Les syndicats de Renault profondément divisés sur les actions à mener après les suicides

La demande de la CGT d'une "expertise indépendante" pour établir les causes "du mal vivre au technocentre" du constructeur à Guyancourt est rejetée par la CGC, FO et la CFTC. Pour autant, ces organisations syndicales estiment qu'"il y a urgence à agir tout de suite" après le suicide de trois salariés en quatre mois.

La succession de suicides au technocentre de Renault à Guyancourt (Yvelines) n'est pas propre à créer l'unité syndicale, loin s'en faut. La CGC, FO et la CFTC ont exposé hier à la presse leur analyse de la situation qui a conduit trois salariés du centre de conception des nouveaux modèles du constructeur à se donner la mort au cours des quatre dernier mois, ainsi que les actions à mener pour prévenir d'autres actes similaires. Ces organisations syndicales ont également exprimé leur ferme hostilité à la demande d'une "expertise indépendante" formulée la semaine dernière par la CGT. Pour autant, elles semblent acquises à l'idée de se doter des services d'un cabinet agréé par les pouvoirs publics pour enrayer le malaise actuel. "Les conditions de travail sont telles que cela peut craquer à tout moment", insiste Gabriel Artéro, président de la fédération CGC de la métallurgie.

La CGC, FO et la CFTC ont identifié trois principales "causes" directement liées aux conditions de travail pour les trois suicides de cadres et techniciens intervenus depuis octobre 2006 - sachant que depuis 2004, un autre salarié de Renault Guyancourt s'est donné la mort tandis qu'un cinquième a fait une tentative et est aujourd'hui paralysé. D'abord, "la charge de travail a augmenté" depuis la mise en place du "Contrat 2009" il y a un an, les salariés du technocentre devant désormais élaborer six nouveaux modèles par an, contre quatre auparavant, sans effectifs supplémentaires. Ensuite, une "mauvaise communication" au sein de l'entreprise a conduit à un "climat détestable". En particulier, la mise en place de nouveaux entretiens annuels dans lesquels sont abordés les objectifs à atteindre mais pas les moyens pour y parvenir est une source de stress pour les salariés. Sont également pointés du doigt par les trois syndicats les "effets pervers de la mondialisation et du tout informatique", à savoir la multiplication des compétences requises et l'isolement des salariés, "dont le seul interlocuteur est le poste informatique", souligne Gérard Blondel, délégué syndical central CGC chez Renault.

Reçues la semaine dernière par la direction de l'établissement, ces organisations syndicales ont demandé - et obtenu - la suspension des bureaux partagés, projet mis en place par l'entreprise pour économiser des frais immobilier, le démarrage d'une formation au stress pour les membres de l'encadrement et la " ré-humanisation des relations de travail" en laissant aux managers de base le temps de dialoguer avec leurs équipes au cours de réunions. "Il y a urgence à agir tout de suite", estime Marcel Sarpeaux, secrétaire du comité d'établissement de Guyancourt. Pour lui, l'Observatoire du stress mis en place par Renault en 1999 "doit être dépoussiéré et complété". Cet outil, qui a été élaboré avec l'aide de l'Institut français d'action sur le stress (IFAS), un organisme qui conseille nombre de grandes entreprises mais ne dispose pas d'un agrément des pouvoirs publics, "ne marche pas", résume Gabriel Artéro.

Or, malgré les carences du dispositif de mesure des risques d'altération de la santé mentale des salariés en place dans l'entreprise, la CGC, FO et la CFCT n'approuvent pas la demande formulée la semaine dernière par la CGT d'une "expertise indépendante" qui serait désignée dans le cadre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHS-CT) pour établir les causes "du mal vivre au technocentre". Une telle expertise est pourtant prévue par le code du travail, notamment en cas de risques graves pour la santé des salariés. "L'écueil serait de chercher des coupables et nous ne voulons pas être liés par le délai légal de 40 jours d'une telle expertise, argumente Marcel Sarpaux. Nous souhaitons nous inscrire dans la durée". Une position paradoxale puisque la CGC, FO et la CFTC souhaitent agir vite. En fait, la CGC redoute que le rôle de l'encadrement soit mis en évidence dans la pression qui pèse aujourd'hui sur les salariés du technocentre.

De son côté, la direction de l'entreprise ne reconnaît pas encore l'existence d'un lien de cause à effet entre les suicides et les conditions de travail. Certes, lors d'un conseil d'administration mercredi, le PDG de Renault, Carlos Ghosn, a lui-même "fait état de sa préoccupation" et souligné son "implication personnelle" pour faire ce qui est dans son pouvoir. Pour autant, "il faut se garder de conclusions trop hâtives qui remettraient en cause la politique de ressources humaines de Renault sur le technocentre", affirme une porte-parole de la direction. Entre une remise en cause d'un mode de gestion du personnel et des évolutions à la marge, il semble que la direction de Renault n'ait pas encore choisi. Une enquête pénale est en cours pour rechercher d'éventuelles infractions, comme le harcèlement moral, qui pourraient avoir un lien avec la mort du dernier salarié de Guyancourt qui s'est suicidé. Celui-ci a laissé une lettre dans laquelle il évoque ses difficultés au travail. Par ailleurs, son épouse à raconté dans Le Parisien la surcharge de travail de son mari, qui travaillait chez lui le week-end et parfois la nuit.

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