
Les juges de Luxembourg ont douché cet été l'espoir d'une Europe des énergies renouvelables. Dans le cadre d'un différent Finlando-Suédois, la Cour de Justice de Luxembourg avait l'occasion d'affirmer que les aides nationales en faveur de ces énergies s'opposaient au marché unique de l'électricité. Elle aurait pu ainsi mettre fin aux politiques protectionnistes des Etats membres et à leurs effets pervers : une électricité solaire et éolienne très coûteuses - car mal localisées sur l'ensemble du territoire européen - et une désorganisation des marchés électriques qui mine leur efficacité.
Un archipel perdu...
Un archipel perdu au milieu de la mer Baltique, les îles d'Aland, est à l'origine de cette occasion manquée. Ce territoire rattaché à la Finlande plutôt qu'à la Suède du fait des vicissitudes de l'histoire bénéficie d'une large autonomie. Le suédois y est la langue officielle et un câble électrique sous-marin relie l'île au seul réseau suédois. Un opérateur éolien, Aland Vindkraft, s'est vu refuser l'aide dont bénéficient ceux dont les parcs sont installés sur le territoire suédois. Il peut exporter son surplus d'électricité en Suède mais sans recevoir les recettes supplémentaires que ses concurrents perçoivent.
Ces recettes proviennent de la vente de certificats verts. La Suède a en effet choisi cet instrument pour favoriser le déploiement des énergies renouvelables. Elle octroie des certificats annuels aux producteurs qui les vendent sur un marché où les achètent les fournisseurs et grands consommateurs d'électricité. Ces derniers sont en effet obligés par la loi suédoise de disposer de certificats en proportion de leur activité. L'énergie verte produite en Suède ainsi certifiée représente environ 18% de la consommation d'électricité.
Une occasion qui a failli ne pas être manquée
La question est de savoir si le refus d'accorder des certificats à Aland Vindkraft parce que sa production n'est pas réalisée sur le sol suédois est conforme au droit européen. Elle est ouverte car d'un côté une loi européenne promeut les énergies renouvelables en laissant le choix aux Etats membres d'agir isolément ou de coopérer, et d'un autre le traité européen s'oppose aux restrictions à l'importation. En termes techniques, d'un côté la Directive 2009/28 permet aux Etats de mettre en oeuvre des mécanismes purement nationaux et donc autorise des restrictions territoriales aux aides à l'énergie verte, de l'autre l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdit «les restrictions quantitatives à l'importation».
L'occasion a failli ne pas être manquée. Les observateurs s'attendaient à ce que la Cour se prononce contre les restrictions territoriales des aides aux énergies renouvelables. Telle était en effet la position exprimée en janvier 2014 par l'Avocat général, le magistrat français Yves Bot - or, le plus souvent les juges suivent l'avis juridique de l'Avocat général -. L'avis concluait que l'interdiction de l'accès aux aides aux producteurs d'électricité renouvelable dont les installations sont situées dans un autre Etat membre n'est pas conforme au principe de libre circulation des marchandises. Yves Bot recommandait en conséquence de modifier la Directive sur le point qui permet de telles interdictions. Il proposait que cette modification prenne effet deux ans après la décision de la Cour.
Des mesures protectionnistes prises dans presque tous les États membres
Cet avis constitua un coup de semonce pour les Etats membres. Quasiment tous ont en effet mis en oeuvre des mesures protectionniste en faveur des énergies renouvelables. Par exemple, les tarifs préférentiels garantis offerts par la France aux producteurs éoliens et solaires ne peuvent pas bénéficier aux installations en Allemagne et inversement. L'Europe s'est engagée à ce que 20% de sa production d'électricité soit réalisée à partir d'énergies renouvelables. Cet engagement collectif a été saucissonné en objectifs individuels que doivent atteindre chaque Etat membre. Il est par exemple de 23% pour la France, de 18% pour l'Allemagne et de 49% pour la Suède. Rien n'empêche en principe les pays de coopérer, de faire par exemple que la France pour parvenir à son quota aide au déploiement de l'énergie solaire en Espagne plutôt que sur son sol car l'ensoleillement y est meilleur et donc le coût moindre. En pratique, chacun y est allé en favorisant uniquement les installations sur son territoire et en mettant en oeuvre le mécanisme d'aide protectionniste de son choix. La Suède a ainsi opté pour les certificats verts et l'Allemagne pour des tarifs de rachat. Cette dernière s'est même fixée un objectif 2020 plus ambitieux, élever la part des énergies renouvelables à 35%.
