Genuity, en faillite, vend ses actifs à Level 3

La chute des dominos se poursuit sur le marché très fragilisé des services Internet. C'est aujourd'hui le tour de l'américain Genuity, ex-poids lourd du secteur, de jeter l'éponge. Après plusieurs semaines de recherche désespérée, le groupe, en défaut sur le paiement de ses échéances financières depuis le mois de juillet, a annoncé hier soir qu'il se plaçait sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Et a entamé immédiatement son démantèlement, en cédant une partie de ses activités au groupe Level 3.Genuity avait été créé en 2000, lors de la fusion de GTE et de Bell Atlantic dans Verizon, les autorités de la concurrence ayant contraint les deux opérateurs de télécoms à se séparer de leurs activités Internet. Riche du portefeuille de clientèle construit par ses ex-maisons mères, la société née de ce "spin off" était rapidement devenue l'une des principales "agences Web" américaines. Mais le retournement de son marché l'avait frappée de plein fouet, l'amenant au défaut de paiement cet été après le refus de Verizon de venir à son secours. Entretemps, Genuity s'était efforcé de se développer à l'international, notamment en reprenant il y a un an le français Integra, lui-même très mal en point. Une reprise soldée par un désastre : après une OPE qui l'a conduit à s'introduire au Nouveau marché de la Bourse de Paris, Genuity s'était vite retrouvé incapable de financer sa filiale, la contraignant, en août dernier, à la cessation de paiements.Désormais réduit aux mêmes extrémités, Genuity n'est cependant pas définitivement condamné, ou du moins pas encore. La cession à Level 3 d'une partie de ses actifs lui rapportera 242 millions de dollars, portant sa trésorerie à 800 millions environ. Un magot qui lui permet de poursuivre son exploitation, mais pas d'honorer ses dettes, dont le montant atteint 4 milliards de dollars, pour 1,9 milliard d'actifs. Le principal créancier du groupe n'est autre que... Verizon, pour 1,15 milliard. Le destin de Genuity est donc tout tracé : une fois la vente à Level 3 bouclée, ce qui reste du groupe sera démantelé et le produit des cessions réparti entre les créanciers, qu'ils soient industriels ou financiers.Level 3, lui, fait une belle opération : outre la marque de Genuity, il met la main sur son réseau haut débit, ses installations d'hébergement et surtout son portefeuille de clientèle, qui compte quelque 3.000 noms, parmi lesquels Verizon, bien sûr, mais aussi America Online, deux grands comptes générant 60% des revenus de Genuity. Le dernier trimestre d'activité de ce dernier s'était soldé par une perte nette de 1,2 milliard de dollars, pour un chiffre d'affaires de 223 millions. Rescapé de la crise du secteur Internet, Level 3 trouve ainsi une première utilisation spectaculaire aux 500 millions de dollars levés en juillet auprès de plusieurs investisseurs, dont le milliardaire Warren Buffett, jusqu'alors très distant vis-à-vis du monde Internet (lire ci-contre). Le groupe n'avait pas caché, à l'époque, son intention d'utiliser ces fonds pour réaliser des acquisitions en profitant des difficultés de ses concurrents ; il s'est notamment intéressé un temps au dossier de Williams Communications et à celui de Global Crossing. Au troisième trimestre, le groupe a passé le cap du milliard de dollars de chiffre d'affaires et a dégagé un Ebitda de 109 millions, contre 76 millions au trimestre précédent.La triste fin d'un pionnier d'Internet. Avec la faillite de Genuity, c'est une nouvelle page de l'histoire tumultueuse d'Internet qui se tourne définitivement. Dès 1969, la société, qui s'appelait alors BBN Corp., avait contribué à la création d'ARPAnet, l'embryon du réseau des réseaux. Elle avait ensuite développé le premier routeur Internet, assuré l'acheminement des tout premiers e-mails et expérimenté l'usage de l'arobase (@), devenu le symbole universel du courrier électronique.
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