Intelligence artificielle : Microsoft va lui-même concurrencer son grand allié OpenAI

Microsoft va bientôt sortir un modèle d'intelligence artificielle capable de concurrencer frontalement le meilleur modèle de son allié OpenAI, d'après le média The Information. De quoi rebattre les cartes d'une relation qui fait figure de fer de lance de l'IA générative sur les 18 derniers mois...
François Manens
Mustafa Suleyman, l'homme de l'IA chez Microsoft depuis mars.
Mustafa Suleyman, l'homme de l'IA chez Microsoft depuis mars. (Crédits : /FW1FP/Sriraj Kalluvila / Reuters)

OpenAI va devoir faire face à un drôle de nouveau concurrent : Microsoft, son allié et partenaire exclusif depuis 2019. D'après The Information, le géant de l'informatique développe en interne un grand modèle d'intelligence artificielle nommé MAI-1, qui vise à rivaliser avec les performances des meilleures IA du marché comme Claude 3 d'Anthropic, Gemini de Google et surtout GPT-4 d'OpenAI. MAI-1 sortira d'ici la fin du mois, selon la newsletter Semi Analysis.

Une situation cocasse se profile entre la startup star de l'IA et son principal financier, Microsoft, qui a investi plus de 13 milliards de dollars dans la jeune pousse et dispose de 49% de son capital en plus d'un siège à son conseil d'administration. Et pour cause : si OpenAI reste dépendant du géant de la tech, avec qui il a signé une exclusivité qui lui empêche de proposer ses modèles d'IA chez des concurrents comme Google Cloud et Amazon Web Services, Microsoft s'offre quant à lui un début d'indépendance. C'est un véritable changement de paradigme : jusqu'ici, sa stratégie dans l'IA, bâtie sur la mise à disposition d'outils aux clients de son cloud Azure et au déploiement d'assistants Copilot dans tous ses logiciels (comme Word et Excel) dépendait quasi exclusivement des technologies d'OpenAI comme moteur.

Fin du monopole d'OpenAI

Bien que Microsoft cherche aujourd'hui une alternative, l'association avec OpenAI lui a jusqu'ici grandement profité. Elle lui a permis d'endosser le rôle de pionnier de l'IA générative et de surfer sur la vague ChatGPT, avec à la clé un gain de plus de 3% de parts de marché du cloud. Plus de 65% des entreprises du Fortune 500 (index qui regroupe les plus grandes entreprises américaines) utilisent d'ores et déjà son service Azure OpenAI, et la valorisation du groupe a passé pour la première fois la barre des 3.000 milliards de dollars, au point d'en faire l'entreprise la mieux cotée au monde.

Mais OpenAI, parti avec une avance de plusieurs mois sur la concurrence est aujourd'hui rattrapé par Google, Anthropic (une startup concurrente financée par Amazon et Google), et dans une moindre mesure Mistral et Cohere. Pire, Meta et son modèle Llama 3, dont la version la plus puissante verra le jour cet été, pourraient bouleverser l'ordre de l'écosystème. GPT-4 d'OpenAI, sorti en mars 2023, tient toujours la pôle position dans de nombreux classements de performance, mais son successeur GPT-5 tarde à sortir. Résultat : la startup phare de l'IA ne jouit plus de la position de quasi monopole sur laquelle Microsoft a surfé pendant près d'un an. Pour l'instant, ce dernier refuse de commenter sur le développement de MAI-1 et sur ses ambitions pour le modèle. D'après The Information, son utilisation sera décidée en fonction de ses performances.

Un concurrent d'OpenAI vampirisé par Microsoft

Pour opérer ce virage stratégique, Microsoft a créé en mars une toute nouvelle division sobrement baptisée Microsoft AI. Pour l'alimenter en chercheurs de haut niveau, des profils très rares et coûteux sur le marché de l'emploi, l'entreprise a ni plus ni moins vampirisé Inflection AI, une startup concurrente de OpenAI dans laquelle elle avait investi massivement aux côtés de Nvidia, Bill Gates (fondateur de Microsoft) et Eric Schmidt (ex-CEO de Google), entre autres. Concrètement, il a débauché deux de ses cofondateurs, Mustafa Suleyman et Karén Simonyan, ainsi qu'une grande partie des équipes. Quant au troisième et dernier cofondateur resté dans la coquille presque vide, Reid Hoffman, il est un membre du conseil d'administration de Microsoft... Pour autant, MAI-1 ne reprend pas le modèle Pi, un équivalent de ChatGPT développé par la startup, censé laisser plus de place à l'intelligence émotionnelle. Il repart bel et bien d'une structure nouvelle. Satya Nadella a ainsi réussi avec Inflection le tour de force qu'il avait tenté avec Sam Altman et les équipes d'OpenAI, lors de l'étrange feuilleton à la tête de l'entreprise courant novembre.