Les éoliennes là où les subventions sont les plus élevées, et non là où le vent souffle
Ces actions en ordre dispersé ont conduit à l'installation des éoliennes et des panneaux solaires où les subventions sont les plus élevées et non là où le vent souffle et le soleil brille le plus. L'Allemagne compte ainsi cinq fois plus de surface de panneaux solaires que l'Espagne ou la Grèce et la puissance éolienne installée en Espagne est plus de deux fois supérieure à celle du Royaume-Uni. Cette mauvaise localisation des installations rend l'atteinte de l'objectif commun des 20% en 2020 beaucoup plus coûteuses que si elle avait été guidée par la répartition de l'ensoleillement et des vents sur l'ensemble du territoire européen.
Des marchés électriques désorganisés
La désorganisation des marchés électriques est un second effet pervers du protectionnisme en matière d'énergies renouvelables. L'Union a réussi à créer après 15 ans d'efforts un système d'échange efficace de MWh à travers des marchés de gros d'électricité. Il permet de répondre aux besoins des consommateurs par la production la moins coûteuse du moment, celle-ci pouvant provenir d'un producteur situé dans un autre Etat membre que celui de l'acheteur. Ce système conçu pour des offres d'énergie non subventionnées et des demandes non contraintes par l'achat obligatoire de tel type d'énergie fonctionne désormais très mal. Les mécanismes d'aides aux énergies renouvelables conduisent parfois à des prix négatifs, font diverger les prix de l'électricité d'un Etat-membre à l'autre alors qu'ils se rapprochaient, et les consommateurs finaux payent un prix qui s'écartent du prix de marché car leur facture se compose pour une part croissante des taxes nécessaires pour subventionner les énergies renouvelables.
Un marché commun de l'électricité, mais des subventions nationales aux énergies renouvelables
En bref, l'Union a opté d'un côté pour un marché commun de l'électricité et d'un autre pour des subventions nationales aux énergies renouvelables payées par les consommateurs nationaux au lieu de choisir un mécanisme commun de soutien à ces énergies permettant d'atteindre l'objectif commun de 20%, mécanisme qui aurait été financé indistinctement par l'ensemble des consommateurs européens.
Comme si on taxait les importations d'énergie "verte"
Quels désaccords entre l'Avocat général et la Chambre haute de la Cour de Justice de Luxembourg expliquent la divergence de leurs conclusions ? Ils portent principalement sur la justification au nom de la protection de l'environnement des restrictions territoriales du mécanisme des certificats verts suédois. Tant pour Yves Bot que pour les juges il ne fait pas de doute que ce mécanisme est un frein aux importations. Les producteurs d'énergie renouvelables installés en Suède perçoivent gratuitement des certificats qu'ils revendent ensuite aux fournisseurs d'électricité, ces derniers répercutant leur prix d'achat sur les consommateurs. Ce prix est d'une vingtaine d'euros par MWh, soit de l'ordre de la moitié du prix de marché de l'électricité. Un producteur d'énergie renouvelables situé dans l'Archipel d'Aland peut exporter son électricité en Suède mais comme il n'a pas de certificats il devra soit en acheter ce qui lui coûtera une vingtaine d'euros/MWh, soit proposer une ristourne de ce montant à son client qui achètera lui-même les certificats. Tout se passe comme si l'électricité verte importée en Suède était taxée à 20€/MWh.
L'électricité verte serait difficile à taxer
Le droit européen n'interdit pas systématiquement de telles restrictions aux importations. Elles peuvent être licites dès lors qu'elles contribuent à un objectif d'intérêt général de l'Union. Pas vraiment de question de ce côté là puisque la protection de l'environnement en fait partie. Reste, pour autoriser ou refuser une restriction aux importations, à vérifier que cette dernière est nécessaire pour que l'objectif de l'Union soit atteint. C'est sur ce point que l'Avocat général et les juges de la Chambre haute ont porté des appréciations divergentes. Résumons drastiquement leurs arguments juridiques au risque de les caricaturer. Pour le premier, la restriction territoriale n'est pas nécessaire. Son absence aurait encouragé les importations et l'électricité verte produite par une installation d'un autre Etat membre n'aurait pas nui à l'environnement, au contraire. Pour la Cour, la restriction est bien nécessaire car le mécanisme des certificats verts est l'instrument qui permet à la Suède d'atteindre sa quote-part de l'objectif communautaire de 20% de renouvelables en 2020. En l'absence de la restriction territoriale, les investisseurs n'auraient pas bénéficié d'une garantie suffisante pour les inciter à déployer des installations renouvelables sur le sol suédois et la Suède n'aurait pas été capable d'assurer le suivi et de vérifier son engagement car l'électricité verte est difficile à tracer dans les importations et au niveau de la consommation.
