Les livraisons de chars Leopard font les beaux jours de Rheinmetall

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Le logo de la societe allemande rheinmetall ag a duesseldorf[reuters.com]
(Crédits : Thilo Schmuelgen)

FRANCFORT, Allemagne (Reuters) - Pour Armin Papperger, il y a des semaines où c'est un peu tous les jours dimanche.

Mardi, le président du directoire de Rheinmetall a revu à la hausse les perspectives de ventes à moyen terme du géant allemand de la défense, en tablant sur les retombées de l'explosion des budgets militaires en raison de la guerre en Ukraine.

Le lendemain, la décision du gouvernement allemand de livrer à Kyiv des chars de combat Leopard 2, construits conjointement par Rheinmetall et Krauss-Maffei Wegmann (KMW), a permis à l'action de l'entreprise de toucher en Bourse un plus haut de 134 ans.

Le fabricant de chars, de munitions et d'autres équipements militaires est désormais valorisé près de 10 milliards d'euros, une valeur multipliée par 2,5 sur un an, ce qui pourrait lui ouvrir la porte du DAX, l'indice phare de la Bourse de Francfort.

Pour Armin Papperger, 59 ans, l'invasion de l'Ukraine par la Russie n'a pas seulement ouvert de nouvelles perspectives pour Rheinmetall, elle a aussi provoqué un changement de perception dans un pays traditionnellement critique du rôle de l'Allemagne dans les conflits militaires.

"Avant, nous étions insultés et parfois même menacés. Aujourd'hui, les gens me disent et m'écrivent : 'Dieu merci, vous êtes là'", a déclaré cette semaine le patron du géant de l'armement au magazine allemand Stern.

S'il a longtemps paru résister aux pressions de ses alliés sur la livraison de chars Leopard à l'Ukraine, le chancelier Olaf Scholz a lui-même pour ambition de rendre à son pays sa place sur le devant de la scène internationale, un "changement d'époque" ("Zeitenwende") qu'il a théorisé devant le Bundestag le 27 février 2022, peu après le début de la guerre en Ukraine.

L'Allemagne doit pour cela se délester de la "mauvaise conscience" qui la hante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale - sa "responsabilité historique", selon les termes employés par l'ambassadeur de Russie à Berlin après le feu vert aux livraisons de chars Leopard.

TRADUIRE LES BUDGETS EN COMMANDES

"Je réfléchis à ce que les armes peuvent faire", dit pour sa part Armin Papperger, qui est entré à Rheinmetall en 1990 et dirige l'entreprise depuis une décennie. "Mais je réfléchis aussi à ce qui peut arriver quand on n'a pas d'armes. On peut le voir en ce moment en Ukraine."

Rheinmetall, qui est aussi un important fournisseur du secteur automobile, emploie plus de 25.000 personnes dans le monde. En dehors du Leopard, la société construit les véhicules de combat d'infanterie Puma et Marder et elle participe au projet franco-allemand de char du futur (MGCS) avec KMW et Nexter.

Le géant allemand, qui a fourni jusqu'à présent à l'Ukraine des systèmes de défense antiaérienne et antidrones, s'est dit en mesure de livrer jusqu'à 139 chars Leopard, dont 51 dans sa version modernisée. Vingt-neuf Leopard 2A4 pourraient être livrés d'ici avril ou mai, a-t-il précisé.

Berlin s'est pour l'instant engagé à prélever 14 de ces chars sur les stocks de l'armée allemande.

Les analystes de Stifel Equity Research s'attendent à ce que les ventes de Leopard rapportent à Rheinmetall entre 300 et 350 millions d'euros cette année et la prochaine, sommes auxquelles s'ajouteront les livraisons de munitions estimées à 32 millions d'euros par mois.

Pour que ces ventes se matérialisent, Armin Papperger a cependant appelé cette semaine le gouvernement d'Olaf Scholz à traduire rapidement en commandes le budget exceptionnel de 100 milliards d'euros qu'il a présenté l'an dernier pour moderniser l'armée allemande.

"L'ensemble de l'industrie allemande est prête", a-t-il dit pendant une conférence.

(Reportage de Christoph Steitz, version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)