Les clubs de foot seront à l'équilibre en 2006

La Tribune - Quelle est la santé des clubs à l'aube de la saison 2004-2005?Frédéric Thiriez - Le football français revient de très loin. La politique, que je mène depuis trois ans, est une politique de rigueur de gestion des clubs. On part d'un résultat net négatif de 151,2 millions au 30 juin 2003 pour l'ensemble des clubs de Ligue 1 qui est l'héritage d'un certain laxisme des années 2000. Le pli de la rigueur a été incontestablement pris. Il faut d'abord saluer les présidents du club et la DNCG (Direction nationale de contrôle de gestion) ensuite. Le redressement a été spectaculaire au 30 juin 2004, les pertes ont été réduites pour atteindre 35,9 millions d'euros. Au 30 juin 2005, j'espérais une amélioration encore pour se rapprocher de l'équilibre mais je ne suis pas sûr malheureusement que l'on y arrive.Pourquoi votre objectif de revenir à l'équilibre n'a pas été atteint?Les clubs ne sont pas revenus à l'équilibre, notamment en raison des difficultés du Paris Saint-Germain, dont les comptes ne s'améliorent mais pas suffisamment. Il faut savoir que le Paris Saint-Germain revient aussi de très, très loin. Pour les autres clubs, les progrès sont significatifs. La rigueur est un exercice difficile et les clubs n'ont pourtant pas fait de folie en 2004-2005. Loin de là. Donc, l'objectif de retour à l'équilibre est donc reporté au juin 2006. D'une façon générale, le football français doit être au niveau des premiers championnats européens (anglais, espagnol et italien) en 2008.Ce qui est surprenant c'est qu'en dépit des 80 millions d'euros supplémentaires de droit TV, les clubs ne sont pas parvenus à l'équilibre. Est-ce la masse salariale qui n'a pas été maîtrisée?Non, elle a été relativement bien maîtrisée. Plus d'argent ne veut pas dire moins de déficit dans le football français. C'est la grande difficulté du football et c'est contre cela que je me bats. Mais nous aurons les explications une fois que la DNCG, qui doit encore retraiter et homogénéiser les comptes, aura analysé toutes les dépenses des clubs. Nous devrions présenter les comptes du football en décembre.Est-ce que tous les clubs jouent le jeu de la transparence?Depuis deux ans, il y a 80 à 90% des clubs qui publient leur compte et j'espère que l'on arrivera à 100%. Mon objectif est d'arriver à une transparence totale des clubs. Car ils ne peuvent pas à la fois revendiquer le statut d'entreprises au sens plein du terme et ne pas appliquer les règles des entreprises modernes, en l'occurrence la transparence. Les clubs l'ont compris mais il faut continuer la rigueur. Le football a fait beaucoup de progrès en trois ans: la professionnalisation des clubs est réelle et il y a de plus en plus de présidents qui sont des chefs d'entreprise comme Jean-Michel Aulas (Lyon) ou Olivier Sadran (Toulouse). Nous ne sommes plus à l'époque des présidents mécènes, du foot de papa. L'objectif d'un chef d'entreprise est d'abord de ne pas perdre de l'argent puis peut être d'en gagner plus tard.Avez-vous des garanties sur la pérennité des investissements des actionnaires actuels dans le football?Mais c'est à nous de faire en sorte que ces investissements soient stables. Les investisseurs ne viendront que si les clubs sont sains et transparents et s'ils ont des comptes équilibrés. C'est pour cela c'est que je tiens tellement à ces deux règles: rigueur de gestion (équilibre des comptes) et transparence. C'est à cette condition-là que vous pouvez rassurer les investisseurs. Beaucoup d'investisseurs aimeraient venir dans le football, notamment le secteur bancaire et assurance. Mais ils sont encore réticents du fait de l'image qu'ils ont d'un secteur économique qui était perçu dans le passé comme manquant de rigueur. Là, nous avons encore un gros effort à effectuer pour démontrer que les clubs sont des entreprises bien gérées.Le football est-il trop dépendant du petit écran?Avec le dernier appel d'offres des droits télévisés, le football français a rattrapé son retard. Les clubs ont trois ans pour être moins dépendants de la télévision car nul ne sait ce qui se passera lors du prochain appel d'offres en juin 2008. D'ici là, ils doivent trouver un équilibre économique qui peut venir de la billetterie, du sponsoring, du merchandising et non pas des droits télé. Et moi j'ai trois ans pour que l'appel d'offres joue aussi à plein en 2008. Et j'ai déjà commencé! Avec les 600 millions de Canal Plus, les droits télé vont en moyenne contribuer à un peu plus de 