Comme chaque année, les défilés prêt-à-porter femme de la Paris Fashion Week, qui se sont achevés le 3 octobre, ont réservé leur lot de splendeurs et de surprises. Francesco Risso, le directeur artistique de Marni, a ainsi réalisé son rêve en organisant un show dans l'hôtel particulier parisien de feu Karl Lagerfeld. Devant un public mal installé, au premier rang duquel figuraient la chanteuse Erykah Badu coiffée d'un chapeau à poils et le musicien Usher en veste rouge à pois noirs, pas moins de 62 looks se sont succédé, dont une vingtaine de silhouettes masculines.

Tiens, tiens. La veille, chez la griffe Mossi, un mannequin à barbiche portait une jupe plissée bleue surmontée d'un top jaune d'œuf sans manches, suivi d'un autre torse nu en pantalon vert. Chez Niccolò Pasqualetti, les couleurs layette rose et bleue se déclinaient aussi bien sur une robe boursouflée pour femme que sur un blazer croisé pour homme, les pieds fourrés dans des santiags blanches. Le constat ne fait pas un pli, de plus en plus de mannequins masculins défilent lors de la fashion week féminine. Et plus du tout en se dissimulant parmi les silhouettes de femmes comme lorsque John Galliano avait laissé planer le doute en disséminant quelques hommes en robe lors de son défilé automne 2015 pour Maison Margiela. À cette époque, il fallait encore avoir un œil averti pour distinguer le genre des mannequins.

Dévoiler un maximum de pièces

Aujourd'hui, les hommes ont gagné en visibilité, comme le souligne le directeur de l'agence de mannequins M Management, Guillaume Donsante : « Nous voyons de plus en plus d'hommes sur les podiums et cette tendance s'intensifie nettement depuis un an. » La mode serait-elle en train de renverser la table et de prôner une nouvelle égalité des sexes ? « Je ne pense pas qu'il s'agisse d'être en pointe sur la mixité homme-femme, poursuit-il. Il s'agit plutôt d'une question de budget et de marketing, car il est plus rentable pour une marque de ne pas faire de défilé homme et de mixer quelques looks masculins dans son défilé femme. »

Glisser de plus en plus d'hommes sur les podiums de prêt-à-porter, c'est-à-dire en dehors de la semaine des défilés masculins de juin-juillet, apparaît donc comme un moyen pour les marques - notamment les plus modestes - de diminuer leurs coûts en dévoilant un maximum de pièces de la collection homme lors des défilés féminins. Les acheteurs, les clients VIP et les rédacteurs mode peuvent alors admirer davantage de pièces en un seul voyage - ce qui, même si ce n'est pas la motivation première, se révèle excellent pour la planète en limitant les émissions de CO2.

Mais cette présence accrue permet surtout de surfer sur l'explosion spectaculaire de la mode masculine. Directeur de l'Observatoire économique de l'institut français de la mode, Gildas Minvielle observe « une meilleure dynamique des ventes de vêtements homme pour les sept premiers mois de l'année 2023 avec une hausse de 4,1 % sur un an, contre + 1,4 % pour le marché féminin ». Une des explications de la croissance du secteur masculin, sur un marché global qui stagne en France, serait l'inflation généralisée de 6 % qui pénalise davantage les femmes à cause des inégalités salariales entre les sexes. Les hommes qui gagnent mieux leur vie sont donc mathématiquement moins sensibles aux hausses de prix. Et le budget qu'ils consacrent à leur vestiaire est de plus en plus important. Cette tendance est confirmée par la consultante allemande Anabel Heintz, de l'agence Meninas, qui travaille auprès des marques Helmut Lang et Bally : « Lorsque j'ai commencé à travailler dans la mode en 1997, les collections hommes étaient vraiment minuscules. Elles représentent maintenant plus de 40 % des volumes, et les deux marchés homme et femme tendent encore à se rapprocher d'année en année. » On pourra bientôt dire que l'homme est une femme comme les autres. ■