Afin de faire avaler la pilule aux investisseurs de Inflection, qui avaient injecté plus de 1,6 milliard de dollars pour une valorisation de quatre milliards de dollars, Microsoft a sorti un chèque de 650 millions de dollars, toujours selon The Information. Le gros de cette enveloppe lui octroie une licence non exclusive d'exploitation des technologies d'Inflection --pour laquelle il n'a pas vraiment d'intérêt en réalité--, le reste (30 millions de dollars) servant à s'assurer que Inflection ne le poursuive pas en justice pour le démarchage de ses employés. Bilan financier : tous les investisseurs devraient s'en tirer avec au moins 1,1 fois leur mise, soit un léger profit. Une opération plutôt positive, puisque que la startup brûlait beaucoup d'argent sans générer de revenus significatifs et surtout sans concurrencer réellement OpenAI et Anthropic. Mais la jeune pousse n'a pas disparu pour autant : elle se consacre désormais à l'accompagnement de projets d'IA pour les entreprises.

Mustafa Suleyman, Sam Altman et Satya Nadella, trio de l'IA pour Microsoft

Avec Mustafa Suleyman à la tête de Microsoft AI, Satya Nadella a décroché une figure forte --bien que controversée-- de l'intelligence artificielle. Cofondateur de DeepMind (concurrent britannique d'OpenAI, racheté par Google en 2014), il en a dirigé les équipes jusqu'à 2019, avant d'être mis à pied sous fonds d'accusations de harcèlement de ses employés. Mais cet épisode n'a pas complètement terni son image, avec pour preuve le grand succès des levés de fonds pour sa startup Inflection.

Son arrivée ne signifie pas pour autant une mise à l'écart de OpenAI et de Sam Altman, dont Satya Nadella est très proche. La jeune pousse reste la plus performante du secteur pour l'instant, et GPT-5 pourrait de nouveau donner un avantage comparatif significatif à Microsoft, s'il répond aux promesses. Mais la situation a bel et bien changé : le géant de la tech n'est plus entièrement dépendant de son allié.

François Manens

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Commentaires 7
à écrit le 09/05/2024 à 12:10
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« Quand une intelligence artificielle (IA) parviendra mieux que l’homme à concevoir de l’intelligence artificielle, de sorte qu’elle pourra s’améliorer elle même, elle nous surpassera de la même façon que notre intelligence surpasse celle des escargo...

à écrit le 08/05/2024 à 21:14
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"Intelligence artificielle : Microsoft va lui-même concurrencer son grand allié OpenAI" Concurrencer sur un marché qui ne rapporte rien... la belle affaire! De toute évidence le personnel chez Micro$oft a beaucoup de temps à perdre aux frais ...

à écrit le 08/05/2024 à 13:07
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La stratégie R&D classique de microsoft : embrace, extend, extinguish... Heureusement que GNU/Linux et les logiciels libres existent pour éviter cette main mise despotique sur les logiciels. Quant à l'IA, elle va démolir notre secteur tertiaire comme...

le 08/05/2024 à 21:34
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"Heureusement que GNU/Linux et les logiciels libres existent pour éviter cette main mise despotique sur les logiciels." C'est une blague? Les projets logiciels pseudolibres majeurs tel que le noyau Linux sont financés par les GAFAM via des so...

à écrit le 08/05/2024 à 10:48
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Les apprentis sorcier en quête de milliards « toujours plus toujours plus « nous font courir a notre perte… finalement on se détruira nous même … perso je boycotterai tout ca

à écrit le 08/05/2024 à 10:48
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Les apprentis sorcier en quête de milliards « toujours plus toujours plus « nous font courir a notre perte… finalement on se détruira nous même … perso je boycotterai tout ca

à écrit le 08/05/2024 à 7:31
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Des centaines de milliards d'argent public qui se déversent une énième fois sur l'économie privée et depuis on a pas l'impression d'une réelle avancée. Il part où tout ce fric ? N'vidia ? Ah il doit bien rigoler son patron.

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