Les banques d'affaires, un "cartel" qui prospère

Après les salaires, les honoraires des banquiers d'affaires, toujours croissants, sont sur la sellette

(Ceci est la reproduction de la "Chronique de la City", publiée chaque samedi dans la Tribune numérique)

Pour un banquier d'affaires spécialisé dans les augmentations de capital ou les fusions et acquisitions, ces derniers mois ont été rêvés. Il n'y pratiquement qu'à se baisser pour ramasser des honoraires toujours plus élevés. L'augmentation de capital de Prudential s'accompagne de presque un milliard de dollars d'honoraires. Celles de HSBC et de Lloyds Banking Group ont également été juteuses...

Des honoraires en forte hausse

Les banques d'affaires se frottent les mains à double titre. D'une part, les volumes en jeu sont anormalement gigantesques, et elles en profitent mécaniquement. D'autre part (et c'est là que se situe l'anomalie), elles ont réussi à augmenter fortement leurs honoraires.

Alors que, pour la garantir, elles empochaient environ 2% du montant d'une émission d'actions avant la crise, le pourcentage s'élève plutôt autour de 5% actuellement.

Elles peuvent se le permettre. Dans le cas de HSBC ou Lloyds Banking Group, leurs augmentations de capital étaient urgentes. Les deux établissements n'étaient pas en position pour négocier.

De plus, avec les disparitions de Lehman Brothers et Bear Sterns, le nombre de banques d'affaires s'est réduit et la concurrence en est d'autant plus limitée. « Les banques d'affaires peuvent se permettre d'augmenter leurs honoraires parce qu'elles représentent de plus en plus un cartel », dénonce le directeur d'une petite banque d'affaires privée de Londres.

La colère monte

A trop s'engraisser, les mastodontes de Wall Street et de la City attirent la colère. De manière plus subtile que l'attaque contre les salaires, Downing Street s'attaque désormais aux honoraires des banques. Lord Paul Myners, le secrétaire d'Etat à la City, a lancé la charge depuis quelques mois.

Dans un récent discours à l'institut John Smith, il expliquait à nouveau son étonnement : « depuis un an, le risque pris par les garants des augmentations de capital a été diminué par deux, parce que les émissions sont faites à des prix très bas, et elles sont pré-vendues. Et pourtant, les honoraires des banques d'affaires a doublé. » Il ajoute que la volatilité des marchés, qui a fait augmenter les risques que les banques prennent en garantissant une émission d'actions, n'est pas une explication suffisante.

Trop c'est trop

Les grands actionnaires commencent aussi à se faire entendre. L'Association of British Insurers (ABI), dont les membres possèdent presque le quart des actions à la Bourse de Londres, pensent que trop, c'est trop. « Les honoraires des conseillers peuvent être énormes, écrit Peter Montagnon, son directeur des investissements, dans une récente lettre à Peter Mandelson. Il faut plus de transparence. »

La pression politico-financière est telle que l'Office of Fair Trading, l'autorité de concurrence britannique, envisage de s'emparer du sujet. Philip Collins, son président, a affirmé lors d'une récente conférence qu'il pensait « regarder » le sujet dans les mois à venir.

Une sanction est loin d'être certaine, d'autant qu'il sera difficile de prouver qu'un « cartel » est effectivement en place. Le sujet étant technique, il ne fait pas débat dans cette campagne électorale, et les conservateurs n'ont pas exprimé de point de vue.

Mais encore une fois, les banquiers d'affaires semblent jouer avec le feu. L'appât du gain facile pourrait provoquer une contre-offensive réglementaire, qu'ils pourraient regretter à terme.

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