Réactions mitigées au réquisitoire de Colin Powell contre l'Irak

Faute d'avoir su saisir la dernière chance offerte par les résolutions de l'Onu lui intimant l'ordre de se débarrasser de ses armes de destruction massive, l'Irak s'expose à "de graves conséquences", autrement dit à une intervention militaire. C'est en résumé la conclusion du réquisitoire de 80 minutes dressé cet après-midi devant le Conseil de sécurité de l'Onu par Colin Powell. Et ce, en direct devant les télévisions et les radios du monde entier.A la suite des propos du secrétaire d'Etat américain, certains membres du Conseil de sécurité ont pris la parole. Premier à s'exprimer, l'ambassadeur de Chine à l'Onu qui a appelé à la poursuite des inspections en Irak, suivi dans le même registre par l'ambassadeur russe. Moins conciliant avec Bagdad, le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, a affirmé que "Saddam Hussein nous défie tous, et chacune des nations que nous représentons". Dans ce contexte, Jack Straw a jugé que le 14 février prochain, date à laquelle les inspecteurs en désarmement présenteront leur prochain rapport, serait une date cruciale. Pour sa part, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, s'est efforcé de prendre une position médiane. D'une part, il a reconnu que l'attitude irakienne soulève des questions graves qui exigent des réponses claires. D'autre part, il a réaffirmé à de nombreuses reprises que l'ensemble du processus devait rester dans le cadre des résolutions onusiennes. Préconisant un renforcement très important des moyens mis à la disposition de la mission d'inspection, Dominique de Villepin n'a pas exclu qu'en tout dernier ressort, le recours à la force puisse devenir nécessaire si le régime de Saddam Hussein ne répondait pas aux exigences de la communauté internationale.Opération de dissimulationLes membres du Conseil de sécurité commentaient ainsi à chaud les déclarations de Colin Powell. Le secrétaire d'Etat américain a présenté les éléments d'information dont les Etats-Unis disposent et qui prouvent selon eux que l'Irak ne fait aucun effort pour désarmer, contrevenant ainsi à la résolution 1441 de l'Onu. Durant 80 minutes, le chef de la diplomatie américaine a fourni un certain nombre de documents (enregistrements audio, photographies satellite, témoignages d'Irakiens ayant fait défection... ). Selon Colin Powell, ces documents prouveraient que Bagdad s'est lancé dans une vaste opération de dissimulation de ses armements illicites. Le but "est de tromper, de cacher, de dissimuler des choses aux inspecteurs" des Nations unies, a ainsi affirmé le secrétaire d'Etat. Entre autres choses, Colin Powell accuse l'Irak d'utiliser "les vastes ressources de ses services de renseignement pour espionner les inspecteurs". Il affirme également que le régime de Bagdad intimide ses scientifiques, les menaçant de mort pour les empêcher de témoigner. Dans ces conditions, il estime que l'Irak est en violation patente des résolutions de l'Onu, se plaçant ainsi "en situation d'encourir de sérieuses conséquences". Si le conseil adoptait ce constat, la voie à une opération militaire contre l'Irak serait alors ouverte.Armes chimiques et biologiquesAprès avoir dressé ce sévère réquisitoire, Colin Powell a évoqué quelques unes des armes dont disposerait l'Irak. Le chef de la diplomatie américaine a ainsi mentionné des chasseurs-bombardiers Mirage dont le réservoir aurait été modifié afin de disséminer des gaz ou des armes bactériologiques. A ce propos, il a assuré que l'Irak a utilisé 1.600 prisonniers condamnés à mort pour expérimenter des armes chimiques ou biologiques. Bagdad, toujours selon Colin Powell, aurait la capacité de produire le virus de la variole.Le secrétaire d'Etat a également affirmé que le président irakien Saddam Hussein est déterminé "à mettre la main sur une bombe nucléaire". Colin Powell a rapporté que selon les services de renseignement américains, l'Irak menait un programme visant à la fabrication d'un missile d'une portée d'environ 1.200 km. "Les intentions de Saddam Hussein n'ont jamais changé", a-t-il ajouté. Il s'agit d'une volonté de "pouvoir lancer des missiles avec des têtes chimiques, bactériologiques ou, si nous le laissons faire, nucléaires". Enfin concernant les liens du régime de Bagdad avec le terrorisme, Colin Powell a affirmé que l'Irak "était associé avec le terrorisme depuis des décennies", évoquant une "connexion sinistre" avec Al-Qaïda. Selon lui, deux douzaines de membres d'Al-Qaïda sont basés à Bagdad. Tout au long de la journée, les marchés ont fait preuve de nervosité (lire ci-contre), l'euro repassant au-dessus de 1,09 dollar avant de se replier et les cours du pétrole se maintenant largement au-dessus de 31 dollars. En fin d'après-midi mercredi, le baril de Brent de mer du Nord pour livraison en mars valait 31,30 dollars. Sur les marchés financiers, le discours de Colin Powell a semblé plutôt bien accueilli puisque, une heure après la fin de cette allocution, le Dow Jones et le Nasdaq progressaient, de respectivement 1,54% et 1,79%.
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