Le jeu vidéo français cherche sa place dans un secteur mondialisé

Y a-t-il un avenir pour les jeux vidéo français? C'est la question qui a hanté les Deuxièmes Rencontres du Jeu Vidéo organisées à Montpellier pour la deuxième année par l'Idate (Institut de l'audiovisuel). La crise de ces dernières années, qui a entraîné la fermeture de 16 studios de jeux vidéo sur le marché français, a laissé des marques. Les succès d'Infogrames ou d'Ubi Soft, dans le top 10 des éditeurs internationaux, n'ont pas réussi à calmer les esprits alors que VU Games, actuellement en vente, devrait bientôt perdre son pavillon français.Quelle place, donc, aura la France dans cette industrie désormais divisée entre la production de jeux lourds, coûteux et ambitieux d'une part, et la conception de logiciels de loisirs plus locaux d'autre part? Les conférences organisées à Montpellier ont été l'occasion pour les professionnels de revenir sur les problématiques d'un secteur qui pèse aujourd'hui 35 milliards de dollars au niveau mondial. Au centre des préoccupations : les problèmes de financement des studios, garants de la "french touch". Avec un constat : l'explosion des coûts. "Il y a dix ans, il fallait 6 personnes seulement, qui développaient un jeu pour une plate-forme. Aujourd'hui, il faut 30 personnes réparties sur un à deux sites, pour plusieurs plates-formes. Demain, le développement d'un jeu nécessitera de 80 à 100 personnes", assure Christophe Reyes, le PDG de Criterion France, une filiale de middleware (logiciels à destination des développeurs de jeux) de Canon. "Aujourd'hui, pour être édité, un studio doit présenter une pré-version du jeu qui coûte entre 200 et 300.000 euros, alors qu'avant un story-board suffisait", indique Laurent Michaud de l'Idate. "Un jeu qui demande 4 millions de dollars de développement coûte 16 millions de dollars à lancer, achat de licence et dépenses marketing comprises. C'est pourquoi les studios se retrouvent obligés de rogner sur leurs marges", confirme Fred Hasson de Tiga, une association de développeurs britanniques indépendants.A cette inflation des coûts s'ajoute la difficulté toujours plus grande d'évaluer les chances de succès d'un jeu. Premier enseignement : les joueurs ont changé en 10 ans. La prouesse technologique, bien qu'elle ait beaucoup évolué, n'est plus une garantie de succès. Ce qui compte aujourd'hui, d'après les professionnels, c'est le "gameplay", comprenez : cette alchimie qui fait qu'un jeu captive son utilisateur. Pour preuve, les chiffres de vente avancés par Criterion. Grand Turismo 3, à la technologie de pointe, s'est vendu à seulement 4,8 millions d'exemplaires, contre 7,2 millions d'exemplaires pour Harry Potter et 11,5 millions d'exemplaires pour Grand Theft Auto, dotés d'une technologie moyenne mais bénéficiant d'une franchise séduisante pour le premier et de qualités de jeu remarquables pour le second.Dans une industrie mondialisée, où les éditeurs misent beaucoup sur un nombre limité de titres à très gros budgets, quelle place, donc, pour les studios et les éditeurs français? Les professionnels militent pour une action précise du gouvernement, brandissant l'engagement des voisins. "Le marché est dominé par les Japonais et les Américains. Je ne sais pas s'il y aura une industrie du jeu vidéo dans deux ans", martèle Jean-Claude Larue, secrétaire général du Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL). "Au Canada, l'industrie peut bénéficier de réduction fiscales jusqu'à 50%, ce qui a permis de créer 25.000 emplois. La Corée a un programme de 500 millions d'euros d'aide sur cinq ans", indique Antoine Vilette de l'Association des Producteurs d'Oeuvres Multimédia (l'APOM). Si le gouvernement a fait un pas dans le sens des studios en octroyant cette année 3,6 millions d'euros à 22 projets, sur une enveloppe totale de 4 millions, il s'agit pour l'instant d'un geste exceptionnel. Il ne s'agissait pas de "mettre le secteur sous perfusion, mais de combler le trou d'air", a averti Laurent Sorbier, le conseiller technique chargé de la société de l'information à Matignon, qui précise aussi qu'une "étude de faisabilité sur le secteur est en cours". Le secteur aura eu gain de cause sur un élément au moins: l'école Nationale des Médias Interactifs d'Angoulême devrait ouvrir ses portes dès la rentrée prochaine.
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