L'Oréal victime de la dictature du temps

Lorsque les investisseurs ont commencé à bouder la beauté trop lisse de L'Oréal, il y a déjà deux ou trois ans, ils lui reprochaient d'être trop régulière, trop prévisible, ennuyeuse en somme. L'Oréal ? Toujours la même "story" comme on dit sur les marchés : une "success story" certes, mais sans surprise, manquant de piquant, presque d'attrait. Un comble pour le leader mondial de la beauté. A la Bourse, tout finit par lasser, même vingt années consécutives de croissance à deux chiffres des bénéfices.Pourtant, les semestres se suivent et ne se ressemblent pas chez L'Oréal où chaque exercice est loin de se dérouler comme un long fleuve tranquille. Les analystes, qui suivent la valeur depuis parfois une décennie ou plus, devraient pourtant savoir que cette performance, à rendre jaloux de nombreux confrères du CAC 40, s'obtient au prix de réglages fins dans le temps des investissements. Mais, chaque année, en septembre et en février, le même phénomène se produit : ils exultent ou pestent à la publication des comptes semestriels puis annuels, envoyant l'action du numéro un mondial des cosmétiques au zénith ou au tapis. Et pour cause : l'évolution est erratique pour chaque période de six mois, ce qui n'empêche pas L'Oréal, avec sa rigueur de métronome, de délivrer sa traditionnelle progression de plus de 10% des profits sur l'année... Les chiffres parlent d'eux-mêmes : si les résultats du groupe de cosmétiques bondissent de 33% au premier semestre 2002, ils reculent de 6% au second, pour finir en hausse de 13% sur l'année. Inversement en 2004, ils ont à peine progressé de 1% au premier pour s'envoler de 23% au second trimestre et afficher une hausse de 10,3% sur l'année.Le PDG, Lindsay Owen-Jones, à la barre depuis vingt ans, a eu beau confirmer son sempiternel objectif annuel à deux chiffres et expliquer qu'un paquebot comme la maison de la rue Martre à Clichy ne se pilote pas sur un semestre, le marché n'a rien voulu entendre vendredi : le titre a écopé d'une chute de 3,7%. La longue vue n'a, depuis bien longtemps, plus droit de cité à la Bourse, qui fait figure de royaume des myopes. L'Oréal, le spécialiste des crèmes anti-rides, est à son tour victime de la dictature du temps imposée par les marchés. Même son excellent historique de profit ne lui vaut pas le bénéfice du doute.
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