50% de leurs chiffres d'affaires. Idéalement, il faudrait que le chiffre d'affaires des clubs provienne à 45% des droits télé et à 30% de la billetterie.Quel scénario envisagez-vous pour 2008?J'envisage tous les scénarios y compris le pire, comme celui où il n'y aurait qu'un seul candidat. Ce n'est pas le plus vraisemblable car au contraire, on assiste à une énorme diversification des opérateurs liée à l'émergence de nouvelles technologies, en particulier la norme DVB-H qui va permettre de retransmettre des matchs sur les téléphones mobiles. D'ici 3 ans, Canal Plus va se renforcer et TF1 ne sera pas affaibli, de nouveaux opérateurs vont continuer à apparaître à l'instar de France Télécom qui a fait un tour de piste lors du dernier appel d'offre.Comment améliorer la santé économique et financière des clubs?Après avoir rattrapé notre retard en matière de droits télé, il faut s'attaquer à la faiblesse des recettes de billetterie, sponsoring et merchandising, qui représente 50% du chiffre d'affaires des clubs. Là on est des nains par rapport à nos concurrents européens (anglais, espagnols et italiens). En Angleterre, la billetterie représente 30% du budget des clubs, contre 18% en France. C'est parce que les clubs britanniques ont de beaux et grands stades. En France, les mairies sont propriétaires des stades et le contribuable n'a pas vocation à payer la modernisation de structures utilisées par des sociétés privées. Il existe pourtant des formules juridiques où la mairie confie une délégation aux clubs, qui financent les investissements: le bail à longue durée administratif, la convention de délégation ou le partenariat public-privé. Cela existe déjà à Lens ou à Nantes ce qui leur permet d'avoir une visibilité sur le long terme (15, 20, 30 ans) et donc de financer sur ses fonds privés l'amélioration du stade (loges, boutiques, restaurants...). C'est vraiment l'avenir des clubs. C'est la clé du retard français. Je souhaite arriver au même niveau que le système anglais où les supporters peuvent passer la journée dans le stade avec leur famille. Cela, c'est vraiment l'avenir. Je vais vous donner un exemple, le plus extrême auquel le foot français n'arrivera pas: le club anglais d'Arsenal va autofinancer un nouveau stade d'un montant de 800 millions d'euros.Qui organise un concert dans un stade? Le club ou la mairie?C'est le club qui organise car il a une délégation complète. Ce sont des ressources supplémentaires pour le club, qui programme les événements. Et dans le même temps, il n'y a pas de subventions ou de prises en charge... Il faut avoir un langage honnête.Vous n'évoquez plus la perspective de l'entrée des clubs en Bourse. Ce dossier est-il abandonné?Pas du tout. Le gouvernement n'y est pas favorable mais notre philosophie reste la même: un club de football doit être considéré comme n'importe quelle société anonyme et doit pouvoir entrer en Bourse. Tout ce que nous demandons, c'est que la loi ne nous l'interdise pas a priori. Ensuite, il appartiendra à l'Autorité des marchés financiers de donner son avis sur chaque dossier. C'est une logique de non-discrimination. Nous avons par conséquent mis cette revendication entre parenthèses pour l'instant, mais sans y renoncer. Pour autant, en France, nous ne sommes pas mûrs sur le plan économique pour nous lancer.Cela dit, la cotation des clubs en Europe est loin d'être une réussite...C'est vrai que ce n'est pas toujours une réussite. Les clubs doivent faire en sorte que leurs comptes soient bons, présentables et transparents. Après, l'entrée en Bourse viendra d'elle-même. Pourquoi ne pas associer les supporters à l'actionnariat de leur club? Ils se sentiraient plus concernés et intégrés dans la marche du club. Je suis persuadé que des grands clubs français, comme Lyon ou Marseille, le feraient, si la loi le leur permettait. Il faut réfléchir à l'actionnariat populaire qui existe dans d'autres pays d'Europe. Cela ne signifie pas pour autant que tous les clubs vont se précipiter en Bourse. Peut-être même aucun ne souhaitera y aller...Pensez-vous obtenir la suppression de la taxe sur les spectacles?La suppression de la taxe sur les spectacles fait partie des réformes que je demande depuis trois ans et qui ont été retenues par le ministre des Sports Jean-François Lamour. Ce gouvernement a fait plus en trois ans que ce qui a été fait lors des vingt dernières années sur le plan économique pour le sport professionnel. C'est la principale réforme qu'il reste à faire. Les clubs de football sont