
Façon de poursuivre l'élan populaire exprimé lors des manifestations du 11 janvier, les Etats Généraux du Pouvoir Citoyen (EGPC) appellent sous l'égide du philosophe Abdenour Bidar, auteur de "Plaidoyer pour la Fraternité" à une marche pour la fraternité tous les 11 du mois. Le 11 mars la Place de la République à Paris devrait donc voir se réunir tous ceux qui oeuvrent pour réactiver le vivre ensemble. Parmi eux : Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée et président du collectif Appel à la fraternité, Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, Jean-Baptiste de Foucauld, responsable de l'association le Pacte Civique, Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, Dominique Balmary, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), et le philosophe Patrick Viveret.
« La grande marche républicaine du 11 janvier a montré qu'il y a dans notre pays une fraternité nationale évidente, explique Jean-Louis Sanchez. Mais pour que cette fraternité puisse vivre, il faut que les pouvoirs publics encouragent les initiatives locales et associatives, il faut que le vivre ensemble soit au cœur des actions politiques ».
Redonner des repères à une société individualiste
Les signataires de l'appel souhaitent l'instauration d'une semaine annuelle consacrée à la fraternité afin de redonner des repères et le goût du dialogue à une société marquée par l'hyper-individualisme. Une semaine que les différentes communes utiliseraient pour mobiliser les citoyens autour de projets concrets. Et au cours de laquelle citoyens et autorités pourraient discuter de ce qui fonde la vie collective et des moyens de pérenniser les initiatives bénévoles les plus porteuses.
« Il y a dans notre pays beaucoup d'expériences qui sont des réussites, estime Jean-Louis Sanchez. Mais elles restent anecdotiques, faute d'encouragements suffisants ».
Faute aussi de médiatisation nécessaire pour leur donner plus d'ampleur. Car toute une part du problème sociétal contemporain porte sur le rapport à l'autre. Malmenés par des médias qui décrivent le monde comme hostile et nous rappellent sans cesse la difficulté de notre cohabitation sur la planète, nous développons une méfiance de la différence et un leitmotiv qui rend l'autre responsable de notre triste sort.
L'émancipation des individus, clé de la fraternité ?
Ce repli sur soi est d'autant plus favorisé par les théories du développement personnel qui ont pris le travers de miser sur une toute puissance de l'individu, parangon de la performance. Moins de collectif, plus d'individualisme. Moins de fraternité, plus de violence dans la société. Moins de communautés, plus de communautarisme. La peur qui gangrène nos sociétés fait le lit des communautarismes qui enferment sur un repli sur soi avec toutes les violences qu'elles charrient. A l'inverse les communautés permettent une émancipation des individus en s'appuyant sur des valeurs qui ouvrent au partage.
A quoi ressemblerait la fraternité au travail par exemple ? A moins de sarcasmes et d'autoritarisme qui ne font qu'imposer le silence par la peur. Les bons ingrédients ? La confiance et l'empathie. Non, nous ne rêvons pas. Il existe des entreprises où l'on donne aux salariés la liberté de travailler de la façon dont ils se sentent les plus efficaces et sont encouragés à le partager avec le reste de l'équipe. Du dialogue, naissent les propositions. Les conflits de personnes peuvent s'apaiser dans l'échange. La Fraternité au travail bannit la suspicion et le contrôle. Et réinvestit l'énergie dans le partage et le sens du bien commun. "Le vrai débat est difficile, reconnaît le philosophe Patrick Viveret. C'est une vraie prise de risque car il nous conduit à bouger nos frontières mentales et plus encore émotionnelles.
Tant que chacun ne fait pas un travail de discernement il trouvera à bon droit dans les postures inhumaines d'autrui dont il est victime des raisons suffisantes pour ne pas s'interroger sur sa propre part d'inhumanité. C'est bien tout l'enjeu de construire politiquement un espace qui place l'esprit de fraternité au cœur des enjeux du vivre ensemble inter humain, du con-vivere, pour réussir comme le propose le manifeste convivialiste reprenant une phrase célèbre de Marcel Mauss à apprendre à "s'opposer sans se massacrer".
