Fin de la retraite à 60 ans : tout ce qui change pour vos clients

Ce 1er juillet, c'est la fin de la retraite à 60 ans. Tout un symbole. Mais d'autres changements interviennent. Et, malgré une prise de conscience, les Français n'y sont pas préparés. Piqûre de rappel.
La Tribune Infographie/BHEDOUIN

Ce vendredi marque la date de la fin de la retraite à 60 ans, instaurée par François Mitterrand après son élection, et le passage progressif à 62 ans. Les Français le savent bien, ils devront travailler plus longtemps. La retraite est d'ailleurs, selon tous les sondages, leur deuxième sujet de préoccupation, juste après le chômage. Un sondage d'Aviva publié le 27 juin montre même que seuls 43 % d'entre eux pensent que le système par répartition sera « suffisant pour assureur leur niveau de vie ». Ils commencent donc de plus en plus tôt à se constituer une épargne retraite.

Oui, mais savent-ils vraiment ce qui les attend ? Il suffit de faire le test et de demander à un cadre d'estimer le montant de sa future retraite. Peu de chances qu'il sache qu'il touchera, au mieux, 40 % de son dernier salaire, voire 20 % pour un cadre supérieur. De même, le report de l'âge légal masque deux autres mesures, certes moins symboliques, mais tout aussi importantes pour nos futures pensions.

Car l'âge auquel on a le droit de prendre sa retraite n'a plus réellement d'importance, surtout pour les cadres. C'est la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite sans pénalités qui importe. Or celle-ci ne cesse d'augmenter. Elle était de 37,5 ans avant la réforme Balladur de 1993. Elle est désormais de 41 ans, et bientôt de 41,5 ans, voire plus car la durée de cotisation évoluera désormais en même temps que l'espérance de vie (lire ci-dessous).

Autre solution pour partir sans écoper de lourdes pénalités sur sa pension de retraite quels que soit le nombre de trimestres travaillés : cesser son activité à l'âge dit du taux plein, c'est-à-dire 65 ans jusqu'à présent, et bientôt 67 ans. Presque une obligation pour la plupart des professions libérales (lire ci-dessous). Cette mesure risque d'avoir plus d'impact que celle sur l'âge légal, car les Français parvenaient déjà de moins en moins à partir à 60 ans.

Quant aux salariés, ils doivent être vigilants, non seulement à l'évolution de la réglementation de la Sécurité sociale, mais aussi à celle des régimes complémentaires (Arrco pour l'ensemble des salariés, Agirc pour les cadres), qui représentent entre 45 % et 80 % de leur future pension totale. Or, les règles changent aussi, en matière de majoration pour enfant élevé par exemple (voir ci-dessous).

Avant même de mettre le premier euro de côté sur un placement financier en vue de ses vieux jours, il faut donc tenter de maximiser sa pension de retraite. D'abord, contrairement aux idées reçues, il ne faut pas travailler toute l'année pour valider 4 trimestres. Il suffit d'avoir gagné plus de 5.600 euros dans l'année, et d'avoir travaillé au moins deux mois et demi. Car les trimestres sont attribués en fonction des salaires perçus, et non selon le temps passé (bien qu'il soit bien sûr impossible de valider plus de 4 trimestres par an). Une astuce à connaître avant de décider la date d'un congé sabbatique...

Autre décision importante : le choix de racheter ou non des trimestres (voir interview). L'opération peut être intéressante financièrement, mais à condition d'avoir une bonne visibilité sur la législation qui sera en vigueur lors du départ en retraite. Pas évident, car la réforme qui entre en vigueur ce 1er juillet n'est certainement pas la dernière...

4 changements majeurs à prendre en compte

1 - L'âge légal de départ en retraite augmente de 60 à 62 ans

Malgré leur déception, les Français nés le 1er juillet 1951 pourront au moins se vanter d'être les premiers à expérimenter la retraite à plus de 60 ans, à 60 ans et 4 mois pour être précis. Comme prévu, l'âge légal de départ en retraite va ainsi progressivement augmenter de 4 mois en 4 mois, pour atteindre 62 ans pour les générations nées après 1956 (voir le détail en illustration).

