Un bluffeur de génie

"Le faussaire", de Lasse Hallström, retrace avec beaucoup de verve l'histoire vraie de l'écrivain à la manque Clifford Irving qui fit croire qu'il avait obtenu les confessions du multimilliardaire Howard Hughes. Un rôle en or pour Richard Gere.

Double bonne surprise que ce "Faussaire". Du côté du réalisateur d'abord, Lasse Hallström, cinéaste d'origine suédoise passé à Hollywood, qui sort grâce à lui du registre passablement sirupeux auquel il nous a habitués ("Le Chocolat", "Terre Neuve"...). Du côté de l'acteur Richard Gere ensuite, qui laisse tomber sa casquette de séducteur de plus en plus sur le retour pour endosser celle d'un faussaire de génie. Il est vrai que l'un et l'autre disposent d'une matière première en or puisqu'ils racontent une histoire extraordinaire et pourtant très vraie. Mais ils le font de façon aussi plaisante que convaincante, dans une ambiance très années 1970 soigneusement reconstituée jusque dans les cols pelles à tarte des chemises.

L'histoire en question est celle Clifford Irving, un écrivain en mal de renommée qui, en 1971, devint l'homme le plus célèbre des Etats-Unis et provoqua un énorme scandale grâce à un canular médiatique ("The Hoax", titre original du film, signifie "canular"). Inspiré de l'autobiographie écrite par Clifford Irving lui-même - mais sans que l'intéressé lui apporte sa caution - le film raconte comment cet écrivaillon obscur fit croire qu'il avait obtenu les confidences du multimilliardaire Howard Hughes, l'homme le plus riche et le plus influent de la planète, pionner de l'aviation, qui vivait désormais reclus, en proie à ses phobies après une vie de folies (fabuleux destin récemment retracé par Martin Scorsese dans "Aviator" avec Leonardo di Caprio).

Faire enfin parler le magnat qui refusait tout contact avec l'extérieur et toute interview depuis dix ans était suffisant pour s'attirer les bonnes grâces des plus gros éditeurs américains, nullement échaudés par le sujet du seul ouvrage jamais écrit par Clifford Irving, "Fake!" (en français "Escroc") consacré au travail de faussaire de l'artiste Elmyr de Hory. Clifford Irving (joué jusqu'à s'y méprendre par Richard Gere métamorphosé, cheveux teints, prothèse sur le nez) réussit à convaincre la directrice de la plus grosse maison d'édition américaine McGraw-Hill, pourtant une punaise notoire, qu'elle détient à travers lui l'affaire de sa vie.

Du coup, l'éditeur fait monter les enchères jusqu'à un million de dollars pour acquérir les droits de publication de ces mémoires, somme colossale pour l'époque. Et voilà notre "héros" contraint de s'exécuter et, pris à son propre piège, d'inventer ces confessions non pas de toutes pièces mais en épluchant toute la documentation qui lui tombe sous la main.

Enferré dans son mensonge et non dénué de talent, Irving ne recule devant rien pour accréditer son livre jusqu'à se convaincre lui-même, entraîné dans une spirale qui confine à la folie. Au grand dam de son entourage (le débonnaire Alfred Molina, la pétulante Julie Delpy...) qui bon gré mal est emporté dans son sillage. Irving réussit d'autant plus son coup de bluff que l'escroquerie est énorme, remontant jusqu'au sommet de l'Etat, impliquant et déstabilisant encore un peu plus le président Nixon, alors en proie au scandale du Watergate.

Jusqu'au jour où Howard Hugues sort enfin de son mutisme pour démasquer l'imposteur. Clifford Irving aura au moins réussi à le faire parler!

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