Une idée de la performance

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Peters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job.

 

Vendredi dernier sur les ondes d'Europe 1, l'ancien trader Jérôme Kerviel livrait sa version des faits. Il a d'abord réfuté l'analyse le faisant passer au mieux pour un joueur, au pire pour un autiste. Balayé aussi le « besoin de briller vis-à-vis des autres ». Alors quoi ? Pour lui, aucun doute : le système de management de la banque l'a poussé à la faute. « Je me suis laissé entraîner dans une spirale autoalimentée sur laquelle mes supérieurs mettaient de l'huile pour que ça tourne à plein régime [?] Ils me demandaient le soir : ?Est-ce que tu as été une bonne gagneuse aujourd'hui ?? » En l'écoutant, je me demande si cette histoire ne remet pas en cause, la crise aidant, certaines méthodes de management qui ont pignon sur rue.

 

En se concentrant sur la recherche d'efficacité, Jérôme Kerviel n'a jamais cherché à mesurer les conséquences de ses actes. Pour lui-même et pour les autres. Il a fait corps avec la représentation du réel véhiculée par son milieu. Or, on le voit dans le travail d'équipe, plus nous croyons à l'intelligence de notre conception du travail, voire du monde, moins nous acceptons la remise en cause, et plus nous sommes enclins à choisir des logiques d'opposition ou de conflit, plutôt que de coexistence, de partage ou de négociation.

 

aptitude à coopérer

 

S'humaniser, c'est accepter que nous ne voyons jamais le monde comme il est mais comme nous sommes, ou comme nous voudrions qu'il soit. Prétendre voir juste, c'est assujettir les autres à cette vision. « Un responsable d'équipe qui tombe dans ce piège peut vite la faire courir à sa perte. Il faut sortir du monologue narcissique pour se rendre disponible à la coconstruction d'autres possibles. Concevoir le monde comme un vaste projet dont nous sommes les cobâtisseurs », écrit Laurent Buratti dans un ouvrage aussi utile que passionnant qui sort cette semaine chez InterEditions. Dans « la Transformance », il développe l'énaction, une dynamique pour lâcher prise sur nos ego.

 

Changer le management, c'est percevoir les limites de sa grille de lecture. « C'est comprendre ce qu'elle peut avoir d'aveuglant pour soi-même, en quoi elle est acceptable pour autrui. C'est s'interroger sur la façon dont les autres produisent leurs propres lectures du réel », poursuit le coach-consultant. Quand Jérôme Kerviel dit « j'aurais bien aimé qu'on me dise : ?Arrête tes conneries !?, il choisit certes une posture de victime, mais il met aussi en abîme la vision commune de la performance. Celle où manager revient à orchestrer la production de résultats à court terme, demander à ses équipes de mieux réussir ce que l'on sait déjà faire et que l'on a toujours fait. « À chaque fois que l'évaluation des résultats se ramène à celle de la performance immédiate, on se prive du levier le plus puissant pour mobiliser les énergies, celui du sens », écrit Laurent Buratti. Construire une performance durable, c'est renforcer l'autonomie des équipes, leur confiance en elles-mêmes, leur aptitude à coopérer. Pour y arriver il faut développer sa capacité à interroger et réinterroger sa vision des choses.

Commentaire 1
à écrit le 16/02/2010 à 15:24
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Intéressant! BR

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