Le portable intuitu personae

L'Histoire retiendra peut être que deux des très grands succès de la téléphonie mobile auront été pour le moins surprenants. Le SMS (pour "message court") d'abord, royalement ignoré jusqu'en 2000, pèse aujourd'hui plus de 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires en Europe occidentale et rapporte des profits colossaux aux opérateurs grâce à une marge qu'on situe autour de 80%. Et, maintenant, c'est au tour des services de personnalisation (téléchargements de sonneries, de fonds d'écran ou de répondeurs fantaisie), justement construits en partie autour du SMS, de connaître un réel engouement. Il faut dire qu'au fil des années, le téléphone portable a été érigé en objet personnel par excellence. Mais, comme ce n'est finalement qu'un appareil électronique, la personnalisation devait bien prendre d'autres atours. C'est ce qu'ont bien compris les opérateurs, les fabricants de terminaux et plusieurs éditeurs de contenus. Que la sonnerie d'un portable fasse retentir le dernier tube de la Star Academy, un air de Maurice Chevalier ou "l'Internationale", en dit logiquement beaucoup sur celui qui s'apprête à répondre. Il en va de même pour son fond d'écran et pour l'annonce de sa boîte vocale. Les améliorations techniques des téléphones arrivent aujourd'hui à point nommé. Comme si elles avaient été pensées pour étendre autant que possible les fonctions de personnalisation : un voire deux écrans couleurs avec des résolutions en progrès constant, la possibilité de prendre ses propres photos pour les afficher en fond d'écran, dès maintenant des animations Java, des sonneries polyphoniques avant la généralisation des fichiers sonores au format MP3, etc... Tout cela avec pour finalité la possibilité de rendre, à l'envi, son téléphone semblable à nul autre, l'accorder à ses humeurs ou encore se revendiquer d'une "tribu", selon le terme qu'affectionnent les génies du marketing. Ce n'est donc pas un hasard si le modèle économique autour des services de personnalisation est à ce jour l'un des plus stabilisés du secteur. Comme pour le portail i-mode de Bouygues Telecom dont ils représentent un bon tiers de l'activité, ces contenus sont sans conteste les plus prisés des utilisateurs et ce partout en Europe. Dans chaque pays, deux à trois éditeurs se partagent un marché qui, au total, pourrait atteindre deux milliards d'euros cette année. Et il est inutile de chercher les poids lourds parmi les éditeurs connus. En France, malgré la présence de TF1, Universal ou l'agence Gamma sur ces segments, ces poids lourds sont des PME qui ont pour nom 1 2 3 Multimedia, Media Consulting ou Kiwee. Armés de licences de produits à la mode (comme Titeuf, la Star Academy,..), contributeurs à la Sacem pour reproduire des oeuvres musicales, ils font payer jusqu'à plusieurs euros pour une sonnerie ou une image téléchargée. Avec, à la clé, des marges plutôt confortables car ils savent pouvoir compter sur l'envie du consommateur, irrépressible mais fâcheusement répandue, d'avoir non seulement le plus beau portable, mais aussi la sonnerie la plus "fun" et le fond d'écran le plus remarquable.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.