François Fillon redevient Premier ministre

Après avoir annoncé sa démission samedi, François Fillon retrouve dimanche son poste de Premier ministre.
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Le président Nicolas Sarkozy a reconduit François Fillon au poste de Premier ministre et lui a demandé de former un nouveau gouvernement, a annoncé l'Elysée dimanche dans un communiqué. François Fillon avait présenté la démission de son gouvernement samedi en début de soirée et la présidence de la République avait annoncé qu'il était mis fin à ses fonctions.

En le reconduisant moins de 24 heures plus tard, le chef de l'Etat a mis fin à un feuilleton de cinq mois et ouvert la voie à la formation d'un nouveau gouvernement dans la journée. "En application de l'article 8 de la Constitution, le président de la République a nommé M. François Fillon , Premier ministre", lit-on dans le communiqué de deux paragraphes de l'Elysée. "Le président de la République a demandé au Premier ministre de lui proposer un nouveau gouvernement."

Quelques minutes plus tard, le Premier ministre déclarait dans un communiqué vouloir s'engager "avec détermination dans une nouvelle étape" avec quatre objectifs : le renforcement de la croissance, l'emploi, la promotion des solidarités et la "sécurité de tous les Français". Quatre objectifs qui constituent une ébauche de programme pour la dernière partie du quinquennat avant l'élection présidentielle de 2002. Longtemps donné partant, François Fillon , faisait figure de favori ces derniers temps.

Le nouveau gouvernement sera connu d'ici dimanche soir ou au plus tard lundi, a-t-on souligné dans la matinée à Matignon, en précisant que le Premier ministre procèderait "à des consultations toute la journée". Une certitude, la nouvelle équipe sera resserrée avec 26 membres (ministres et secrétaires d'Etat) contre 37 actuellement, selon une source gouvernementale. Autre assurance, l'arrivée d'Alain Juppé, qui l'a lui-même annoncée samedi depuis Bordeaux, bousculant du même coup le protocole institutionnel. Il est donné à la Défense.

Nicolas Sarkozy a finalement entendu ceux qui, dans sa majorité, François Fillon en tête, ne voulaient pas du ministre de l'Environnement sortant, Jean-Louis Borloo, à Matignon. Il n'a en revanche pas suivi ceux qui jugeaient nécessaire de nommer un nouveau Premier ministre pour incarner la nouvelle étape du quinquennat, comme le déclarait encore samedi l'ancien chef de gouvernement Jean-Pierre Raffarin dans le Monde.

Reste à savoir maintenant si le nouveau gouvernement, que l'on annonce de sources gourvenementales et proches de l'UMP "resserré" et "féminisé", pourra à lui seul incarner un nouveau souffle et si Jean-Louis Borloo y aura sa place.

 

François Fillon , le survivant tranquille

Tandis que les candidats à sa succession faisaient bruyamment campagne, François Fillon , dans son style tout en retenue, laissait passer l'orage.  Celui que certains tenaient encore il y a peu pour un pâle exécutant à la solde de l'Elysée a été reconduit dimanche dans ses fonctions, sans doute parce qu'il aurait été difficile à Nicolas Sarkozy de justifier pourquoi il s'en séparait. Contrairement au chef de l'Etat, François Fillon n'avait pas grand-chose à perdre dans l'histoire. Soit il quittait son poste de Premier ministre la tête haute, soit il demeurait à Matignon en ayant pris soin de prendre ses distances avec le président.

La deuxième hypothèse l'a donc emporté et, s'il lui faudra encore patienter avant de voler de ses propres ailes, sa légitimité et sa réputation de compétence en sortent renforcées. "S'il reste, c'est un aveu de faiblesse de la part de Sarkozy qui montre que le plus fort n'est pas celui qu'on croit", avait expliqué à Reuters avant le remaniement Gaël Sliman, directeur adjoint de BVA. Préserver son avenir, quelle que soit l'option arrêtée par Nicolas Sarkozy. Tel était bien le but de la fameuse mise au point de François Fillon fin septembre, lorsqu'il avait affirmé que le chef de l'Etat était son allié et nullement son "mentor" politique.

