Les images de David Lynch, artiste-cinéaste

Pour la première rétrospective de son oeuvre graphique, le cinéaste américain David Lynch investit la Fondation Cartier avec ses tableaux, aquarelles, dessins, photos, mis en scène par lui-même.

Avant de faire des films, David Lynch, né en 1946 dans le Montana, avait fait les beaux-arts à Philadelphie. Il raconte volontiers cette anecdote qui a fondé sa vocation pour les images en mouvement du cinéma: un jour où il est seul dans son atelier, il voit une brise légère faire voleter doucement les objets collés sur la toile à laquelle il travaille. Il se lance alors dans un premier court métrage expérimental qui est montré à la Fondation Cartier, dans un petit théâtre inspiré de son premier long métrage devenu culte "Eraserhead" 1977.

Connu jusqu'à présent pour son oeuvre cinématographique immense, jalonnée par des succès comme "Elephant man" (1980) "Sailor et Lula" (1990), "Mulholland drive" (2001), Lynch, qui se réclame du peintre Francis Bacon, n'a cessé de créer depuis les années 60 une somme considérable d'images fixes de toute nature, tableaux, dessins, aquarelles, photographies, croquis...

Intitulée "The air is on fire", l'exposition est la première rétrospective jamais organisée sur son oeuvre, véritable événement qui honore la Fondation Cartier et son directeur Hervé Chandès qui en a eu l'initiative. Les deux étages de la Fondation sont investis par l'univers singulier de l'artiste-cinéaste qui sollicite l'intervention du spectateur. L'absence totale de cartels et de pédagogie laisse le champ libre au visiteur qui est invité à se perdre dans ce labyrinthe d'images.

En fait plus qu'une simple exposition, c'est d'une oeuvre totale qu'il s'agit, Lynch ayant lui-même conçu la scénographie et la bande-son, le tout créant une impression d'étrangeté chère au cinéaste. Comme support de ses peintures, il a conçu des portiques d'acier habillés de rideaux créant une atmosphère de décors de cinéma. Exactement comme dans son dernier film "Inland Empire", où l'on ne sait jamais si l'on est à l'intérieur ou à l'extérieur du film qui est en train d'être tourné.

D'ailleurs, par l'épaisseur de la matière picturale amalgamée à leur surface, ces toiles tendent vers la troisième dimension et les sujets semblent vouloir s'échapper du cadre, comme un début de récit qu'il revient au spectateur de compléter. Quel que soit le medium utilisé, chaque image fait l'effet d'une porte ouverte vers une narration à inventer. Lynch propose lui-même un décor possible à l'un ou l'autre de ces récits potentiels: un salon en trois dimensions qu'il a conçu à partir d'un de ses petits croquis avec une moquette, des décorations murales, des fauteuils peints par lui-même.

Ses innombrables photographies, le plus souvent en noir et blanc, prennent sur le vif des ambiances, des atmosphères toujours troublantes. A moins qu'elles ne s'intéressent aux formes géométriques de l'architecture urbaine qui en sont l'antidote. Dans le registre fantastique, la série des "Distorded Nudes" fascine, images numériques réalisées en 2004 à partir de photographies érotiques des années 1840 à 1940. Lynch en tire des formes qui n'ont que de lointain rapport avec l'humain et prennent des allures irréelles, surréalistes dans le vrai sens du terme.


Fondation Cartier jusqu'au 27 mai, tél. 01 42 18 56 50, fondation.cartier.com

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