La rage du pouvoir du New Labour

En démissionnant, Gordon Brown espère sauver le parti travailliste. Mais la manoeuvre souligne surtout à quel point le "New Labour" est avant tout une machine de pouvoir.

Certains y verront la main de Peter Mandelson, le "prince des ténèbres". D'autres celle d'Alastair Campbell, l'ancien "spin docteur" (directeur de la communication) de Tony Blair. Seule certitude: les deux hommes étaient aux côtés de Gordon Brown dimanche pour une réunion de crise. C'est sans doute à ce moment qu'ils ont décidé que l'actuel premier ministre britannique se ferait hari-kiri, au nom de "l'intérêt général" (comprenez, de leur point de vue, l'intérêt du parti travailliste).

Impossible de savoir exactement ce qu'il s'est manigancé. Mais l'offre des travaillistes est d'un cynisme incroyable. Elle vient rappeler à quel point Peter Mandelson, Gordon Brown et Tony Blair ont créé dans les années 1990 le "New Labour" avec un objectif fixe: obtenir le pouvoir. Rien, ni personne, n'avait le droit de les arrêter (de leur point de vue). Et ça n'a pas changé.

Voilà les faits. Gordon Brown va démissionner de la direction du parti travailliste. Un nouveau leader sera élu... d'ici septembre (l'élection d'un leader du Labour nécessite le vote des militants, entre autres). L'espoir est que les libéraux-démocrates acceptent une coalition avec les travaillistes, maintenant que le très impopulaire Gordon Brown est parti. Ensuite, ils accepteraient le nouveau leader des travaillistes quand celui-ci sera connu.

Le calcul est pour le moins bancal, pour trois raisons majeures.

Premièrement, les deux partis (Labour et Lib-dems) n'ont pas la majorité absolue à eux deux (il leur manque encore 10 sièges). Il leur faut ajouter les voix des républicains nord-irlandais, ou peut-être des indépendantistes écossais et gallois pour y arriver.

Deuxièmement, les travaillistes ont perdu ces élections. Ils ont perdu 91 sièges, et réalisé 29% des voix, quand les conservateurs ont gagné 97 sièges et réalisé 36% des voix. Ces derniers n'ont certes pas une majorité absolue, mais ils dominent. Quelques travaillistes le disaient publiquement ce lundi. John Reid, ancien député travailliste et ancien ministre de la défense, fait partie de ceux-là, estimant qu'il serait désastreux d'essayer de s'accrocher au pouvoir coûte que coûte. Les travaillistes d'Ecosse sont aussi très mal à l'aise à l'idée de partager une coalition avec les indépendantistes écossais, qu'ils combattent politiquement tous les jours.

Troisièmement, l'arrangement imaginé par les travaillises est constitutionnellement aventureux. Comment changer de premier ministre en cours de gouvernement? La reine d'Angleterre, qui formellement nomme les gouvernements, pourrait ne guère apprécier. Et les libéraux-démocrates ne peuvent guère négocier un accord tant qu'ils ne savent pas avec qui ils partageraient un gouvernement.

Dans ces conditions, il faut vraiment être avide de pouvoir pour oser proposer un tel arrangement. Le célèbre fair-play britannique n'a visiblement pas atteint les rangs du New Labour.

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