Le charme tragique de la bourgeoisie

Fille d'un général renommé, Hedda Gabler veut garder son rang dans la société. Jusqu'au sacrifice quand le destin tourne mal. La pièce d'Ibsen, présentée actuellement à Sceaux, est mise en scène de façon radicale par Thomas Ostermeier. Le jeu remarquable des acteurs ajoute au succès exceptionnel du spectacle.

Dès le début de la pièce, elle est déjà Madame Hedda Tesman, femme de Jorgen Tesman, un enseignant en bonne voie d'avoir un poste de professeur à l'Université. Et pourtant le titre de l'oeuvre du Norvégien Henrik Ibsen est bien "Hedda Gabler", digne fille du renommé général Gabler - elle sait très bien manier les armes. Ce choix de l'auteur, il y a un peu plus d'un siècle, en dit long sur la personnalité prêtée à son héroïne. Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier a pris frontalement cette situation d'une contemporanéité évidente.

Créé à Berlin à la Schaubühne, son spectacle, qu'il faut aller voir au théâtre les Gémeaux à Sceaux (92), est d'une radicalité exemplaire. Complètement inscrit dans notre troisième millénaire commençant. La scénographie privilégie le mouvement, le regard dedans/dehors de cette villa où trône un immense canapé. Le blanc domine. Les fleurs en vase abondent. Un immense miroir surplombe la scène et piège les jeux des uns et des autres. Une réussite rare.

Hedda Gabler, donc, compte bien garder son rang. Femme de professeur d'Université lui irait si bien. Son Tesman de mari y croit ferme. Il s'est même endetté pour lui offrir cette villa digne de ses ambitions. Seulement, sur son chemin il y a Eilert Lovborg qui a rompu avec sa vie de patachon, époque où il avait rencontré Hedda mais sans succès faute d'avenir bien tracé. Lovborg est devenu un homme brillant. Il va publier un ouvrage scientifique révolutionnaire qui devrait lui faire obtenir la place de professeur... convoitée par Tesman.

On fait des barbecues chez Hedda et son mari. Mais les hommes peuvent aussi aller jouer, la nuit, et boire et perdre un peu la tête jusqu'à égarer des documents. Ce qui arrive à Lovborg. Il en perdra la vie. Mais l'objet précieux, contenu ici dans la mémoire d'un ordinateur, ne sera pas perdu pour tout le monde... Un certain temps.

Les interprètes des six personnages de ce drame sont exemplaires. Mais que dire de Katharina Schüttler (Hedda), petit bout de femme qui montre une présence exceptionnelle? Elle surprend à chaque instant. Quand elle flingue des vases remplis de fleurs au début de la pièce. Quand elle casse l'ordinateur par qui le malheur pouvait arriver, jusqu'à le jeter dans le feu du barbecue. Elle ira jusqu'au bout de sa logique. Coup de feu sans retour. Un jeu à couper le souffle.


"Hedda Gabler" jusqu'au 11 février aux Gémeaux (92330 Sceaux). Tél: 01 46 61 36 67.

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