La vision erronée des défenseurs du protectionnisme
De façon générale, les partisans des mesures protectionnistes les justifient au nom du risque de nivellement par le bas des engagements au déploiement des énergies renouvelables. Si un Etat membre est ambitieux, le niveau de subvention doit y être élevé, ce qui en l'absence de restrictions territoriales attire les exportateurs qui bénéficient de meilleures conditions naturelles et empochent alors une rente. Elle est payée par les consommateurs de l'Etat membre ambitieux qui voient ainsi que leurs efforts profitent à d'autres et n'entraînent pas de retombées nationales en termes d'emploi et de croissance verte. Leur acceptabilité de subventions élevées s'émousse et l'ambition nationale en faveur des énergies renouvelables est revue à la baisse.
Une telle vision est cependant erronée. En premier lieu, le commerce inter-frontalier d'électricité est limité par des barrières techniques et physiques. L'Europe manque cruellement de capacité d'interconnexion et cela devrait durer longtemps. La construction de lignes de transmission de haute tension suscite des oppositions locales très fortes. En second lieu, il est possible de raboter les rentes dont bénéficieraient les exportateurs bénéficiant de meilleures conditions naturelles en choisissant les bons instruments réglementaires et en les calant convenablement.
Les consommateurs nationaux favorables à des retombées nationales
Il faut cependant reconnaître que ces arguments rationnels peuvent ne pas être entendus des consommateurs nationaux. Leurs élus ont vanté les bénéfices de programmes subventionnés de développement des énergies renouvelables en insistant sur les bénéfices apporté au pays par la croissance et l'industrie vertes : emploi, innovation, avantage compétitif futur. Ce que les consommateurs perdent en payant leur électricité plus cher, ils le regagneraient en tant que salariés, employés, artisans, entrepreneurs, etc. La fin des restrictions territoriales serait alors perçue comme un coup de canif, sinon une rupture, à ce contrat social «moindre pouvoir d'achat contre retombées nationales».
Par ses jugements, la Cour de Justice du Luxembourg fait souvent avancer l'intégration européenne. Elle a préféré cet été embrasser la cause du protectionnisme environnemental au détriment du marché commun de l'électricité.
Le basculement vers d’autres modèles énergétiques est déjà en cours, intégrant le mix énergétique et des productions décentralisées.
La vérité apparaitra au grand jour dans moins d’une décennie, le temps d’intégrer le vrai coût du KWh nucléaire et lorsque les pays qui auront fait les bons choix bénéficieront d’un contexte énergétique performant, à des prix concurrentiels, favorisant le développement économique.
Pour nous Il est déjà trop tard, en raison de cette « dette du nucléaire », nous obligeant à maintenir de vieilles centrales en activité, le plus longtemps possible. Car nous sommes dans l’impossibilité d’en financer le démantèlement.
Par ailleurs, l’Allemagne est en régression démographique, ce qui facilite l’emploi des (rares) jeunes.
Et les industriels allemands ont mis en garde contre l’énergie trop chère.
C’est l’heure de vérité pour le lobby vert.
En effet, les énergies Vertes (solaire PV, éolien) procurent moins d'emplois permanents que les énergies classiques (charbon ou nucléaire). Les tenants inconditionnels de l'éolien et du PV évoquent souvent les emplois liés à la construction des parcs éoliens ou PV ; or la période de construction est très éphémère (quelques semaines à quelques mois), et une fois le chantier terminé, à moins qu'un autre ne commence, ces emplois sont perdus. En période d'exploitation, les éoliennes et panneaux solaires nécessitent très peu de personnel, donc d'emplois permanents.
Basés sur une étude détaillée (que je peux envoyer aux personnes intéressées) les chiffres correspondant aux emplois permanents (CDI) rattachés à chaque filière sont les suivants :
- solaire PV : 0.4 emploi / MW installé
- éolien : 0.18 emploi / MW installé
- nucléaire : 1.43 emploi / MW installé
Je n'ai pas les chiffres pour le charbon, qui doivent être plus proches de ceux du nucléaire, car cette filière n'est plus "dans l'air du temps". Je ne m'étendrai pas non plus sur le fait connu que 1 MW d'énergie Verte (aléatoire) ne rend pas du tout les services de 1 MW de nucléaire.
Conclusion : les consommateurs perdent beaucoup à abandonner l'énergie nucléaire qui procure une énergie à prix imbattable. En Allemagne, la taxe payée pour développer les énergies Vertes a fait doubler le prix du kWh alors que seulement 9 centrales nucléaires sur 17 ont été fermées. Mais les citoyens, salariés et... ne "récupèrent" pas sous forme d'emplois les fruits de l'abandon de cette filière, les chiffres cités le prouvent. Si l'Allemagne, qui a une économie vigoureuse permettant le plein emploi, a pu compenser l'hémorragie de pertes d'emplois liés à la sortie du nucléaire, il n'en sera pas de même en France si le gouvernement persiste dans une idéologie trompeuse.
