Villepin, l'homme du 19 juin

L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac concrétise son affrontement avec Nicolas Sarkozy en baptisant samedi à Paris son mouvement politique "République solidaire". Objectif : présenter une alternative à droite pour 2012.

C'était un jour de 2006 sur le chantier d'une autoroute en construction, quelque part en Normandie. L'hélicoptère acheminant le Premier ministre avait affronté des bourrasques de vent, des rafales pluvieuses, avant de se poser sur un improbable carré de terre, boueux et glissant. Devant les autres passagers un peu sonnés, Dominique de Villepin avait bondi hors de l'appareil, avec cette phrase : "marchons vers notre destin !" Depuis, le destin s'est souvent joué de l'ancien secrétaire général de l'Elysée, qui a déjà perdu plusieurs duels face à son éternel rival, Nicolas Sarkozy.

Mais ce samedi 19 juin, dans un clin d'oeil à la geste gaulliste, Dominique de Villepin franchit un pas décisif. Retrouvez les principaux points de son discours. Celui qui était considéré jusqu'ici comme un promeneur en politique, au point d'être devenu cette année le héros d'une bande dessinée à succès, porte sur les fonts baptismaux son propre parti, ou plutôt un mouvement, ce qui est plus conforme à l'esprit du fondateur de la Ve République. Une formation, "République solidaire", qui devrait rallier d'emblée les quelque 15.000 membres des Clubs Villepin qui se sont structurés depuis la fin 2009, sous la houlette de l'ancienne ministre chiraquienne Brigitte Girardin.

Les derniers sondages créditent toujours Dominique de Villepin d'un score avoisinant les 10% au premier tour d'une présidentielle. De quoi susciter irritation et froncements de sourcils tant à l'Elysée qu'à l'UMP. Depuis quelques jours, la tension est montée d'un cran. "Intimidations" et contrôles d'identité visant des jeunes sympathisants de l'ancien Premier ministre lors de la distribution de tracts, piratage informatique du site Internet des Clubs Villepin, apparemment depuis la Californie, convocations d'élus villepinistes dans le bureau de Nicolas Sarkozy, les escarmouches se succèdent.

Un groupe électrogène aurait même été réservé pour samedi, en cas de coupure d'électricité à la Halle Freyssinet, dans le XIIIème arrondissement de Paris, où Dominique de Villepin prononcera son discours "fondateur" devant quelque 3.000 de ses partisans. C'est à eux que l'ancien Premier ministre s'est adressé mardi soir pour dramatiser son affrontement avec le chef de l'Etat, comme il l'avait déjà fait à l'automne dernier lors du procès Clearstream. Dans une lettre - manuscrite à l'encre bleue - Dominique de Villepin a ainsi relevé la multiplication "des entraves, pressions et manoeuvres pour empêcher la naissance de notre mouvement".

Parmi les avanies de ces derniers jours, la défection d'Hervé Mariton est un coup dur pour l'ancien Premier ministre. Le député de la Drôme a annoncé qu'il ne ferait pas partie du mouvement villepiniste. Pour lui, dans une période de forte impopularité pour le chef de l'Etat et la majorité, "la multiplication des structures n'est pas une bonne chose". "Je ne veux ni fracture ni rupture au sein de la majorité", a-t-il affirmé. Hervé Mariton confie en outre être en désaccord avec Dominique de Villepin, notamment sur la fiscalité. Et souligne s'être détaché de l'ancien chef du gouvernement bien avant d'avoir été reçu par Nicolas Sarkozy comme d'autres élus villepinistes.

Jouant toujours dans le registre symbolique, le chef de l'Etat a déjeuné mardi avec Jacques Chirac. Or, l'ancien président reste proche de Dominique de Villepin, même si les contraintes de l'instruction judiciaire du dossier Clearstream ont longtemps empêché les deux hommes de se voir. Pour le député villepiniste de l'Hérault, Jean-Pierre Grand, qui n'a pas été convoqué à l'Elysée parce que jugé "irrécupérable", toutes ces initiatives présidentielles "démontrent une fébrilité et une maladresse". Au passage, l'élu note que la date du procès en appel de l'affaire Clearstream - au printemps 2011 - a été annoncée une semaine avant la réunion du 19 juin.

Et puis, il y a bien sûr le 70ème anniversaire de l'appel du 18 juin. Nicolas Sarkozy y consacre une journée entière. A Londres tout d'abord ce vendredi matin, où il doit prononcer un discours mitonné par le scribe "gaullo-sarkozyste" de l'Elysée, Henri Guaino. Parallèlement, une délégation de l'UMP a été chargée d'aller fleurir la tombe du général de Gaulle, à Colombey-les-Deux-Eglises. De retour à Paris en fin d'après-midi, le chef de l'Etat déposera une gerbe au pied des statues du général de Gaulle et de Winston Churchill, avant une cérémonie au mont Valérien. Pas de quoi intimider le camp villepiniste, sûr et certain de détenir les morceaux de la vraie croix de Lorraine. "Le véritable hommage au général de Gaulle, c'est d'être fidèle aux principes qui ont guidé sa vie politique", souligne ainsi Jean-Pierre Grand.

Dans cette bataille, les sondages qui indiquent que le gaullisme est aujourd'hui un courant d'idées périmé pour près de trois Français sur quatre n'ont que peu de poids. Pour Nicolas Sarkozy, il s'agit de sauver le talisman de la victoire de 2007, à savoir l'union de la droite derrière un seul candidat pour passer le plus haut possible la barre du premier tour de la présidentielle.

Or, depuis plusieurs mois, Dominique de Villepin, qui garde une puissance de feu médiatique, s'est attaché à incarner une "alternative" à Nicolas Sarkozy. Il conteste avec virulence chacun des choix économiques ou fiscaux du gouvernement et plaide pour davantage de "justice sociale". Lors d'un déplacement à Mantes-la-Jolie, début juin, on l'entend ironiser sur les "lunettes sécuritaires" qui empêchent le chef de l'Etat de voir les vrais problèmes des quartiers en difficulté. "Trop d'hommes politiques parlent de la banlieue sans jamais y venir, ou alors derrière des CRS", insiste l'ancien Premier ministre.

Après le 19 juin, Dominique de Villepin reprendra ses déplacements dans toute la France pour "installer" son mouvement, explique Jean-Pierre Grand. L'ancien Premier ministre prend soin d'entretenir la flamme pour 2012 sans toutefois préciser ses intentions. Certains de ses amis, mais aussi des proches de Nicolas Sarkozy, espèrent toujours une réconciliation avant la prochaine présidentielle. Mais la députée Marie-Anne Montchamp, qui sera la porte-parole du mouvement villepiniste, assure qu'elle ne l'a "jamais vu aussi déterminé". En novembre, Dominique de Villepin, marathonien confirmé, avait participé aux 20 kilomètres de Paris. Avec cette phrase : "je finis toujours les courses que je commence."

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