Paris 1900, souvenir d'une France riche

L'exposition Paris 1900 témoigne de la richesse et de la diversité d'une France plongée dans la première mondialisation. par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

L'exposition « Paris 1900 /La ville spectacle » plaira à un large public, français et étranger. Le Petit Palais, construit pour l'exposition universelle de 1900, qui hébergea une rétrospective de la peinture, est un cadre idéal, avec ses grilles Art Nouveau et ses moulures style nouille. Le visiteur déambule dans différentes salles, séparées par des couloirs étroits, où sont projetées les images de la ville fournies par le tout nouveau cinématographe et consacrera un temps plus ou moins long, selon ses préférences, à un des six spectacles de Paris : la vitrine du monde (l'exposition universelle), l'Art nouveau, les autres Arts, la Parisienne mythique (le chic) la nuit, les théâtres, les music halls et concerts.

Trois réflexions progressivement s'imposent.

Une France riche, qui construit une ville dans la ville

Quelle richesse ! La France est capable de construire une ville dans la ville constituée de palais, de monuments et d'équipements nouveaux, allant du Trocadéro à la Concorde sur la rive droite et de la Tour Effel à la Chambre des Députés sur la rive gauche. Elle ouvre des gares en pleine ville, gare d'Orsay et des Invalides pour faciliter l'accès à l'expo.
Il nous en reste le Grand Palais (où triomphent le fer et le verre) le Petit Palais (de facture plus classique) et le Pont Alexandre III construit par mon oncle, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Jean Résal ; un document exprimant la reconnaissance du tsar Nicolas II, de la tsarine et du président Loubet est exposé. Nos livres d'histoire ne nous ont pas enseigné que cette manifestation ait mis en cause la solidité du Franc Germinal ou engendré de l'inflation. Juste un déficit de deux millions de francs. Rien à voir avec les cinq milliards de francs-or payés à l'Allemagne après la guerre de 1870.
Dans les années 2000, ce sont la Chine et des pays en développement, notamment les puissances pétrolières, qui peuvent se payer de telles manifestations en cachant leurs pauvres, comme nous le faisions en 1900, au moins partiellement (les ouvriers et la pauvreté ne sont pas totalement absentes de l'exposition) Si nous ne savons plus faire l'histoire, nous avons au moins l'art de la raconter.

Diversité et foisonnement

Quelle diversité ! Quel foisonnement! La modernité et les techniques les plus récentes sont là. L'usage de l'électricité se répand. Le nantais Maufra montre une « féerie nocturne » électrique sur la Seine. La ligne numéro un de métro vient d'être inaugurée avec les bouches de métro de Henri Guimard aux volutes et motifs floraux (la plupart ont été enlevées et détruites ultérieurement), un trottoir roulant à deux vitesses va de la Concorde à l'Alma. Le pavillon de l'Optique, proche de la Tour Effel a un grand succès. Celui de Schneider, un dôme métallique de 42 mètres de diamètre couronné d'une tourelle impressionne fortement les parisiens.
Un monument de Dalou rend hommage à l'automobiliste Emile Levassor.
Le béton commence à être utilisé dans la construction. Les affiches publicitaires recouvrent les murs. André Gide est déjà célèbre et représenté sur un tableau. L'exposition est photographiée et filmée. Des images sont projetées dan un ballon. Un peu partout son vendues des cartes postales.

Le triomphe de l'Art Nouveau

L'Art Nouveau triomphe et est admirablement représenté dans la salle qui lui est réservée: qualité de la production de la Manufacture de Sèvres et de l'Ecole de Nancy (Gallé, Majorelle) avant-gardisme de Prouvé, charme et fantaisie des bijoux de Lalique, de Grasset et de Tiffany.

Rodin s'est imposé. Bourdelle et Cézanne apparaissent. Mais un art plus ancien ou plus traditionnel continue de prospérer. Il nous est habilement présenté selon la pratique de l'époque : accrochage resserré et tableaux l'un au dessus de l'autre. L'impressionnisme finissant (Sisley, Monet) l'art pompier (Bouguereau, Merson) et l'art symboliste (Maurice Denis) coexistent.
Diversité des lieux de plaisir : des grands restaurants du Bois de Boulogne aux maisons closes de luxe (Le Chabanais) ou de passe.
Diversité des classes sociales : les dames du monde commandent leurs toilettes dans des magasins de mode dont elles se pareront le soir venu. Les midinettes (à midi elles déjeunaient légèrement) occupent la rue sous l'œil concupiscent des bourgeois. Leurs silhouettes fragiles font la joie des peintres et des caricaturistes (eaux fortes de Félix Vallotton)
Diversité des spectacles : le théâtre classique avec Sarah Bernard (superbes affiches de Mucha) les ballets (Cléo de Mérode) les music- halls et cabarets (le Chat Noir) qui sont passés à la postérité grâce aux affiches et aux toiles de Toulouse-Lautrec (une très belle Marcelle London dansant le boléro), les salles de café-concert (Liane de Pougy). Un pastel, à dominante noire et bleue, d'Emile Blanche montre une Yvette Guilbert, jeune, d'une grande mélancolie.

Au temps de la mondialisation anglaise

Quelle ouverture ! Nous sommes au temps de la mondialisation anglaise. Les hommes et les marchandises circulent et elles abondent à l'exposition.
Le Prince de Galles s'est fait fabriquer un fauteuil de « volupté et d'amour » à deux niveaux, pour satisfaire tous ses fantasmes, compte tenu de son embonpoint, avec des prostituées de luxe. Le mode d'emploi n'est pas donné. Les princes russes viennent s'encanailler au Moulin Rouge et célèbrent à leur manière la République.

Nous sommes au temps des « races supérieures » Une belle tapisserie en laine et soie aux couleurs vives montre la France et ses soldats en uniforme blanc et casque colonial apportant la civilisation à une Afrique subjuguée, le genou à terre. La France, une femme jeune et belle porte une robe aux motifs de poteaux électriques et tient à la main un rameau d'olivier et le Livre de la Loi. Le Mobilier National, qui la détient, ne doit guère trouver d'amateurs pour l'accrocher dans un lieu officiel.
Les pavillons consacrés à nos colonies ont un grand succès (Cambodge, Sénégal)

Avant de partir, pour vous reposer, voyez ou revoyez, assis, « le voyage dans la lune » de Méliès. Cela peut être vous évitera de penser à ce qui va se passer une dizaine d'années plus tard.

Pierre- Yves Cossé
Juin 2014

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Commentaire 1
à écrit le 12/07/2014 à 1:30
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