La bonne affaire de BNP-Paribas en Californie

Avant la fusion avec la First Hawaiian Bank, la filiale de la BNP s'appelait Bank of the West et arborait sur son drapeau l'ours californien présent sur le drapeau de l'Etat. Elle a même eu le culot de breveter ce logo !Pendant longtemps, cette banque de détail s'était cantonnée à la Californie du Nord, refusant fermement de s'installer au Sud de l'Etat et d'en franchir les frontières. Pour la banque de détail s'entend, car la BancWest a su développer une activité de crédit spécialisé sur l'ensemble des Etats-Unis pour les bateaux, les véhicules 4X4, et les associations religieuses. Oui, le financement d'Eglise, car aux Etats-Unis, " le prêtre ou le pasteur est un chef d'entreprise avec un bilan et un compte d'exploitation, expliquait, autour d'une bonne table à La Tribune, Michel Larrouilh, qui a longtemps été l'homme de la BNP de l'autre côté des Montagnes Rocheuses. Celui qui va octroyer le crédit doit vérifier que l'édifice est entouré d'un parking facile d'accès ". Pourquoi ? " Si l'Eglise fait faillite, on pourra revendre son emplacement à un restaurant ou un autre business ", dixit Larrouilh. A New York, ainsi, une boîte de nuit a remplacé un ancien lieu de culte.L'éloignement de Paris explique certainement la réussite de cette petite banque, qui, avec l'aval de sa maison-mère, a profité de la crise bancaire de la fin des années quatre-vingt pour entamer un mouvement de croissance externe bien contrôlé. " A New York, il y a le Concorde, confiait toujours Michel Larrouilh (c'était bien avant l'accident de l'aéronef). Les gens du siège arrivent tous les jours. Il faut les recevoir, leur monter des rendez-vous ; bref, on ne peut pas travailler. A San Francisco, c'est différent. Nous sommes suffisamment loin pour calmer les ardeurs des voyageurs et nous pouvons travailler tranquillement ".Et plutôt bien travailler, car la BancWest, qui était intimement liée avec la branche banque des entreprises de la BNP, a financé les joyaux de la high tech américaine. Rétrospectivement, le seul reproche qu'on peut lui faire est d'avoir été trop prudente. Lorsque naît, au début des années quatre-vingt, le marché des stations de travail, la banque accorde une ligne de crédit d'une vingtaine de millions de dollars à Sun Microsystems. Vinod Koshla et Scott McNeally, ravis de la confiance des Français, leur proposent des warrants pour participer à une augmentation de capital ultérieure. Le business plan de Sun se déroule bien. La société bouscule les start-up prometteuses ou matures de l'époque, comme Apollo Computer et Prime Computer ou les entreprises bien établies, comme Digital Equipment. Son cash-flow augmente mais elle a besoin de financer sa croissance. Sollicitée pour l'augmentation de capital, la banque choisit de ne pas exercer ses warrants et de s'en tenir à son métier de banquier. Cette décision, mal comprise à l'époque par la direction de Sun Microsystems, est tout à fait logique pour une banque prudente. En se cantonnant volontairement à son métier de banquier, elle a réussi à limiter l'impact sur son compte de résultat du cycle économique californien, d'amplitude beaucoup plus forte que celui des Etats-Unis. Sun Microsystems n'est pas la seule entreprise aidée par la branche de la BNP-Paribas aux Etats-Unis. Solectron a aussi profité de sa sagacité à l'époque où cette entreprise prenait son essor et allait devenir un grand de la sous-traitance électronique. La reprise de la totalité du capital de BancWest devrait rendre la banque française incontournable pour cette activité. Avec de l'audace, elle pourrait même s'y renforcer par acquisition.
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