LA SEMAINE DE PHILIPPE VANDEL - « Ego Trip »

Notre chroniqueur Philippe Vandel explore le monde médiatique tel qu’il va… ou pas.
(Crédits : DR)

LA SEMAINE ne pouvait pas mieux commencer pour vous et moi. Car aujourd'hui dimanche, c'est la Saint-Narcisse.

Première nouvelle, c'était un saint

« Narcisse signifie en grec "torpeur". Le Narcisse que nous fêtons aujourd'hui, au contraire de celui de la mythologie gréco-romaine, ne se préoccupait pas que de lui-même ! Il fut le 30 e évêque de Jérusalem à la fin du II e siècle. » J'emprunte ces informations au site « Le jour du Seigneur ». L'émission est à voir aujourd'hui aussi, comme chaque dimanche matin sur France 2.

Dans la légende, Narcisse était un très beau jeune homme

 Un jour, il découvre sa propre image reflétée dans l'eau d'une source, et il en tombe amoureux. D'un amour qu'il ne pourra jamais assouvir. D'où son malheur. J'emprunte ces infos à ma mémoire. Nous vivons une période trouble, dans laquelle chaque communauté se replie sur elle-même, et à l'intérieur de laquelle chacun se replie sur lui-même. Pas seulement ici en France.

D'après une méta-étude (78 pays sur cinquante ans) de la revue Psychological Science, le narcissisme comme boussole existentielle ne serait plus réservé à l'Occident mais s'applique désormais à l'échelle mondiale. C'est dans le livre de Vincent Cocquebert qui sort cette semaine et ne pouvait pas mieux tomber : Uniques au monde (éditions Arkhê). Le journaliste décrit et se désole d'une société toujours plus égocentrique, égocentrée, qu'il baptise « égocène », et dénonce la « transition égologique ». Sous-titre de l'ouvrage : De l'invention de soi à la fin de l'autre. Les autres ? Quels autres ?

Isabelle Adjani fait la couverture du magazine Elle

 Question : Quels sont les regards qui comptent pour vous ? Plus jeune que jamais, elle avoue : « Vient un jour où on atteint le dernier tiers de sa vie, où on se place devant un miroir imaginaire pour se regarder soi-même, dans les yeux, longuement. Pas pour s'admirer, loin de là, mais pour savoir si à ce stade de sa vie, on se ressemble ou pas. »

Werde der du bist, disait Nietzsche

Recyclé dans un slogan par Lacoste : « Deviens ce que tu es ». Pourquoi pas au McDo ? « Venez comme vous êtes », serine la pub. Et cette promesse du loueur de voitures Sixt : « Rechargez votre ego. »

Sur son application, TF1 a créé il y a plus d'un an le « JT personnalisé ». Avec des reportages près de chez vous et vos thèmes de prédilection. Car le sujet du choix devient crucial.

Cinquante-sept chaînes de télé, et il n'y a rien dessus !

 C'est le titre d'une fameuse chanson de Bruce Springsteen, 57 Channels (And Nothin' On). Dans son essai Submersion ( Grasset), Bruno Patino, le patron d'Arte, rappelle cette règle bien connue des professionnels de la télévision : « Au-delà d'une vingtaine de chaînes reçues, nous avons tendance à limiter celles que nous parcourons avant de choisir un programme. Si nous en recevons 6, nous en parcourons 6. S'il y a 30 chaînes, nous en parcourons 14. S'il y a 350 chaînes, nous zappons sur 8 ou 9 d'entre elles. »

D'où le dilemme devant Netflix

 Il y a 32 000 heures de programme disponibles. Plus de trois ans et demi non-stop. Oui, c'est trop ! Alors l'algorithme nous propose des choix. Résultat : nous ne savons pas quel choix choisir. Statistique désolante : les abonnés tergiversent dix à quinze minutes devant l'interface avant de se décider.

Cette attente a suscité une bataille juridique aux États-Unis, avec des millions de recettes publicitaires à la clé. L'enjeu : est-ce que ces quinze minutes scotché sur Netflix à ne regarder aucun programme font vraiment partie de son audience et, par conséquent, retirent des parts de marché - donc des revenus - aux autres chaînes ?

Voilà qui rappelle ce titre du Gorafi : « Elle veut regarder l'heure sur son téléphone, perd deux heures sur Instagram et ne sait toujours pas quelle heure il est. »

Instagram justement

 Mardi : pas moins de 42 États américains ont lancé des poursuites judiciaires contre Meta, la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. Une première : ils accusent ces plateformes de nuire à la santé mentale des jeunes.

Pour la scientifique Aurélie Jean, spécialiste en algorithmique, l'exploitation systémique de notre ego est l'un des dangers des plateformes : « Le narcissisme des utilisateurs est encouragé sur les réseaux sociaux par leur modèle économique qui repose sur une consommation massive des contenus. Leurs algorithmes de recommandation s'appuient - entre autres - sur le profil de l'utilisateur, en lui suggérant des contenus qu'aiment des utilisateurs qui lui ressemblent. Le principe de récompense lié à cette validation sociale, associée à une génération de dopamine, encourage certains comportements narcissiques, voire addictifs. »

Pour Vivek Murthy, qui dirige la santé publique aux États-Unis, l'utilisation des plateformes génère l'apparition de symptômes dépressifs, notamment chez les jeunes filles, plus vulnérables aux troubles de l'alimentation.

Bette Midler n'est plus une jeune fille

 ... Mais une figure de Hollywood. Dans une soirée, la voici en mode séduction : « Bon, assez parlé de moi : parlons de vous. Quel effet je vous fais ? »

J'ai joint Vincent Cocquebert

 Il ne savait pas qu'il publiait son livre la semaine de la Saint-Narcisse. Enfin un auteur qui ne pense pas qu'à lui ! ■

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