Capgemini, la marge au coeur des débats

"L'année 2005 s'annonce prometteuse". En présentant en février dernier les résultats 2004 de Capgemini, Paul Hermelin, le directeur général, s'est voulu rassurant. La précision n'était pas inutile car, entre les avertissements et les résultats décevants, la SSII n'a guère fait d'étincelles sur les trois dernières années. 2004 est à ce titre révélatrice. Pour la troisième fois d'affilée, Cap Gemini s'est retrouvé en déficit avec une perte nette de 359 millions d'euros. Quant au résultat d'exploitation, il a à peine émergé (58 millions d'euros), faisant même un passage dans le rouge au premier semestre.Un chiffre résume particulièrement bien la situation: la marge d'exploitation est tombée à 0,9%, là où des concurrents comme Atos ont culminé à 7,3%. Pire encore, cette marge a été divisée par 12 depuis 1999 (voir infographie). Certes, l'environnement économique a évolué en cinq ans. Mais cela suffit-il à expliquer le déclin? Non, répondent les analystes. "Ils ont pâti du rachat d'Ernst & Young en 2000. Il y a eu des erreurs stratégiques, notamment sur l'organisation matricielle complexe qui a été retenue, et une erreur de timing. Ce rachat a eu lieu au mauvais moment juste avant l'éclatement de la bulle", résume Antonin Baudry chez ETC Pollack Prebon. De surcroît, selon les experts, Capgemini paie encore aujourd'hui le prix de cette erreur. "Récemment, l'écart de marge s'est creusé entre Capgemini et ses concurrents. Le foyer de préoccupation reste la filiale nord-américaine, qui a perdu des parts de marché", ajoute Lionel Pellicer chez Fideuram-Wargny.Objectif de 3% en 2005Toute la question est donc désormais de savoir si ces difficultés vont perdurer. Le second semestre 2004 a montré à cet égard des signes positifs, avec une marge de 2,35%, même si Goldman Sachs remarque dans une note que "l'activité [aux Etats-Unis] est toujours fragile, avec une faible visibilité sur les revenus et des risques sur la mise en place du plan de restructuration". Et puis il y a les promesses du groupe, qui parie sur une marge de 3% pour 2005. Mais, alors que certains n'ont pas hésité par le passé à parler de "rupture de confiance", les analystes sont-ils prêts à croire le groupe sur parole? "Le problème c'est que cela fait quatre ans que Capgemini donne de bonnes indications pour l'année suivante, sans que cela se concrétise", rétorquait Lionel Pellicer en novembre dernier. Aujourd'hui, les données ont un peu changé. Si la prudence reste de mise, les observateurs concèdent que des signaux intéressants ont été envoyés par le groupe. "La compagnie a nommé Pierre Danon sur l'Amérique du Nord, ce qui est vu comme un élément positif", souligne Goldman Sachs. Idem pour la nomination de Nicolas Dufour (ancien de France Télécom et Wanadoo) à la tête de la direction financière. "Les deux hommes ont une bonne notoriété en matière de restructuration", souligne Antonin Baudry. Quant au départ surprise de George Cohen (fondateur de Transiciel, racheté en 2003 par Capgemini), l'analyste poursuit en expliquant que "le divorce était préférable", compte tenu des conflits qui existaient en interne.Bref, entre l'espoir né de ces remaniements et l'environnement redevenu plus favorable, "les 3% de marge opérationnelle sont atteignables en 2005", estime Lionel Pellicer. Pour autant, on est encore loin de l'enthousiasme démesuré. "L'amélioration ne serait alors que d'un point environ par rapport au second semestre 2004. Dans un contexte porteur, ce n'est pas très ambitieux", ajoute Lionel Pellicer. Pour certains, la barre est même peut-être un peu trop haute. "Nous continuons à croire que le retour vers le niveau de marge de 3,1% espéré par le consensus n'est pas probable sans la cession de quelques divisions déficitaires", martèle Goldman Sachs qui ne voit pas le groupe dépasser 2,9% de marge cette annéeDu retard à rattraperOn l'aura donc compris, pour réellement convaincre, Capgemini devra faire bien mieux. Autrement dit, c'est sur sa capacité ultérieure à rattraper ses concurrents que le groupe est attendu. Un sujet qui fait débat. Pour Antonin Baudry, "dans un environnement égal à ce qu'il est actuellement, Capgemini pourra regagner du terrain sur les marges". Un avis partagé par divers analystes. Goldman Sachs attend une marge de 4% en 2006 et, selon les données recueillies par Bloomberg auprès de plusieurs bureaux, la marge pourrait même grimper à 5,75% l'an prochain. Cependant, la concurrence ayant pris une sérieuse avance, Capgemini est loin de faire l'unanimité. "J'ai des doutes sur les Etats-Unis et sur la capacité du groupe à revenir à terme vers 7 à 8% de marge comme les meilleurs", lance Lionel Pellicer en faisant implicitement référence à Atos dont l'objectif est de 7,5 à 8% de marge... dès 2005.La Bourse ne paraît en tout cas pas se soucier de ce retard. L'action a gagné 45% depuis octobre. Du coup, que l'on rapporte le cours au bénéfice net ou à l'opérationnel, Capgemini vaut plus cher que son comparable Atos. Le titre est aussi mieux valorisé que le secteur si l'on rapporte la valeur d'entreprise (capitalisation et dette) à l'opérationnel, avec un ratio de 9 contre 7,5. Lionel Pellicer y voit une aberration: "Je crois que le marché repart sur un scénario d'avant bulle consistant à jouer les valeurs de croissance. Mais on paie d'ores et déjà chez Capgemini un retour à des marges élevées qui n'est pas acquis. Il y a un risque". Le risque, Antonin Baudry le voit plutôt du côté d'Atos, qui "aura du mal à faire mieux". Pour lui, le potentiel se situe bel et bien chez Capgemini. Ces deux avis sont en tout cas révélateurs des divergences de la communauté financière, tant il est difficile de dégager une véritable tendance. Sur les 24 opinions recueillies par Bloomberg, 10 sont positives, 7 sont neutres et 7 sont négatives. Capgemini est surtout un sujet qui divise, preuve que le groupe aborde une étape clé de son redressement.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.