Sénat : le « contre-budget » à la loupe

La nouvelle majorité socialiste a inscrit 30 milliards de recettes fiscales en plus dans le projet de loi de finances. Au risque de pénaliser la croissance ?
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Le Sénat, désormais à gauche, a voté le 22 novembre sa version remaniée du projet de loi de finances (PLF) 2012 proposé par le gouvernement. Probablement en pure perte, l'Assemblée nationale - acquise à la majorité - ayant le dernier mot, mais avec un choix très clair, en ligne avec les positions socialistes : celui d'augmenter les recettes de l'État de 30 milliards d'euros. Selon cette version du PLF, le déficit budgétaire serait ramené à 55,1 milliards d'euros, contre 80,3 milliards dans le PLF initial.

Les sénateurs ont ainsi adopté une taxation sur les transactions financières et la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui, si elle est maintenue, coûtera 4,9 milliards d'euros à l'État de manque à gagner fiscal en 2012. « Choc fiscal », « récession programmée », s'est insurgée Valérie Pécresse, la ministre du Budget, traduisant en un mot un débat classique et ancien : pour réduire les déficits, faut-il augmenter l'impôt, au risque de tuer la croissance, ou jouer sur les dépenses ?

Cibler les plus aisés

« Un certain nombre d'études de l'OCDE sur des plans d'ajustement budgétaires passés montre que l'inflexion des dépenses est plus efficace, car elle pénalise moins la croissance, indique Jean-Luc Proutat, à BNP Paribas. Mais il n'y a pas de règle intangible. »

« Tout dépend d'où porte la pression fiscale, explique Hélène Baudchon, à BNP Paribas. Si la hausse des impôts concerne exclusivement les hauts revenus, qui ont une capacité d'épargne et une propension à consommer, cela peut ne pas toucher la consommation. » Et c'est bien là l'espoir des sénateurs, qui ont ciblé dans leur projet les catégories les plus aisées, en créant une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu ou encore en rendant pérenne la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (voir graphique). Toutefois, « ce n'est pas aussi simple, leur forte épargne permet aussi de l'investissement », rappelle Jean-Luc Proutat.

Si la nature des recettes compte, celle des réductions de dépenses aussi. Pour Hélène Baudchon, « il faut les réformer structurellement pour entraîner un effet durable sur le déficit ». Or, la décision du gouvernement de revaloriser les prestations sociales à hauteur de la croissance et non de l'inflation, par exemple, « correspond plus à un traitement conjoncturel du problème, la mesure étant censée être temporaire ».

Par ailleurs, le maintien des dépenses de l'État à un niveau élevé peut conduire les ménages à épargner davantage, en perspective de hausses futures des impôts, au lieu de consommer. Ce comportement dit « ricardien », selon la théorie de l'économiste David Ricardo (1772-1823), « n'est pas complètement à balayer », indique Jean-Luc Proutat. Hausse des recettes ou baisse des dépenses, le résultat sera avant tout une question de dosage.

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