aujourd'hui les seules entreprises de spectacle qui restent assujetties à cette taxe. Le football n'a jamais demandé des mesures dérogatoires. C'est pour cela que nous demandons d'être soumis au droit commun en passant à la TVA à 5,5%. Et le gain serait significatif pour les clubs.Pourquoi cela pose-t-il problème?C'est une perte de recettes pour les collectivités locales. Je comprends très bien l'opposition des maires. Il faudra que l'Etat compense. Sa suppression va encore prendre du temps car pour le moment je n'ai aucune assurance du gouvernement sur un quelconque calendrier. Cela pourrait être une proposition de loi qui pourrait être déposée par un parlementaire.Idéalement, quel est votre modèle pour le football français?C'est le modèle anglais parce qu'ils sont en avance sur tout le monde. Le chiffre d'affaires de la première ligue anglaise est plus deux fois le nôtre. Deux milliards d'euros par an contre près d'un milliard d'euros, avec les 600 millions d'euros de droit TV.Avec votre projet de DNCG au niveau européen, pensez-vous que vous pourriez encore grignoter une partie de votre retard sur le modèle anglais?Le document sort de l'imprimerie et je l'ai envoyé à plus de 1.000 exemplaires à toute la famille du football, française et internationale : l'association européenne des ligues, l'UEFA, la FIFA ainsi qu'aux parlementaires français et aux institutions européennes. Je vais prendre mon bâton de pèlerin et aller essayer de convaincre mes collègues européens que si nous ne faisons pas quelque chose, nous pouvons aller à la catastrophe sur le plan financier. Je vois ce qui se passe en Italie, je ne suis pas sûr qu'ils puissent faire leur championnat.Pour autant, il y a une prise de conscience en Italie avec des clubs rétrogradés?C'est pourquoi je suis plutôt confiant dans mes idées. Il y a une prise de conscience. En Allemagne, en Belgique et en France, cela fait dix ans que nous y croyons. Les Anglais, qui sont pourtant les tenants du libéralisme, se rendent compte aujourd'hui que quelque chose ne va pas dans la planète football. Quand Chelsea perd cette année 135 millions d'euros, que pensent Manchester et Arsenal, qui ont équilibré leur compte? La compétition est faussée. Pour rétablir l'équité, nous avons une proposition: plutôt que de prétendre contrôler 500 clubs en Europe et n'en contrôler aucun, nous commencerons par contrôler les 34 clubs de la Ligue des champions. Ce qui est le plus sensible et le plus emblématique. C'est là où cela se joue pour nous. Mettez-vous à la place d'Auxerre éliminé par Dortmund qui a 65 millions d'euros de pertes. Cela me semble inéquitable du point de vue d'Auxerre qui a des comptes équilibrés.En France, il existe une exception avec Monaco, qui ne se bat pas avec les mêmes armes que les autres clubs...Plutôt que de se focaliser sur Monaco, le problème qui se pose depuis 70 ans est qu'on a admis Monaco dans le championnat de France, lequel a aussi donné pas mal de satisfactions au football français. Heureusement qu'il y a eu Monaco pour apporter des points UEFA aux clubs français et qui a formé des joueurs extraordinaires et des entraîneurs exceptionnels. Il ne faut pas le renier. Il serait préférable de regarder ce qui se passe en Italie, en Espagne, en Angleterre. Là, c'est un combat qui doit rassembler tous les clubs français en coopération avec les clubs allemands.La saison dernière a été mouvementée avec plusieurs instructions en cours. Où en est-on, quel est votre commentaire sur ce point?Que la justice fasse son travail sur les affaires du passé. Qu'elle le fasse dans le football comme elle le fait dans les autres milieux économiques, sans haine et sans crainte. Tout ce que je veux, c'est que l'on ne nous traite pas différemment des autres. Il faut bien comprendre que le temps de la justice n'est pas le temps d'aujourd'hui. La justice travaille sur le passé, moi sur le présent et l'avenir. Il n'y a plus aujourd'hui d'affaire dans le football. Y a-t-il des arbitres corrompus comme en Allemagne? Des matches truqués? Des affaires de faux passeports? Des clubs comme Torino qui ont acheté des matches et qui sont rétrogradés de deux divisions d'un coup. Ce cas de figure n'existe pas en France. Les arbitres sont honnêtes, intègres et les présidents font leur travail. Je sais bien que je porte médiatiquement le poids des affaires du passé, et c'est mon rôle. Mais ce serait profondément injuste de dire aujourd'hui qu'il y a des affaires.
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