La Turquie poursuit son offensive, l'armée syrienne en profite

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La turquie poursuit son offensive, l'armee syrienne en profite[reuters.com]
(Crédits : Murad Sezer)

MANBIJ, Syrie (Reuters) - Ignorant les sanctions internationales, la Turquie poursuivait son offensive contre les Kurdes dans le nord de la Syrie mardi, tandis que l'armée syrienne soutenue par la Russie progressait dans des zones désertées par les Etats-Unis.

Un journaliste de Reuters a accompagné l'entrée des forces du président syrien Bachar al Assad dans le centre de Manbij, où les soldats américains menaient encore récemment des patrouilles conjointes avec l'armée turque.

Manbij est située en bordure de la "zone de sécurité" qu'Ankara entend créer en territoire syrien, le long de la frontière, à la faveur de son offensive lancée le 9 octobre.

Des drapeaux syrien et russe ont été hissés en haut d'un immeuble en périphérie de la ville, dont les forces américaines se sont retirées ces derniers jours sur ordre de Donald Trump, a constaté le journaliste de Reuters.

"Nous avons quitté Manbij", a confirmé mardi le colonel Myles B. Caggins, porte-parole de la coalition internationale sous commandement américain en Syrie.

D'après le ministère russe de la Défense cité par l'agence Interfax, l'armée syrienne a pris le contrôle d'un territoire d'environ 1.000 km2 autour de Manbij, ainsi que de la base aérienne de Tabqa, de deux centrales électriques et de plusieurs ponts sur l'Euphrate.

L'arrivée des troupes gouvernementales ne s'est pas faite sans incident. Selon des médias de Damas, des combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS), alliées des Occidentaux dans la lutte contre le groupe Etat islamique, ont ouvert le feu sur des habitants qui voulaient accueillir triomphalement les soldats de Bachar al Assad.

Le journaliste de Reuters a entendu des coups de feu et a dû quitter les lieux lorsque des hommes portant l'uniforme de la milice kurde YPG (Unités de protection populaire) a pris à partie le groupe dont il faisait partie et cassé des appareils photos.

L'envoyé spécial du Kremlin pour la Syrie, Alexander Lavrentiev, a confirmé mardi que les dirigeants politiques kurdes avaient invité les forces de Damas à leur venir en aide pour repousser "l'invasion" turque à la suite d'une médiation menée par Moscou sur la base aérienne russe de Hmeimim.

SANCTIONS OCCIDENTALES

Les condamnations internationales n'ont eu jusqu'à présent aucun effet sur la détermination du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a fait la sourde oreille à un appel de Donald Trump à suspendre son offensive.

Selon son vice-président, Mike Pence, Donald Trump a réclamé lors d'un entretien téléphonique avec son homologue turc lundi soir l'instauration d'un cessez-le-feu immédiat dans le nord de la Syrie.

Les Etats-Unis ont aussi annoncé des sanctions contre des ministres turcs et le relèvement à 50% des droits de douane américains sur l'acier turc.

Dans l'attente d'une possible nouvelle réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l'Onu mercredi, les Etats membres de l'Union européenne ont décidé de leur côté de réduire leurs exportations d'armes vers la Turquie, sans toutefois se mettre d'accord sur un embargo.

Les Européens insistent sur la solidarité envers les Kurdes qui ont combattu contre l'EI, mais leur préoccupation immédiate est le sort des djihadistes détenus dans le nord de la Syrie.

Le ministre britannique des Affaires européennes, Dominic Raab, a déclaré mardi devant le Parlement que Londres allait "revoir" sa politique à l'égard des anciens membres de l'EI. "Nous ne voulons pas que les combattants étrangers rentrent au Royaume-Uni", a-t-il dit.

Interrogé sur le même sujet à l'Assemblée nationale, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a annoncé qu'il se rendrait dans les prochains jours à Bagdad pour s'entretenir avec les autorités irakiennes et kurdes locales.

(Avec Ellen Francis et Tom Perry à Beyrouth, John Irish à Paris; Tangi Salaün pour le service français)