à Berlin pour les besoins supplémentaires du MES. La future solidarité sera donc liée aux intérêts allemands. On a connu solidarité plus franche. On s'interrogera sur cette Europe unifiée qui, demain comme aujourd'hui, devra attendre la volonté des juges de Karlsruhe ou des députés au Bundestag pour connaître son avenir.

La très dangereuse logique intergouvernementale

L'Europe en reste donc à la logique intergouvernementale qui préside à ses destinées depuis mars 2010. Une logique qui refuse de prendre en main le problème de la diversité des économies européennes, qui s'entêtent dans une logique de dévaluation interne morbide et qui a réussi à transformer une crise budgétaire grecque en une récession déflationniste quasi mondiale. La démocratie est certes bonne fille. Elle veut bien donner encore sa chance à la gestion actuelle de l'Europe, sans doute en grande partie par la peur toujours présente de l'inconnu.

Ce mercredi, les Néerlandais, comme les juges de Karlsruhe ont surtout voulu éviter l'aventure. Mais le danger est grand de voir la gestion désastreuse de cette crise se poursuivre, entraînant le Vieux continent au mieux dans une décennie perdue à la japonaise, au pire dans une spirale déflationniste proche de celle des années 1930. Ce 12 septembre serait alors une victoire à la Pyrrhus pour l'Europe.

Commentaires 2
à écrit le 13/09/2012 à 19:08
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Soutenir les faibles en faisant payer les riches, c'est bien, mais favoriser les cigales et pénaliser les fourmis, c'est entrainer une spirale suicidaire , l'Europe n'est pas seule et le reste du monde n'a que faire de notre diversité . Sans la Holla...

à écrit le 13/09/2012 à 19:06
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De quelle Europe parle-t-on ? Car pour l'instant son action est conduite par des gens qui ne sont pas élus et qui n'ont aucun mandat par rapport aux populations mais semblent vouloir une sorte de répartition, les uns payant pour les autres. Cependant...

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