Qu'il paraît long le chemin parcouru dans la relation particulière entre ces deux hommes, entamée avec la nomination, par un Nicolas Sarkozy fraîchement élu, de François Fillon au poste de Premier ministre, le 17 mai 2007.  Le président, dont l'hyperactivité n'était alors pas encore émoussée à l'épreuve de son bilan, avait le vent en poupe et pouvait, sous l'oeil curieux et plutôt bienveillant des médias et de l'opinion, tirer la couverture à lui.

Qualifié par le président de simple "collaborateur" de l'Elysée et raillé dans la presse pour sa transparence, François Fillon accusait le coup, laissant Nicolas Sarkozy s'exposer, au risque de passer pour le seul responsable des revers du gouvernement.  Peu à peu, le discret pensionnaire de Matignon a vu sa cote de popularité dépasser celle du locataire de l'Elysée. Il ne restait plus à François Fillon qu'à marquer sa différence, dans son style prudent, par petites touches.  Il s'est ainsi arrangé pour faire savoir que les propos guerriers de Nicolas Sarkozy liant immigration et délinquance n'étaient pas sa tasse de thé, puis pour briser de manière candide un "tabou" en associant le rabotage des niches fiscales à une augmentation des impôts.

Toujours sans se départir de son flegme, il lui fallait encore tordre le cou au mythe du fantôme de Matignon relégué dans l'ombre par un président omnipotent, ce qui fut lors de son intervention sur France 2. "L'impulsion du président de la République donne la direction mais sans la tour de contrôle (de Matignon), sans les mécaniciens de l'interministériel, le pays, l'administration, ça ne fonctionne pas", avait ainsi déclaré François Fillon avant d'embrayer sur un aveu, surprenant chez un homme si peu fanfaron, de ses ambitions.  "Il faut un objectif", avait-il dit. "Si on ne peut pas se dépasser, alors la lassitude et l'ennui, certainement, finissent par l'emporter."

S'il avait été remplacé à Matignon, les défis dont François Fillon dit avoir besoin n'auraient pas manqué. D'aucuns le voyaient déjà briguer la présidence de l'Assemblée nationale avant de viser la Mairie de Paris en 2014, une date qui figure certainement toujours dans son agenda.

En ces temps d'anti-sarkozysme généralisé, l'homme apparaît comme un recours pour une droite soucieuse de se recentrer sur ses valeurs traditionnelles de respectabilité tranquille alliée à une compétence sans tapage. Dans ce registre, François Fillon offre de sérieuses garanties. Pêle-mêle, l'ancrage rural dans la Sarthe, la légitimité parlementaire et la vie familiale sans histoires de cet avocat de formation ont de quoi rassurer l'électorat.  François Fillon "est respecté par les gens de droite, d'où sa popularité", résume un membre du gouvernement, mais il sait aussi rassembler au-delà de sa famille politique, comme l'a démontré un hommage appuyé rendu récemment par Michel Rocard.

"Avec une impulsion constitutionnelle du président extrêmement forte et extrêmement rapide, j'ai beaucoup d'admiration pour la manière dont Fillon fait un boulot que je ne voudrais pas faire", a ainsi déclaré l'ancien Premier ministre de François Mitterrand sur la chaîne Public Sénat.  Avec ses costumes bien coupés et ses cheveux sagement peignés, ce père de cinq enfants, marié depuis trente ans à sa discrète épouse galloise, ne bouscule personne et pourrait même paraître un poil trop lisse. Toujours avec mesure, il parsème donc lui-même son portrait de quelques taches de folie, se définissant tour à tour comme un "vrai geek" ou un mordu de course automobile.

Il faudrait l'imaginer jonglant entre son iPhone 3G et son iPod nano ou se grisant de vitesse le long de la ligne droite des Hunaudières un week-end de 24 Heures du Mans. Pas de quoi en faire un rebelle, certes, mais assez pour le décoiffer un peu. Grâce en partie à celui qui paraissait devoir l'étouffer, François Fillon semble paré, à 56 ans, pour prendre son envol, même s'il lui faudra encore patienter un peu.
 

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