Elizabeth II et Camera Press, 60 ans de "gentleman agreement"

Elizabeth II, née en 1926, est la seule personnalité au monde qui ait été photographiée pendant plus de 80 ans par les plus grands photographes pour des portraits officiels, retraçant à eux seuls la moitié de l'histoire de la photographie.

Ces portraits reflètent toute l'évolution de la photographie, du pictorialisme, qui utilisait en studio les codes académiques, jusqu'à la démarche la plus contemporaine avec, par exemple, une utilisation radicale du flash.

Entre ces deux extrêmes, les portraits de la reine dévoilent un éventail des pratiques photographiques: de la photographie peinte jusqu'à l'arrivée de la couleur, qui sera pendant longtemps doublée en noir et blanc. Le style se libère et l'on peut lire les influences du cinéma Hollywoodien dans les années 50, de la liberté accordée par les Kennedy et le faux reportage intime, puis de la photo de mode dans les années 60/70, de la photographie contemporaine à l'occasion du jubilé en 2002, lorsque dix photographes sont invités à Buckingham Palace.

Il est paradoxal de s'apercevoir que la reine, dont on dit souvent qu'elle communique mal, a finalement une histoire de mise en scène photographique assez riche. Il n'y a pas de périodicité pour la réalisation de ces images, mais plutôt des occasions officielles, mariages, naissances, voyages dans un pays du Commonwealth, anniversaires, ou bien de purs motifs de communication. Pendant la guerre 1939-45 par exemple, il fallait montrer le flegme royal en prenant le thé à l'extérieur alors que les bombes pleuvaient sur Londres, et plus tard l'enrôlement de la future Reine dans l'armée.

Les photographes convoqués font partie des plus grands noms du portrait, Tony Armstrong Jones, qui deviendra Lord Snowdon en épousant la princesse Margaret, soeur de la reine, Cecil Beaton, Youssuf Karsh, Baron, Lord Patrick Lichfield, Dorothy Wilding, et aussi la star de la pop music Bryan Adams, ou le fils de la reine le prince Andrew.

La sélection présentée à Arles ne concerne que les portraits de Sa Majesté, rarement en groupe, il existe évidemment bien d'autres photos officielles avec d'autres membres de la famille et une multitude de photographies de reportage. Il nous a semblé intéressant de resserrer le choix à des photographies sur rendez-vous, réalisées pour la plupart à Buckingham Palace. Les photographes préparent leur mise en scène à l'avance, la reine apparaissant quelques minutes pour la prise de vue. Les clichés sont alors confiés au service de presse de la reine qui décide lesquelles pourront être diffusées. L'idée même de cette exposition a été soumise et a reçu l'aval de Buckingham, qui a accepté de diffuser une des images du jubilé où la reine est assise à côté d'une collection de bottes de chasse, photo non diffusée en 2002.

Depuis sa fondation par Tom Blau, un photographe hongrois, il y a soixante ans, l'agence londonienne Camera Press entretient une relation privilégiée avec le Palais de Buckingham pour diffuser ces images aux journaux et magazines du monde entier.

Pour l'exposition célébrant les 60 ans de Camera Press, il a été choisi de présenter des tirages noir et blanc issus des tiroirs de l'agence tel qu'ils étaient proposés à la presse avant la numérisation des archives. La couleur qui était alors diffusée sous forme de diapositive a fait l'objet de tirages numériques récents.

Deux personnages délicieux se sont succédé à l'agence pour maintenir le lien avec le Palais : Donald Chapman et Roger Eldridge. Ils sont tout ce que les Français imaginent du gentleman anglais que l'on aime imaginer tondre une pelouse impeccable. Leur délicatesse est extrême, leur sourire sans cesse accroché aux lèvres, et leur humour vous fait fondre. Donald indique son âge en disant qu'il a deux ans de plus que Sa Majesté la reine, soit 83 ans, il entretient sa forme en buvant du gin au déjeuner. Roger feint de se demander pourquoi la reine l'a nommé lieutenant de son Ordre (Royal Victorian Order). Ils sont les garants auprès de Buckingham d'une diffusion "appropriée" de ces portraits officiels. Ils suggèrent des occasions, organisent les rendez-vous avec les photographes, mais n'assistent pas aux prises de vues. Tom Blau, Donald Chapman et Roger Eldridge sont les orfèvres du "gentleman agreement" (accord amiable).

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.