Les industriels dénoncent en bloc taxes et charges

Alimentée par les plans sociaux en série, les délocalisations et les fermetures de sites industriels, la thématique de la désindustrialisation de la France et de la perte de compétitivité de ses groupes industriels a rythmé une partie de la campagne électorale du scrutin régional. Même si, comme l'affirme Michel Didier, directeur de Rexecode, un institut de conjoncture réputé proche du Medef, "l'industrie française est sortie (au cours de l'été dernier, ndlr) de la récession amorcée au printemps 2001", ce secteur, qui emploie un salarié sur six en France et représente moins de 20% du PIB, n'en demeure pas moins "fragile". L'économiste pointe le "passage à vide" enregistré à la fin de l'année écoulée et souligne que des "incertitudes" demeurent sur l'investissement. La faible progression de l'indice de la production industrielle au cours des trois derniers mois, de +1% en rythme annuel, témoigne de la persistance de ces difficultés. L'emploi dans l'industrie devrait donc continuer à souffrir en 2004, comme le signale Daniel Dewavrin, président du GFI, le Groupe des Fédérations Industrielles qui rassemble les 15 plus importantes fédérations industrielles françaises. "Nous allons vers une stabilisation des emplois dans le secteur ou tout au moins, la décroissance des effectifs sera plus faible en 2004 qu'en 2003 mais l'industrie française ne décolle pas alors que l'embellie mondiale est là", s'est-il inquiété. Plus largement, le GFI, préoccupé par la détérioration de la compétitivité des entreprises françaises, tire la sonnette d'alarme, dénonçant la dégradation des positions françaises dans le commerce mondial depuis 1990. La part de marché de la France dans le commerce mondial (en valeur) est tombée à 5,1% en 2002, contre 6,3% en 2003.Des entreprises trop taxéesLe GFI, qui ne veut pas plus sombrer "dans l'angélisme que dans le fatalisme", appelle de ses voeux une véritable politique industrielle en France afin de surmonter "les handicaps préoccupants" qui, selon Daniel Dewavrin, accablent la France. Dans ce contexte, le président du GFI se montre inquiet du débat politique actuel, "déconnecté de la réalité et peu propice à mettre en confiance les chefs d'entreprises". Malgré tout, espérant que le cap des réformes sera tenu, le GFI fait des propositions pour enrayer le déclin de l'activité industrielle. Ces suggestions sont regroupées autour de quatre thèmes d'action: fiscalité et charges, recherche et innovation, formation des compétences et conquête des marchés mondiaux. Yvon Jacob, vice-président du GFI, déplorant que la France soit l'un des pays d'Europe où "les charges sociales sont les plus élevées", juge "impératif" de les réduire. "Pour l'instant, nous n'avons rien vu", déplore Yvon Jacob, particulièrement préoccupé par la tournure que prend le débat sur l'assurance maladie. Débat qui ne s'intéresse pas assez, selon lui, à la question du financement de ce système. Et d'ajouter: "tout se passe comme si les entreprises devaient continuer à financer comme elles le font depuis 50 ans. Mais au nom de quoi cela doit-il se poursuivre ?" Daniel Dewavrin renchérit, estimant que si l'industrie française est en péril, "c'est parce qu'elle est trop taxée". "Nous sommes le seul pays à faire financer la protection sociale par le système productif, nous n'avons plus les moyens de notre protection sociale sans s'adapter". Au chapitre fiscal, la taxe professionnelle (TP) est particulièrement dans la ligne de mire du GFI. Selon l'organisation, l'industrie paye plus de 60% de la taxe professionnelle, alors qu'elle ne représente que 16% du PIB. Si le groupement sait gré au gouvernement Raffarin 2 des premiers pas effectués dans ce chantier, il regrette la lenteur concernant la mise en place du processus d'exonération de TP: les conditions d'applications de ce dispositif prévu pour durer 18 mois n'ont pas encore été notifiées, ce qui a pour effet pervers de laisser les investisseurs dans l'expectative, note Yvon Jacob. D'autre part, pour ce qui est du remplacement de la TP par une nouvelle forme de fiscalité, qui doit théoriquement être mise en oeuvre dans le budget 2005, Yvon Jacob reconnaît que le débat est ouvert mais que "tout est compliqué par le bouleversement politique de ces derniers jours". Projets innovants et structurantsLe deuxième volet des propositions du GFI porte sur les questions relatives à la recherche et à l'innovation. Le groupe propose de lancer "de nouveaux grands projets innovants et structurants", selon une conception et un mode d'organisation différents des pratiques passées. La démarche défendue par le GFI est de partir de la demande et des propositions de l'industrie pour déboucher sur "la mise en réseau des moyens de recherche publics et privés", et de citer en exemple le programme Galileo. Ces chantiers devraient répondre à quatre critères: répondre à un problème de société, comporter des effets économiques consistants, être susceptibles d'engendrer des savoirs faire technologiques généralisables à d'autres secteurs, associer PME et grandes entreprises d'une part, et moyens de recherche publics et privés d'autre part.Troisième cheval de bataille, celui de la formation des compétences. Une question qui part du constat selon lequel de nombreuses entreprises industrielles sont confrontées à des difficultés de recrutement pour le personnel technique, difficultés qui ne pourront que s'accroître avec l'évolution de la pyramide des âges. Craignant une pénurie de moyens humains à l'horizon 2012, le GFI propose notamment de lancer une vaste campagne de sensibilisation en direction des jeunes pour renforcer l'attractivité des carrières techniques et industrielles. Enfin, dernier élément soulevé, la nécessité pour les entreprises françaises d'être soutenues dans leur démarche d'expansion à l'international. "Il faut déterminer des pays cibles, débloquer des moyens pour emmener les entreprises dans ces pays et mettre en cohérence les moyens mis en place par l'Etat et ceux déployés par les régions", explique Yvon Jacob. Ce dernier regrette qu'au delà de la stratégie nationale, "il n'y ait pas de politique industrielle en Europe". "Depuis trois ans, Bruxelles prétend s'intéresser à la compétitivité mais il ne se passe rien sinon la publication de directives en série se traduisant par des contraintes supplémentaires. C'est insupportable". Aux problèmes structurels dénoncés par le GFI pour expliquer la dégradation de la compétitivité des entreprises industrielles, sont venus s'ajouter des difficultés conjoncturelles comme l'appréciation de l'euro et la hausse du coût des matières premières. Sur ce dernier point, les responsables du groupe des fédérations industrielles se sont montrés particulièrement alarmistes, estimant que la poursuite de ce mouvement dû à l'explosion de la demande chinoise pourrait déboucher sur un rationnement pour les entreprises françaises. Dans ce contexte, et pour tenter de freiner ce phénomène, le GFI n'hésite pas évoquer divers mesures à fortes connotations protectionnistes comme la taxation des exportations vers la Chine, un rationnement quantitatif ou des renégociations au sein de l'OMC...
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