Feu le programme du CNR

Avec l’anniversaire du Débarquement du 6 juin 1944, la mise en oeuvre du programme du Conseil national de la résistance (CNR) revient dans les médias par l’idéal rassembleur qu’il représentait.
Jean-Moulin dirigea le Conseil national de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. / DR

Ce programme, feu Stéphane Hessel le citait à chaque interview, la crise de la Sécurité sociale le rappelle. Que serait ce programme s'il était créé aujourd'hui, partant d'une feuille blanche ? Éventuellement par les mêmes hommes…

La France de 1944 est vieillissante, sa population décroît. C'est un pays rural. On meurt vers 65 ans. Son empire colonial est présent sur tous les continents. C'est l'ex-seconde puissance mondiale, tant sur le plan économique que culturel, où de nombreux artistes ont vécu ces cent dernières années. La France (métropolitaine) de 2014 est passée de 40 à 62 millions d'habitants, la croissance de sa population ralentit fortement. Le nombre des ménages (passés de 3,4 personnes à moins de 2,2) augmente plus vite que la population. C'est un pays urbain. On meurt vers 79-85 ans selon que l'on est homme ou femme. Des estimations de Jacques Marseille font passer le temps de travail dans l'ensemble de la vie de 30 % vers 1950 à 11 % vers 2000. Si la France conserve une influence internationale - elle est sixième puissance mondiale -, sa position décline. Elle compte de moins en moins sur le plan culturel. Le pouvoir d'achat a été multiplié globalement par 4, entre 1944 et 2014.

Que ferait un CNR aujourd'hui ? Certes, le contexte politique n'est plus le même et le communisme soviétique s'est effondré. Outre cette influence, qui a conduit aux nationalisations de 1945-1946, le programme était fondé sur les données démographiques du passé. Pas sur l'avenir. Le baby-boom n'était pas prévu, ni la hausse rapide de la durée de vie, ni les progrès des sciences. La Sécurité sociale du CNR n'a duré qu'un temps, environ trente ans. Depuis quarante ans, le principal budget de l'État est en déficit croissant et endette les générations futures.

Un CNR d'aujourd'hui a sur sa feuille blanche 2044 en point de mire : un pays vieillissant, une population dont le nombre piétine car il n'attire plus d'immigrants, un pouvoir d'achat stagnant, un pays tourné plus que jamais vers l'exportation, l'importance du fait religieux, une société divisée entre ceux qui suivent et ceux qui subissent, un État réduit qui a défini ses missions… Le CNR de 1944 a vu juste pour dix ou quinze ans, le CNR de 2014 pourrait voir juste pour la même durée. Le CNR de 1944 se fondait sur un idéal du passé, le CNR de 2014 doit se fonder sur un projet de futur. Je repars en plongée. 

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.

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