Le Charles-de-Gaulle regagne ses galons d’"usine à se battre"

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Le charles-de-gaulle regagne ses galons d’usine a se battre[reuters.com]
(Crédits : Philippe Wojazer)

par Sophie Louet

A BORD DU PORTE-AVIONS CHARLES-DE-GAULLE (Reuters) - Le porte-avions Charles-de-Gaulle, qui a repris ses essais techniques à la mer à la mi-septembre après un chantier de mise à niveau de 18 mois, est entré dans le vif de la préparation opérationnelle pour regagner ses galons d'"usine à se battre".

Seul bâtiment de surface à propulsion nucléaire en Europe, le navire de plus de 260 mètres de long, dont le tonnage équivaut à quatre Tours Eiffel, doit être déployé en opération au premier trimestre 2019, vraisemblablement début février dans l'océan Indien, selon des sources militaires.

Après des essais à la mer concluants, qui n'ont révélé aucune anomalie technique, le groupe aérien embarqué (Gaé), dont une quinzaine de Rafale Marine, est entré en action le 6 novembre pour cinq semaines de « mise en condition opérationnelle » et la préparation de l'équipage - 1.700 personnes actuellement - « à des situations hostiles ».

« On réapprend à travailler le haut du spectre » tactique et « on consolide notre capacité à interopérer avec d'autres nations », explique le capitaine de frégate Christophe Charpentier, commandant du Gaé.

Jeudi, la ministre des Armées Florence Parly s'est rendue pour la première fois sur le porte-avions où elle a assisté notamment à des appontages et catapultages de chasseurs.

La « refonte à mi-vie » du bâtiment, un chantier de quelque 1,3 milliard d'euros sous l'égide de Naval Group, a permis de moderniser les installations d'aide à l'appontage et de guidage des avions.

"UN OUTIL FÉDÉRATEUR"

Cette phase d'entraînement intensif devrait s'achever fin novembre pour laisser place à une ultime séquence d'essais du « Charles » avec son escorte du groupe aéronaval, qui inclut notamment une frégate de défense aérienne et une frégate de lutte anti-sous-marine (Fremm).

"Il faut réapprendre à travailler en synergie, retrouver les réflexes, redévelopper les doctrines", souligne le capitaine de vaisseau Hugues, chef d'état-major du groupe aéronaval (GAN).

"C'est l'occasion aussi de réfléchir à la manière d'optimiser notre groupe vis-à-vis des menaces futures, d'anticiper les combats de demain", ajoute le commissaire en chef Franck.

D'une boutade, le chef d'état-major de la Marine nationale, l'amiral Christophe Prazuck, présent jeudi, soulignait récemment le défi de la remilitarisation maritime en appelant de ses vœux « une petite demi-douzaine de porte-avions ».

Face au « changement profond du panorama stratégique naval », avec notamment les visées expansionnistes de Pékin en mer de Chine méridionale, le porte-avions demeure une « valeur tactique et politique » incomparable, aime-t-il à rappeler.

Le Charles-de-Gaulle, « 42.000 tonnes de diplomatie », a été déployé trois fois, entre janvier 2015 et septembre 2016, dans le cadre de la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI), en Irak et en Syrie.

Emmanuel Macron, qui entend faire de la France le fer de lance d'une Défense européenne renforcée, est attendu le 14 novembre sur le bâtiment, où il passera une nuit.

"TOUT EST OUVERT"

"Ce porte-avions est un outil fédérateur sur le plan diplomatique et militaire, et il joue à ce titre un rôle important du point de vue de la constitution d'une Europe de la Défense", a estimé jeudi Florence Parly.

"C'est aussi une usine à se battre », résume le commissaire en chef Franck.

Dans le bar des officiers, « l'arrimage de combat » est récemment réapparu : le piano est maintenu par une sangle, les vitres de l'aquarium barrées de bandes adhésives, de même que les miroirs aux murs.

L'accent a été porté durant la mise à niveau du bâtiment sur la modernisation des systèmes de combat et de navigation ; les senseurs et radars ont été modifiés. Le Système d'exploitation navale des informations tactiques a été également revu pour « renforcer les capacités d'interopérabilité », précise le commissaire en chef Franck.

« On mise sur l'efficacité opérationnelle », confirme le capitaine de frégate Christophe Charpentier.

Le Charles-de-Gaulle devrait rester en activité jusqu'à l'horizon 2038-2040. La ministre des Armées a annoncé le 23 octobre le lancement d'une étude de 18 mois sur le futur porte-avions appelé à succéder au Charles-de-Gaulle.

A la question de savoir si la France pourrait se doter à l'avenir de deux porte-avions, souhait de l'amiral Prazuck, Florence Parly a répondu jeudi : « Tout est ouvert, (...) les études sont aussi valables pour un que pour deux. » « Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs."

(Edité par Elizabeth Pineau)