Qui êtes-vous M. Voltaire ?

A propos de l'ouvrage de Claude Dupont et Jean-Claude Lesourd, "Qui êtes vous M. Voltaire"*. Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

Dommage que les auteurs, Claude Dupont et Jean- Claude Lesourd n'aient pas indiqué leur méthode. On peut supposer qu'ils ont lu « tout Voltaire » Dix -mille pages ? Leur présentation par thèmes et interrogations successives a l'inconvénient de masquer en partie les évolutions de la pensées du philosophe et ses retournements ; le passage de l'optimisme du « Mondain » au pessimisme postérieur au tremblement de terre de Lisbonne.

 Les auteurs sont en empathie avec le patriarche de Ferney  et de nombreux textes sélectionnés justifient leur complicité. Nous sommes à l'antipode de l'apostrophe de Musset « Dors-tu content Voltaire et ton hideux sourire voltige- t'il encore sur tes os décharnés ? »

 Un homme de la modernité

Par bien des côtés, Voltaire est un homme des Lumières et de la modernité.

C'est un « laïc » tenant de la séparation entre les églises et l'état. C'est un partisan de la tolérance, dont la paix est le fruit, adversaire de la peine de mort, de la torture et des jésuites, résigné au divorce et à la grossesse illégitime et désireux du mariage des prêtres. Sa conception de l'histoire, dont la connaissance permet d'éviter le retour à de fatales erreurs, fait une place aux faits économiques et démographiques. Il s'intéresse à l'urbanisme et à l'architecture  et se félicite des embellissements de Paris. Il est l'ancêtre des intellectuels engagés, par ses multiples combats contre le fanatisme et l'arbitraire (Lally Tollendal, chevalier de la Barre, Calas ...).  Le plaisir le conduit à Dieu (« tout homme qui boit du bon vin de Tokay, qui embrasse une jolie femme...doit reconnaître un être suprême et bienfaisant »). Le traducteur de Newton, l'inventeur du calcul infinitésimal, croit au progrès scientifique mais considère que la médecine n'est encore « qu'ignorance et « erreur ». C'est un « citoyen du monde » curieux des autres cultures (Chine) et  un européen grand admirateur de Shakespeare (« un génie »)

  Pour une dynamique des libertés

Pour l'homme des lumières, la liberté ne se divise pas : liberté de commerce -traite des esclaves comprise- et liberté de conscience. « Ce sont les deux pivots de l'opulence d'un Etat, petit ou grand. Il croit à la dynamique des libertés. Le commerce a enrichi les Anglais, a contribué à les rendre plus libres. Cette liberté a étendu le commerce à son tour et a fait fleurir tous les arts.

 Un bourgeois hostile à des lois contre la pauvreté

 L'homme des libertés et de la modernité est un bourgeois entreprenant qui s'est enrichi (« Rien n'est si doux que faire sa fortune par soi même. Il est paternaliste (le seigneur châtelain regarde ses vassaux comme ses enfants »).  Si ce « fondateur de manufactures » fier de ses bas de soie, ne demande pas d'argent au gouvernement, et ignore « la lésinerie » selon ses contemporains, il  est hostile à des lois contre la pauvreté,  la restriction du luxe et de la dépense (« l'indigence doit travailler pour l'opulence, afin de s'égaler un jour à elle ») Il ne juge pas convenable que tous les enfants apprennent à lire, à écrire et chiffrer (« on n'a besoin d'une plume que pour deux ou trois cents bras). Il accepte l'impôt, à condition que tout le monde paie, ecclésiastiques compris mais il fait le constat « Plus un pays est riche, plus les impôts y sont lourds » Son secret pour faire entrer l'argent : « diminuer les impôts pour augmenter la recette »

 Bref, le camarade Voltaire n'est pas un gauchiste.

 Une complaisance envers les despotes éclairés

Est-ce le goût du lucre, la recherche de considération ou l'ignorance qui l'ont conduit à la complaisance extrême envers les « despotes éclairés » ? S'agissant de Catherine II, qui le finançait, elle est sans limites. A propos de Fréderic II, il est plus nuancé. « Il avait de l'esprit et des grâces et, de plus, il était roi ...Il me traitait d'homme divin, je le traitais de Salomon » La brouille survint et Voltaire garda 300 000 livres. Il fut à sa manière un courtisan.

 Monsieur Voltaire a résisté au temps. Son bilan est, comme on dit, globalement positif. En-est-il pour autant sympathique ? Cela dépend des goûts.

 

* Paris/ Les Belles Lettres/2014

Pierre- Yves Cossé

Juillet  2014

 

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