Pour rappel, l'âge légal est l'âge auquel on peut partir à la retraite en touchant une pension. Si l'assuré n'a pas suffisamment travaillé, il écopera en revanche de lourdes pénalités. Afin d'éviter les injustices, certaines exceptions ont toutefois été mises en place. D'abord, la pénibilité a été prise en compte pour continuer de partir, dans certains cas, avant l'âge légal. Les assurés chez lesquels on constate un taux d'incapacité permanente supérieur à 20 % sont dans ce cas, à condition que l'incapacité provienne d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail. Entre 10 et 20 %, l'affaire est beaucoup plus complexe puisqu'une commission doit statuer sur chaque cas. Et que le travailleur doit apporter la preuve qu'il a été exposé « au moins 17 ans à des facteurs de risques professionnels » !

Autre possibilité pour continuer de partir à 60 ans, voire avant : avoir commencé à travailler jeune afin de bénéficier du dispositif « carrières longues » mis en place lors de la loi Fillon en 2003. Mais les conditions pour en bénéficier sont de plus en plus restrictives (voir ci-dessous).

2 - La durée de cotisation s'allonge au rythme de l'espérance de vie

Pour les personnes nées en 1953 et 1954, le nombre de trimestres exigés pour obtenir une retraite sans pénalités (à taux plein) augmente pour passer de 164 à 165 trimestres. En revanche, ceux qui sont nés depuis 1955 ne savent toujours pas combien de temps il leur faudra travailler. Car cette durée de cotisation est désormais corrélée à l'évolution de l'espérance de vie. Vraisemblablement, elle devrait passer à 41,5 ans (166 trimestres) pour la génération de 1958. Mais cette incertitude a des effets pervers, notamment pour le dispositif « carrières longues », permettant un départ avant l'âge légal pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes. Une personne née en 1956, par exemple, pourrait partir en 2012 à la retraite, à 56 ans et 8 mois, à condition d'avoir 8 trimestres de plus nécessaires. Sauf qu'il ne connaît pas, aujourd'hui, la durée de cotisation exigée et ne peut donc prendre aucune décision.

Autre nouveauté, datant d'une circulaire de la Sécu du 18 mai : les conditions pour valider des trimestres sans feuille de paie ni traces de cotisation (aides familiaux, petits boulots etc.) deviennent draconiennes. Suite aux nombreux abus repérés par la Sécu, il faudra racheter les cotisations (plus question de gratuité), mais aussi produire deux témoignages de personnes ayant travaillé avec vous à cette période-là. « C'est une simple officialisation d'un durcissement déjà entrepris il y a plusieurs mois » explique Philippe Caré, responsable accompagnement RH et formation chez Siaci Saint-Honoré.

3 - L'âge du taux plein repoussé progressivement jusqu'à 67 ans

L'autre mesure phare de la réforme est bien sûr le passage progressif de 65 à 67 ans du taux plein (voir illustration). Un chiffre moins symbolique que l'âge légal mais tout aussi important pour l'assuré. Voire plus, car il détermine l'âge auquel on peut obtenir sa pension de retraite sans écoper de pénalités (environ 5 % par année manquante). Bien évidemment, le montant de la pension sera toutefois proportionnel aux nombres d'années travaillées. Pour les salariés, il existe un autre moyen d'obtenir une retraite sans pénalités : avoir cotisé un nombre de trimestres suffisant (164 trimestres pour les assurés nés en 1952 par exemple, voir ci-dessus).

Pour la plupart des travailleurs non salariés, en revanche, les pénalités dépendent uniquement de l'âge de départ en retraite, et non du nombre d'années cotisées. Un report de l'âge du taux plein est donc lourd de conséquences. Certaines caisses de retraite ont d'ailleurs pour l'instant refusé de s'aligner sur les 67 ans. Comme la Carmf (caisse de retraite des médecins) au sujet de ses régimes complémentaires.