- une simplification des procédures d'autorisation pour le développement des énergies renouvelables,
- des mesures de formation des compétences,
- une diminution des coûts de raccordement au réseau, ainsi que des investissements ciblés de la part de pays d'Europe central tels que l'Allemagne, à hauteur d'un à trois milliards d'euros par an. Des pays tels que la Grèce pourraient alors bénéficier d'une croissance économique supplémentaire d'environ 0,5 à 1,0%. Ce sont les résultats d'une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Institut de recherche Mercator sur le patrimoine mondial et le changement climatique (MCC) en coopération avec d'autres instituts de recherche. L'étude a été publiée dans la revue "Renewable and Sustainable Energy Reviews". Sur la base de données météorologiques et de l'évaluation de scénarii pour une transition énergétique rentable en Europe, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que des pays comme la Grèce, le Portugal, l'Italie ou l'Espagne pourraient passer du statut d'importateurs d'électricité à celui d'exportateurs, principalement du fait de l'installation de plus de panneaux photovoltaïques. En outre, une harmonisation juridique des politiques énergétiques de l'UE est jugée nécessaire, en étroite collaboration avec tous ses Etats membres. Concrètement, les scientifiques proposent un tarif d'achat pour les énergies renouvelables fixé de façon unitaire à l'échelle de l'UE.
"La transition énergétique doit être comprise comme un projet européen commun offrant des perspectives en particulier aux pays défavorisés", estime Felix Creutzig, directeur de l'étude et du groupe de travail sur l'utilisation des terres, les infrastructures et le transport au MCC. "La transition énergétique ne peut réussir en faisant cavalier seul ; l'Allemagne a besoin de partenaires au sein de l'UE, dans le sud de l'Europe." Ceci se vérifie également du fait que l'influence des vents et des nuages sur la production d'énergie à partir de sources renouvelables est mieux compensée sur une zone géographique plus large. Cependant, les pays européens bordant la Méditerranée ne peuvent surmonter les obstacles bureaucratiques et financiers sur le chemin de l'utilisation à grande échelle de systèmes photovoltaïques qu'avec l'aide du Nord. On pourrait imaginer, comme source d'argent possible, un marché d'émissions européen réformé. Des investissements dans des infrastructures d'énergies renouvelables dans le sud de l'Europe, financés par l'Allemagne et d'autres pays, pourraient également compenser la baisse de l'investissement privé, sans que les budgets de ces pays en soient affectés. Les scientifiques s'attendent à ce que l'UE profite le plus à son "noyau" - à savoir l'Allemagne et les pays du Benelux, tandis que la production de la zone méditerranéenne sera affaiblie. "Il serait opportun que des pays tels que l'Allemagne, qui ont jusqu'à présent bénéficié le plus de l'UE comme union économique, apportent une contribution financière importante à une transition énergétique européenne également pour l'Europe du sud", déclare M. Creutzig. "En outre, une solidarité renforcée des citoyens de l'UE entre eux pourrait être le résultat le plus précieux d'un tel projet.
De plus l'Allemagne est en tete encore en 2014 dans l'installation de panneaux PV car les citoyens y sont plus sensible qu'ailleurs au discours environnemental (et plus responsables), et que le kWh auto-consomme est economise 26 c€ aussi. Les pays du sud sont a la traine car dans un marasme economique qui n'incite pas a l'investissement d'economie d'energie (voire la difficulte de trouver un financement a la transition energetique en France).
- Entre 2004 et 2012, l'Europe a investi 590 milliards de dollars (environ 450 milliards d'euros), essentiellement dans l'éolien et le solaire.
Au total, en Europe en 2012, l'éolien et le photovoltaïque ont produit seulement 270 TWh soit 7% de l'électricité produite en Europe.
- Remplacer les 30 centrales les plus polluantes d'Europe par des centrales thermiques à haut rendement, dites supercritiques, qui émettent entre 20 et 40% de CO2 en moins, coûterait 120 milliards d'euros (2 milliards d'euros par GW).
Mais pour ça, il faudrait des dirigeants politiques un peu moins littéraires et un peu plus scientifiques.
Il faut chercher autre chose, la géothermie par exemple.
La géothermie ne peut qu'apporter des solutions locales, dans certaine zones favorables, mais limitées en terme de puissance. La meilleure solution est la centrale à surgénérateur 238U ou celle à thorium (232Th), sur laquelle le CEA travaille (projet ASTRID). Peu de déchets, pas d'intermittence, flux de neutrons rapide, donc sûreté de fonctionnement élevée, taux de charge élevé, brûlage de plutonium (surgénérateur 238U), pas d'enrichissement, prix du kWh compétitif, et assurance de production pour plusieurs millénaires, sans dégagement de CO2 (même s'il est clair que le CO2 n'a aucune influence mesurable sur la TMAG - Température Moyenne Annuelle Globale).