L'échec d'Ariane 5 lourd de risques pour Arianespace

L'action EADS s'en sort bien: après être tombé jusqu'à 10,55 euros, le titre du premier actionnaire privé d'Arianespace ne cède que 0,44% à la clôture, à 11,20 euros. Le constructeur aéronautique européen avait pourtant commencé par subir la sanction du marché après l'échec du premier tir de la version "gros porteur" de la fusée Ariane 5. Le lanceur européen, qui avait décollé dans des conditions parfaites de la base guyanaise de Kourou mercredi à 19h21 locales (23h21 à Paris), a dû être désintégré après s'être écarté dangereusement de sa trajectoire un peu plus de trois minutes après le décollage, à 120 kilomètres d'altitude. Les deux satellites embarqués dans la soute, l'un appartenant à Eutelsat (Hot Bird 7), l'autre au CNES (Stentor), sont eux aussi perdus après être tombé dans l'océan Atlantique, à près d'un millier de kilomètres des côtes guyanaises. Lors d'une conférence de presse tenue en début d'après-midi (heure de Paris), Jean-Yves Le Gall, le directeur général d'Arianespace, a expliqué que c'est le moteur Vulcain II de l'étage principal de la fusée qui pourrait être à l'origine de son échec, même si les "raisons profondes" de celui-ci restent encore inconnues. Le moteur Vulcain II, dont la poussée est supérieure de 20% à celle de la génération précédente, a été conçu pour permettre à la fusion Ariane 5 ECA d'emporter jusqu'à dix tonnes de charge utile. Une commission d'enquête indépendante entamera ses travaux dès lundi pour déterminer les causes précises de l'échec de cette nuit, mais surtout pour établir s'il a des conséquences sur la version de base d'Ariane-5. Et pour déterminer les conditions d'une remise en service dès que possible du lanceur lourd européen. Pour EADS, les répercussions financières de l'échec de la mission 157 d'Ariane sont encore difficiles à évaluer. Mais le groupe européen, qui réalise 8% de son chiffre d'affaires dans le domaine spatial, est le premier actionnaire privé d'Arianespace, avec un peu plus de 27% du capital (contre 32,45% pour le CNES). Sa filiale Astrium avait par ailleurs construit seule le satellite Hot Bird 7 et avait participé avec Alcatel à la construction du Stentor.Après un report de deux semaines dû à un incident technique qui avait empêché l'allumage du moteur, l'échec de la nuit dernière handicape fortement l'entrée d'Arianespace sur le marché des lanceurs lourds de nouvelle génération, capables d'embarquer deux, voire trois charges utiles, afin de rester compétitifs sur un marché des lancements de plus en plus disputé... et en net ralentissement. Alors que la concurrence avec les lanceurs américains (Atlas et Delta) et russes (Proton, Zenit) est très serrée, le programme Ariane ECA pourrait désormais prendre plusieurs mois de retard. Pour Nicole Fontaine, la ministre de l'Industrie, l'échec d'Ariane 5 est donc "un coup très dur" pour l'industrie spatiale européenne. D'autant que Boeing a réussi, le 20 novembre, le premier tir de la nouvelle fusée Delta IV, trois mois après celui de l'Atlas 5 de Lockheed-Martin. L'industrie américaine se trouve ainsi en position de prendre une revanche sur Arianespace, sur fond de stagnation du marché à un niveau historiquement bas. Après avoir raflé, cette année, 11 des 15 lancements mis en compétition entre les grands acteurs du marché (soit des prises de commandes de près de 900 millions d'euros), le consortium européen prévoyait jusqu'à présent six tirs d'Ariane 5 en 2003, dont trois en version "lourde". Des lancements doubles appelés à devenir systématiques dès 2005, pour réduire fortement les prix facturés aux clients. La capacité de la fusée doit même être portée à 12 tonnes en 2006.L'enjeu est d'autant plus important qu'Arianespace finira 2002, comme les années précédentes, dans le rouge. Et que 2003 doit théoriquement marquer le retour à l'équilibre financier.
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