Une exception toutefois, au niveau de la Sécu : le taux plein à 65 ans est maintenu pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 et ayant élevé au moins trois enfants. À condition qu'ils aient arrêté leur travail un certain laps de temps pour élever leur enfant. Par ailleurs, les parents d'enfants handicapés sont également exclus de la réforme du taux plein.

4 - Les règles des majorations pour enfants vont évoluer

Depuis le 1er janvier 2010, le bonus de 8 trimestres par enfant accordé par la Sécu ne bénéficie plus seulement à la mère. Le père peut obtenir 1 année sur les 2 octroyées. En cas de désaccord entre les parents, une circulaire vient de préciser que c'est la Cnav qui tranchera.

Mais des évolutions attendent aussi les régimes complémentaires (Arrco pour les salariés, Agirc pour les cadres) au 1er janvier 2012. La majoration accordée à partir de trois enfants sera à cette date de 10 % dans les deux régimes, quel que soit le nombre d'enfants. Bonne nouvelle pour les salariés, puisque cette majoration s'élève pour l'instant à 5 %. En revanche, les cadres y perdront, car ils bénéficiaient jusqu'à présent d'une majoration de 8 % à 24 % selon le nombre d'enfants, à partir de 3 enfants et jusqu'à 7. Par ailleurs, ces majorations seront plafonnées à 1.000 euros par an et par régime. Précision importante, les droits acquis jusqu'au 31 décembre 2011 seront calculés selon les anciennes règles, les nouvelles règles ne s'appliquant qu'aux droits constitués à partir du 1er janvier 2012. Il reste ainsi aux cadres à calculer si l'amélioration des avantages familiaux de l'Arrco compensera la diminution de ceux de l'Agirc, en tenant compte d'un rendement moindre de l'Agirc prévu dès ce 1er juillet en raison de l'alignement des deux régimes. Certains d'entre eux seront assurément tentés de liquider leur retraite dès 2012, quitte à opter pour le cumul emploi-retraite s'ils souhaitent poursuivre leur activité.

Interview

Marc Darnault, associé chez Optimaretraite : « On peut à tout moment cesser les versements effectués dans le cadre d'un rachat de trimestres »

Que doivent faire les gens qui ont racheté des trimestres ?

Il faut tout d'abord qu'ils calculent si le rachat leur est encore utile, compte tenu des nouvelles règles d'âge de départ et de taux plein. Si tel n'est pas le cas, ils peuvent demander le remboursement des trimestres achetés avant le 13 juillet 2010. Mais attention, les remboursements reçus seront imposables sur le revenu, pour compenser l'économie d'impôt obtenue à l'époque. Pour ceux qui ont échelonné le paiement sur plusieurs années, il faut savoir qu'ils peuvent les arrêter à tout moment. Seuls les trimestres effectivement payés seront acquis.

Faut-il se dépêcher de demander le remboursement ?

Il n'y a pas d'urgence d'un point de vue légal. Toutefois, compte tenu de l'instabilité de nos régimes de retraite et du renouvellement jamais certain à 100 % des accords AGFF après 2018, mieux vaut acheter les trimestres au dernier moment. L'idéal serait de demander le remboursement, quitte à les racheter plus tard. Mais, pour l'instant, on ignore si cette possibilité sera offerte. Pour ceux qui n'ont pas encore racheté de trimestres, c'est la date de la demande qui fait foi, donc cela peut être fait quelques jours à peine avant la demande de liquidation.

Pour les expatriés, où en est-on sur le rachat de trimestres ?

Depuis le 1er janvier 2011, le prix du rachat pour un trimestre a été aligné sur celui demandé pour les années d'études ou les années incomplètes. Ils coûtent donc 4 à 7 fois plus cher qu'auparavant. Il faut donc bien regarder, avant de se décider, si les accords internationaux ne prévoient pas déjà la validation des trimestres travaillés à l'étranger, comme en Union européenne, aux États-Unis ou au Maroc. Attention, désormais, on ne peut pas racheter de trimestres antérieurs aux dix dernières années de carrière.

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