"Il faut trouver du sacré partageable"
Puissent les terribles évènements de ce début d'année nous encourager à accepter nos désaccords sans conflits et à revisiter la question du sacré. "Il faut cesser d'amuser le chaland en réduisant ce conflit à des questions socio-économiques, géopolitiques car, à travers cette affaire de Charlie Hebdo, on retrouve la question fondamentale qui a agité toute la culture humaine : que sacralise-t-on ensemble ?", écrit Abdennour Bidar dans son "Plaidoyer pour la Fraternité" parue au lendemain des attentats.
"Si on ne met pas au cœur de la vie humaine une conception de la transcendance, on n'arrivera jamais à faire société. La modernité est ramenée à cet enjeu malgré elle, après une période au cours de laquelle elle pensait pouvoir reléguer la religion aux oubliettes et fabriquer de la civilisation humaine avec du sociopolitique et du technoscientifique, du pain et des jeux".
Conclusion du philosophe : "Il faut trouver du sacré partageable". Et de citer Paul Ricœur qui à la fin de "Soi-même comme un autre" a cette formule magnifique : « dans chaque civilisation, il y a des valeurs qui sont candidates à l'universalité. »
Dans un même élan, il propose que les représentants de toutes les grandes cultures examinent autour d'une table les candidatures à l'universalité. Au risque sinon de tomber dans ce que Wilhem Reich nommait "la peste émotionnelle", en se laissant embarquer dans une double logique de guerre extérieure et intérieure, la première alimentant d'autant plus la seconde.
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a le à :
La Liberté est la valeur première de la république française sans laquelle les deux suivantes sont vidées de leur sens et deviennent des coquilles vides.
L'Egalité, on devrait dire l'Equité, qui inclut l'égalité en droits et en devoirs mais qui exclut l'Egalitarisme (caricature totalitaire de l'Egalité), vient ensuite qualifié le champ de la Liberté.
Le résultat et l'aboutissement de la mise en oeuvre réelle des deux premières valeurs de la République est la Fraternité qui naturellement, spontanément, surgit et règne dans l'esprit de la population du pays et se traduit en être et en faire.
En France, nous en sommes loin, et nous nous en éloignons de plus en plus : dérives totalitaires et liberticides, pouvoir aux technocrates et mise au ban des hommes de l'Art,
dérives égalitaristes politiciennes, inversions des valeurs, manipulation de l'information et de l'éducation....
merci
Concept de bobo dit l'un.
La fraternité socialiste c'est "prête moi ta montre et je te donnerai l'heure" dit un autre
pas un seul mot au sujet du livre de Trierweiler dit un troisième (quel rapport ?).
Sur le long terme le monde va globalement dans le bon sens. Mais depuis une trentaine d'années quelle régression... L’intérêt individuel prime et la loi de l'argent règne. Faudra t il encore un chaos indescriptible pour que l'Homme comprenne que dans la haine point de salut, que la seule voie est la volonté de se comprendre et de vivre ensemble.
Liberté pour tous les Hommes (plus de cervage)
Egalité de droit entre les Hommes (plus de privilèges)
Fraternité par l'impot entre les classes sociales (aide des riches vers les pauvres)
A aucun moment on parle d'amitié fraternelle, quand je pense que des gens sont mort dans des révolutions pour installer les 2e et 3e République, sa fait plaisir.
Source quelque part dans le droit constitutionnel, vous n'avez qu'a chercher, sa vous fera du bien.
Il est bon et rassurant de constater que malgré nos nombreuses difficultés, certains arrivent encore à penser avec discernement et ouvrent des voies à explorer pour améliorer la vie dans notre pays. Cela suffira-t-il pour contrer les dégâts toujours plus nombreux du capitalisme, ce féodalisme moderne ?