Amour à mort

Une nouvelle traduction de la "Phèdre" de Sénèque est jouée au Théâtre des Amandiers à Nanterre. Plus torturée que jamais, l'héroïne se laisse consumer par une histoire d'amour impossible.

"Jamais une fille de Minos ne connaîtra des amours sans drame. Elle ne célèbrera jamais que des noces interdites", soupire Phèdre la maudite. Accablée par un amour plein de douleur pour le fils de son mari, Hyppolite, elle se laisse mourir. Une souffrance du coeur et du corps qui s'exprime jusque dans sa manière de se mouvoir.

La comédienne Marie Desgranges (dans le rôle titre) est souvent penchée, les yeux rivés vers le sol. Phèdre est dès le début de la pièce au bord du précipice, déjà prise au piège. "Le seul roi c'est l'amour et il règne sur moi", avoue t-elle dans un cri. La reine se perd dans les dédales d'un palais sans mur, fait de colonnes d'ogives incomplètes, avec au centre un immense portrait de famille. Visages calmes et sourires avant la tempête. Puis fissure, et masques de l'horreur. Celle d'un crime amené par le geste incestueux de Phèdre. Une entrée trop brutale dans l'âge adulte pour Hyppolite qui aspire à une vie de chasseur, loin de la cour. La faute commise, il faut la réparer, quitte à mentir. Quitte à mourir.

Le choeur transformé en un groupe pop-rock porte une mise en scène audacieuse et dynamique. La chanteuse déverse un flot de paroles moralisatrices, tandis que des pots de liquide et de poudre blancs sont balancés sur le sol. Il faut saluer l'interprétation du jeune comédien Thomas Blanchard. Il campe à la fois Hippolyte, adolescent nonchalant et solitaire en pantalon jean et baskets, et Thésée dont le seul nom fait trembler toute l'Attique. Lunettes noires, manteau de fourrure, il fait une entrée très remarquée sur la musique de Barry White.

La dynamique de la pièce est basée sur ces jeux de transgression dans les lumières claires et sombres, les silences et les cris, les décors et les costumes. Des effets et des clins d'oeil un peu trop attendus ou d'une originalité conventionnelle. Les spectateurs sont à l'affût du prochain coup d'éclat scénique puis se détachent graduellement des mots du texte et des maux des personnages, ce qui est bien dommage.

Jusqu'au 17 avril au Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo-Picasso (92022 Nanterre). Réservations: 01 46 70 00.

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